Comme évoqué trois posts en amont, le dernier Symposium international contre l'isolement qui s'est tenu à Bruxelles à la mi-décembre a été suivi d'une activité de sortie de conférence. Profitant de la présence de deux juristes Turcs qui se battent depuis des années contre l'isolement carcéral dans leur pays, nous avons formé une délégation pour rencontrer députés et fonctionnaires auprès du Parlement européen et de la Commission afin que ces institutions puissent obtenir des garanties de la part de la Turquie pour mettre définitivement fin à cette pratique.
L'un de ces juristes est l'avocat Behiç Aşçı, à la proue du Tecrite Karşı Dayanışma Komitesi / Comité de Solidarité Contre l'Isolement qui rassemble plus d'un millier d'avocats turcs, et qui a mené une grève de la faim de près de 10 mois pour réclamer la fin de l'isolement carcéral. Dans les derniers mois, il était accompagné dans son action par Sevgi Saymaz, une prisonnière politique, et par Gülcan Görüroğlu, une mère de famille. Leur grève de la faim a été interrompue le 23 janvier dernier après l'émission d'une circulaire par le ministre de la Justice de l'époque, Cemil Çiçek, qui modifie la réglementation interne des prisons. Tous les précédents groupes de grévistes de la faim rassemblés contre l'isolement n'ont jamais reçu la moindre attention du gouvernement et ont porté leur jeûne au finish...
Le second juriste est Selçuk Kozaağaçlı, président du Çağdaş Hukukcular Derneği / Association des Juristes Contemporains, qui rassemble plusieurs milliers d'avocats progressistes en Turquie. Cette association est à son tour très impliquée dans le combat contre l'isolement et défend de nombreux prisonniers politiques.
Lors de la dernière grève de la faim, le Clea a joué le rôle de relais pour tenter de maintenir autant que possible le lien informatif entre l'associatif turc rassemblé contre l'isolement d'une part et certains députés européens, essentiellement ceux de la commission mixte Union européenne-Turquie, ainsi que le bureau à l'élargissement de la Commission d'autre part.
"Mettre fin à cette pratique"
Il faut savoir qu'il existe deux types d'isolements. Il y a tout d'abord l'isolement individuel classique où le prisonnier demeure constamment dans une cellule sans contacts aucuns. Mais l'isolement peut aussi prendre une forme plurielle à travers les cellules par trois. Dans ce cas, l'appellation de "huis clos" (sartrien) serait plus correcte car ces trois personnes demeurent constamment ensemble dans l'interdiction de communiquer avec les autres détenus contrairement à une prison "normale". La rupture psychologique de l'un entraînant inévitablement des répercussions sur les deux autres.
Concrètement, la fin de cette pratique consiste à faire communiquer les détenus de cellules différentes un nombre minimum et suffisant d'heures par semaine ainsi qu'à lever l'arbitraire règnant autour des visites des proches. Ceci, dans le seul but de rompre le cycle de la solitude forcée. Cette solution a d'ailleurs été formulée de la manière la plus souple qui soit en demandant un pas en avant de la part du gouvernement.
Mouvement sans précédent en Turquie
C'est par ces mots que Behiç Aşçı prenait acte du mutisme des autorités, de leur ignorance criminelle, du blocage total autour de l'isolement et qu'il décidait d'entamer sa grève de la faim le 5 avril 2006. Le fait qu'un avocat accepte d'aller à l'encontre de ce que d'aucuns appelleraient son code de déontologie en s'impliquant au point de mettre sa vie en danger a eu indéniablement des répercussions. Malheureusement, quelques mois (semaines!) plus tôt Fatma Koyupınar, une militante en grève de la faim, n'a pas bénéficié de la même attention et une vie de plus a été perdue.
En Turquie, le mouvement réuni contre l'isolement n'a jamais été aussi large et a fait littéralement boule de neige au fur et à mesure que Behiç Aşçı perdait de ses forces. Bien sûr, les habituelles associations comme la TAYAD (Association de Solidarité des Familles des Prisonniers), celles réunies au sein de HÖC (Plate-forme/Front pour les Droits et les Libertés) ou le ÇHD (Association des Juristes Contemporains) soutenaient initialement les revendications.
A celles-ci, se sont ajoutées les corporations de métier qui ont une tradition progressiste forte comme le TTB (Union des Médecins Turcs), le TMMOB (Union des Chambres des Ingénieurs et des Architectes Turcs) qui connaissent très bien le problème de l'isolement carcéral et qui ont fourni moult rapports et documents à ce sujet. Les trois principales associations des droits de l'homme : l'İHD (Association des Droits de l'Homme), le TİHV (Fondation Turque des Droits de l'Homme) et Mazlum Der (une association humanitaire d'obédience musulmane à peu près équivalente aux associations de Secours Chrétien) ont fait front commun dans ce mouvement à leur tour. Et puis, ce furent les centrales syndicales du KESK et du DİSK, de loin les plus progressistes de Turquie, qui ont pris ouvertement position.
Là où le soutien en faveur de ces revendications fut le plus large fut quand les barreaux des principales villes de Turquie se sont exprimés pour soutenir leur collègue. Des personnalités comme Yaşar Kemal, qui est au demeurant l'écrivain le plus lu en Turquie, ont aussi apporté un soutien direct à Behiç Aşçı en se rendant à son chevet. Atilla Kart (CHP) membre de la Commission aux Droits de l'Homme de la Grande Assemblée Nationale de Turquie a même interpellé directement le ministre de la Justice à ce sujet [Bianet].
Soutien de l'étranger
Cette mobilisation unique dans le mouvement des grèves de la faim a attiré l'attention à l'étranger et plusieurs délégations se sont succédé, notamment l'une d'elle emmenée par deux avocats belges dont il a été question dans la presse française (voir l'article complet). Entre autres choses, une délégation de la Commission des Droits de l'Homme sur la Détention Arbitraire (Nations Unies) a été reçue par Behiç Aşçı comme l'a rapporté l'agence de presse Bianet.
Il est difficile d'être exhaustif mais il faut savoir que la solidarité envers Behiç Aşçı et les prisonniers politiques turcs a su s'exprimer aux échelons nationaux, régionaux ou locaux comme cette motion votée à l'unanimité par la Province de Florence par exemple.
Plusieurs députés européens ont pris directement position en faveur des revendications formulées par Behiç Aşçı lors de sa grève de la faim. Bernadette Bourzai (PSE) fut la première députée européenne à presser le ministre turc de la Justice a réagir par le biais d'une lettre. Par la suite, Feleknas Uca (GUE/NGL) qui connaît avantageusement les questions attenantes aux droits de l'homme en Turquie et qui travaille beaucoup sur les droits culturels en faveur des Kurdes ou sur la condition féminine, a envoyé à son tour une lettre au ministre. En outre, Marios Matsakis (ADLE) également de la commission mixte UE-Turquie comme les deux députées précédemment citées est intervenu à deux reprises en session plénière (le 23 octobre 2006 et le 11 décembre 2006), ce qui a eu le mérite d'entraîner une réaction de la part du président du Parlement.
Aujourd'hui
On aurait pu encore faire venir une délégation de Mars, que les choses n'auraient pas été plus avancées. La conception du pouvoir en Turquie ressemble infiniment plus à celle d'une volonté qui s'instaure du haut vers le bas qu'à une solution négociée. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le gouvernement à travers le ministre de la Justice a feint ne pas voir la mobilisation. La presse turque à grand tirage a généralement boycotté le mouvement et quand elle ne l'a pas fait, c'était pour agiter "la menace terroriste". S'il y avait des réclamations à propos des conditions de détention, ça ne pouvait être que pour donner un prétexte aux "terroristes", les clients des avocats mobilisés en l'occurrence, de faire des attentats [bruit qu'a fait courir le très nationaliste Hürriyet]. Jusqu'à la fin, le débat public a ressemblé à peu près à cela. À tel point que certains députés d'origines turques dont on taira le nom ne savaient rien du mouvement des grèves de la faim et si le mot tecrit n'avait pas été européanisé en izolasyon, ils se demanderaient encore de quoi on les entretenait.
En fin de compte, le 22 janvier 2007, dans un geste de dépit, le ministère de la Justice relâche une circulaire très générale sur la réglementation des prisons. Dans la partie consacrée aux activités communes, toutefois, les modifications prévues rencontrent les exigences des grévistes de la faim et le jeûne de la mort est interrompu pour la première fois en 7 ans.
Cette circulaire est d'ailleurs très explicitement mentionnée relativement aux prisons de type-F dans le dernier rapport de la Commission européenne (p.14 = 2.§2). C'est une victoire en demi-teinte. Victoire car il s'agit d'une reconnaissance implicite du problème de l'isolement dans ces prisons, ce qui n'avait jamais été le cas jusque là. Demi-teinte car ce rapport, il ne faut pas l'oublier, est un rapport sur les progès de la Turquie et qu'il part du postulat que la Turquie progresse. La circulaire est donc interprêtée sous cet angle.
En fait, si l'on se réfère strictement à la pratique, pour l'heure, la circulaire n'est toujours pas appliquée. Elle l'a été pendant quelques mois dans deux prisons (sur les treize, pour rappel) avant que les mesures promises par le gouvernement lui-même ne soient arbitrairement suspendues là aussi. Telle est la situation actuelle.
Dans une multitude d'autres affaires, la tactique politique turque a toujours été celle de faire croire à une réforme pour s'en tenir au statu quo. Faire miroiter un changement significatif, pour ensuite faire oeuvre de sabotage sur chaque mini-concession accordée auparavant. Comme ces pseudos droits culturels accordés aux Kurdes, salués dans le rapport de la Commission européenne en 2004, et qui se sont révélés être une coquille vide.
Dix heures de rencontre par semaine entre dix détenus n'est pas une mesure qui résoudra le problème général des conditions de détention dans les prisons turques et encore moins celui des incarcérations politiques. Sept ans de lutte civile en continue, plus d'une centaine de morts, des rapports accablants, des manifestations, des pièces de théâtre, des pétitions, des pressions politiques ; tout ça pour quelques lignes sur papier qui n'ont même pas force de loi et qui par-dessus tout ne sont toujours pas mises en pratique. Voilà, le bilan de ce qu'un mouvement citoyen a obtenu à ce jour du gouvernement turc, voilà pourquoi la mobilisation continue et pourquoi la page des grèves de la faim ne peut être tournée définitivement.
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L'un de ces juristes est l'avocat Behiç Aşçı, à la proue du Tecrite Karşı Dayanışma Komitesi / Comité de Solidarité Contre l'Isolement qui rassemble plus d'un millier d'avocats turcs, et qui a mené une grève de la faim de près de 10 mois pour réclamer la fin de l'isolement carcéral. Dans les derniers mois, il était accompagné dans son action par Sevgi Saymaz, une prisonnière politique, et par Gülcan Görüroğlu, une mère de famille. Leur grève de la faim a été interrompue le 23 janvier dernier après l'émission d'une circulaire par le ministre de la Justice de l'époque, Cemil Çiçek, qui modifie la réglementation interne des prisons. Tous les précédents groupes de grévistes de la faim rassemblés contre l'isolement n'ont jamais reçu la moindre attention du gouvernement et ont porté leur jeûne au finish...
Le second juriste est Selçuk Kozaağaçlı, président du Çağdaş Hukukcular Derneği / Association des Juristes Contemporains, qui rassemble plusieurs milliers d'avocats progressistes en Turquie. Cette association est à son tour très impliquée dans le combat contre l'isolement et défend de nombreux prisonniers politiques.
Lors de la dernière grève de la faim, le Clea a joué le rôle de relais pour tenter de maintenir autant que possible le lien informatif entre l'associatif turc rassemblé contre l'isolement d'une part et certains députés européens, essentiellement ceux de la commission mixte Union européenne-Turquie, ainsi que le bureau à l'élargissement de la Commission d'autre part.
"Mettre fin à cette pratique"
Il faut savoir qu'il existe deux types d'isolements. Il y a tout d'abord l'isolement individuel classique où le prisonnier demeure constamment dans une cellule sans contacts aucuns. Mais l'isolement peut aussi prendre une forme plurielle à travers les cellules par trois. Dans ce cas, l'appellation de "huis clos" (sartrien) serait plus correcte car ces trois personnes demeurent constamment ensemble dans l'interdiction de communiquer avec les autres détenus contrairement à une prison "normale". La rupture psychologique de l'un entraînant inévitablement des répercussions sur les deux autres.
Concrètement, la fin de cette pratique consiste à faire communiquer les détenus de cellules différentes un nombre minimum et suffisant d'heures par semaine ainsi qu'à lever l'arbitraire règnant autour des visites des proches. Ceci, dans le seul but de rompre le cycle de la solitude forcée. Cette solution a d'ailleurs été formulée de la manière la plus souple qui soit en demandant un pas en avant de la part du gouvernement.
Mouvement sans précédent en Turquie
«J'ai utilisé tous les recours légaux, participé à un nombre incalculable de manifestations afin de mettre fin à l'application de l'isolement carcéral. Aucun de mes procès, aucune de mes actions n'ont porté leurs fruits. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir en tant qu'homme de droit. J'ai alors décidé d'entamer le jeûne de la mort, grève de la faim 'au finish', pour le droit à la vie dans un pays où le droit et la justice sont bafoués.»
C'est par ces mots que Behiç Aşçı prenait acte du mutisme des autorités, de leur ignorance criminelle, du blocage total autour de l'isolement et qu'il décidait d'entamer sa grève de la faim le 5 avril 2006. Le fait qu'un avocat accepte d'aller à l'encontre de ce que d'aucuns appelleraient son code de déontologie en s'impliquant au point de mettre sa vie en danger a eu indéniablement des répercussions. Malheureusement, quelques mois (semaines!) plus tôt Fatma Koyupınar, une militante en grève de la faim, n'a pas bénéficié de la même attention et une vie de plus a été perdue.
En Turquie, le mouvement réuni contre l'isolement n'a jamais été aussi large et a fait littéralement boule de neige au fur et à mesure que Behiç Aşçı perdait de ses forces. Bien sûr, les habituelles associations comme la TAYAD (Association de Solidarité des Familles des Prisonniers), celles réunies au sein de HÖC (Plate-forme/Front pour les Droits et les Libertés) ou le ÇHD (Association des Juristes Contemporains) soutenaient initialement les revendications.
A celles-ci, se sont ajoutées les corporations de métier qui ont une tradition progressiste forte comme le TTB (Union des Médecins Turcs), le TMMOB (Union des Chambres des Ingénieurs et des Architectes Turcs) qui connaissent très bien le problème de l'isolement carcéral et qui ont fourni moult rapports et documents à ce sujet. Les trois principales associations des droits de l'homme : l'İHD (Association des Droits de l'Homme), le TİHV (Fondation Turque des Droits de l'Homme) et Mazlum Der (une association humanitaire d'obédience musulmane à peu près équivalente aux associations de Secours Chrétien) ont fait front commun dans ce mouvement à leur tour. Et puis, ce furent les centrales syndicales du KESK et du DİSK, de loin les plus progressistes de Turquie, qui ont pris ouvertement position.
Là où le soutien en faveur de ces revendications fut le plus large fut quand les barreaux des principales villes de Turquie se sont exprimés pour soutenir leur collègue. Des personnalités comme Yaşar Kemal, qui est au demeurant l'écrivain le plus lu en Turquie, ont aussi apporté un soutien direct à Behiç Aşçı en se rendant à son chevet. Atilla Kart (CHP) membre de la Commission aux Droits de l'Homme de la Grande Assemblée Nationale de Turquie a même interpellé directement le ministre de la Justice à ce sujet [Bianet].
Soutien de l'étranger
Cette mobilisation unique dans le mouvement des grèves de la faim a attiré l'attention à l'étranger et plusieurs délégations se sont succédé, notamment l'une d'elle emmenée par deux avocats belges dont il a été question dans la presse française (voir l'article complet). Entre autres choses, une délégation de la Commission des Droits de l'Homme sur la Détention Arbitraire (Nations Unies) a été reçue par Behiç Aşçı comme l'a rapporté l'agence de presse Bianet.
Il est difficile d'être exhaustif mais il faut savoir que la solidarité envers Behiç Aşçı et les prisonniers politiques turcs a su s'exprimer aux échelons nationaux, régionaux ou locaux comme cette motion votée à l'unanimité par la Province de Florence par exemple.
Plusieurs députés européens ont pris directement position en faveur des revendications formulées par Behiç Aşçı lors de sa grève de la faim. Bernadette Bourzai (PSE) fut la première députée européenne à presser le ministre turc de la Justice a réagir par le biais d'une lettre. Par la suite, Feleknas Uca (GUE/NGL) qui connaît avantageusement les questions attenantes aux droits de l'homme en Turquie et qui travaille beaucoup sur les droits culturels en faveur des Kurdes ou sur la condition féminine, a envoyé à son tour une lettre au ministre. En outre, Marios Matsakis (ADLE) également de la commission mixte UE-Turquie comme les deux députées précédemment citées est intervenu à deux reprises en session plénière (le 23 octobre 2006 et le 11 décembre 2006), ce qui a eu le mérite d'entraîner une réaction de la part du président du Parlement.
Aujourd'hui
On aurait pu encore faire venir une délégation de Mars, que les choses n'auraient pas été plus avancées. La conception du pouvoir en Turquie ressemble infiniment plus à celle d'une volonté qui s'instaure du haut vers le bas qu'à une solution négociée. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le gouvernement à travers le ministre de la Justice a feint ne pas voir la mobilisation. La presse turque à grand tirage a généralement boycotté le mouvement et quand elle ne l'a pas fait, c'était pour agiter "la menace terroriste". S'il y avait des réclamations à propos des conditions de détention, ça ne pouvait être que pour donner un prétexte aux "terroristes", les clients des avocats mobilisés en l'occurrence, de faire des attentats [bruit qu'a fait courir le très nationaliste Hürriyet]. Jusqu'à la fin, le débat public a ressemblé à peu près à cela. À tel point que certains députés d'origines turques dont on taira le nom ne savaient rien du mouvement des grèves de la faim et si le mot tecrit n'avait pas été européanisé en izolasyon, ils se demanderaient encore de quoi on les entretenait.
En fin de compte, le 22 janvier 2007, dans un geste de dépit, le ministère de la Justice relâche une circulaire très générale sur la réglementation des prisons. Dans la partie consacrée aux activités communes, toutefois, les modifications prévues rencontrent les exigences des grévistes de la faim et le jeûne de la mort est interrompu pour la première fois en 7 ans.
Cette circulaire est d'ailleurs très explicitement mentionnée relativement aux prisons de type-F dans le dernier rapport de la Commission européenne (p.14 = 2.§2). C'est une victoire en demi-teinte. Victoire car il s'agit d'une reconnaissance implicite du problème de l'isolement dans ces prisons, ce qui n'avait jamais été le cas jusque là. Demi-teinte car ce rapport, il ne faut pas l'oublier, est un rapport sur les progès de la Turquie et qu'il part du postulat que la Turquie progresse. La circulaire est donc interprêtée sous cet angle.
En fait, si l'on se réfère strictement à la pratique, pour l'heure, la circulaire n'est toujours pas appliquée. Elle l'a été pendant quelques mois dans deux prisons (sur les treize, pour rappel) avant que les mesures promises par le gouvernement lui-même ne soient arbitrairement suspendues là aussi. Telle est la situation actuelle.
Dans une multitude d'autres affaires, la tactique politique turque a toujours été celle de faire croire à une réforme pour s'en tenir au statu quo. Faire miroiter un changement significatif, pour ensuite faire oeuvre de sabotage sur chaque mini-concession accordée auparavant. Comme ces pseudos droits culturels accordés aux Kurdes, salués dans le rapport de la Commission européenne en 2004, et qui se sont révélés être une coquille vide.
Dix heures de rencontre par semaine entre dix détenus n'est pas une mesure qui résoudra le problème général des conditions de détention dans les prisons turques et encore moins celui des incarcérations politiques. Sept ans de lutte civile en continue, plus d'une centaine de morts, des rapports accablants, des manifestations, des pièces de théâtre, des pétitions, des pressions politiques ; tout ça pour quelques lignes sur papier qui n'ont même pas force de loi et qui par-dessus tout ne sont toujours pas mises en pratique. Voilà, le bilan de ce qu'un mouvement citoyen a obtenu à ce jour du gouvernement turc, voilà pourquoi la mobilisation continue et pourquoi la page des grèves de la faim ne peut être tournée définitivement.
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