mardi 29 janvier 2008

Tentative d'extradition vers la Turquie

Parallèlement au « procès du DHKC » amorcé au début de l'année 2006, le Clea a aussi été le témoin privilégié d'une autre supercherie, d'une histoire dans l'histoire en quelque sorte, et de très mauvais goût. Il s'agit de la tentative par les autorités belges de faire extrader Bahar Kimyongür, militant de nationalité belge, vers la Turquie en profitant du fait qu'il se rende aux Pays-Bas.

Ces derniers temps, l'affaire refait surface dans les médias. Un agent de la Sûreté de l'État a décidé d'en parler ouvertement et le journaliste Marc Metdepenningen a ressorti récemment le dossier dans le journal Le Soir (voir l'article complet). L'affaire est aussi apparue pour la première fois dans la presse française.

Tract distribué par le Clea -
législatives belges 2007

Pour rappel, le 26 avril au soir une réunion secrète rassemblant des représentants du ministère de la Justice, du ministère de l'Intérieur et du Premier ministre, le procureur fédéral Johan Delmulle - le même en charge dans « le procès du DHKC » - ainsi que des hauts fonctionnaires de la Police et de la Sûreté de l'État était organisée en vue son extradition [celle de Bahar Kimyongür] vers la Turquie.
Au même moment, celui-ci participait à une conférence organisée par le Clea à l'Université Libre de Bruxelles ayant trait au verdict en première instance du « procès du DHKC ». Le lendemain au soir, il se rendait aux Pays-Bas où un concert de musique turque progressiste était en préparation avec notamment les participations de GrupYorum, d'Arif Sağ et de la chanteuse kurde Aynur. Il faut dire qu'il a pour habitude de servir d'interprète entre artistes turcs et organisateurs d'évènements.
Il ignore bien sûr qu'un mandat d'arrêt international vient d'être relâché à son encontre par la Turquie depuis quelques jours et que la police belge informe avec zèle les services turcs et néerlandais de ses déplacements. La suite est relativement bien connue : arrêté par une voiture banalisée de la police hollandaise, il est incarcéré en attendant que la justice des Pays-Bas se prononce sur la validité du mandat d'arrêt turc sur la forme dans un premier temps et sur le fond dans un second. C'est le fond absolument abracadabrant qui sera rejeté par le juge hollandais et qui verra la libération de Bahar Kimyongür le 4 juillet 2006 après plus de deux mois d'attente pénible.

A l'époque, tout le monde ignore encore l'existence de la réunion secrète... par définition, pourrait-on dire. Cependant, le procureur hollandais ayant parlé ouvertement de contacts entre la police belge et la police néerlandaise, sa plaidoirie met la puce à l'oreille des associations mobilisées, du sénateur Josy Dubié (ecolo) et bien sûr des journalistes. Même s'il est déjà évident que quelque chose a été planifié.

Quelques articles paraissent dans la presse et le sénateur Josy Dubié interpelle la ministre de la Justice de l'époque, Laurette Onkelinx (PS) qui dément énergiquement la participation de la Belgique à une tentative d'extradition sur Bahar Kimyongür (voir l'interpellation de Josy Dubié au sénat le 22 juin 2006 ; p.9 - p.11). Objectivement, elle ment. En effet, quelques mois plus tard, certains éléments du rapport des comités P & R rendus publics en avant première dans la presse infirmeront cette version des faits. De plus, ce rapport qui concerne la fameuse réunion du 26 avril et qui contient le procès verbal de celle-ci en document annexe sera interdit d'accès par Anne-Marie Lizin (PS), présidente du Sénat. Le Clea a concocté un dossier de presse qui embrasse l'année 2006 et 2007 et qui réunit les principaux articles parus à ce sujet.

La loi belge prévoit que l'État n'extrade pas ses nationaux comme dans de nombreux autres pays. Cette réunion a donc constitué un crime de collusion de fonctionnaires - ou coalition comme stipulé par le Code Pénal - dans la mesure où des dispositions légales ont été expressément contournées par des hauts agents de l'État afin de parvenir à leurs fins. Voici ce que prévoit le Code Pénal :

Code Pénal Belge - article 233 :
« Lorsque des mesures contraires aux lois ou à des arrêtés royaux auront été concertées, soit dans une réunion d'individus ou de corps dépositaires de quelque partie de l'autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, les coupables seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois »

Le sénateur Josy Dubié a interpellé à nouveau l'actuel ministre de la Justice à la lumière des nouvelles infos transmises par le rapport annuel du comité R (Info-Türk en rapporte l'échange). Mais aujourd'hui, du point de vue du nouveau gouvernement dont la composition intérimaire fait la part belle à l'ancien, c'est le silence radio : "RAS" ; "nous ne savons rien" ; "ce que vous dites ne s'est pas passé" ; "nous ne comprenons pas de quoi vous parlez" ; "il y a méprise, vous confondez".

En somme, on y respecte les règles de base du secret ; toujours nier et ne rien admettre.

1/2KL

0 commentaires: