jeudi 24 janvier 2008

La justice italienne confirme les peines infligées à des militants turcs...

La Cour d'Appel de Pérouse (cour d'assises) vient de confirmer les peines reçues en première instance par deux sympathisants de la gauche révolutionnaire de Turquie. Avni Er et Zeynep Kılıç sont en effet les seules personnes qui demeurent incarcérées à ce jour suite à l'opération du premier avril 2004. Cette opération a impliqué la collaboration de plusieurs pays dont la Turquie et a débouché sur toute une série de procès politiques parmi lesquels celui que suit plus particulièrement le Clea.

Les faits reprochés sont simples et limpides : pas d'armes, pas de faux documents, aucun délit de droits communs, rien du tout si ce n'est de l'information que les deux militants diffusaient sur leur site internet dans la ville de Pérouse et quelques coups de fil enregistrés. L'essence de la condamnation repose sur cela... et absolument rien d'autre. L'information ainsi désignée référait essentiellement à la torture exercée en Turquie, à la répression violente de l'armée ainsi qu'à des communiqués émis par la branche armée du mouvement révolutionnaire turc (DHKP-C), notamment lors de représailles contre des émanations de l’État. La Cour a décidé d'appeler cette information, de la "revendication".

En temps normal, faire de l'information entre dans le cadre de la liberté d'expression et il n'existe aucun "crime de revendication" pour quelqu'un qui rapporterait une action violente commise par un mouvement clandestin, même s'il y sympathise. Souvent, on croit à tort que c'est la "revendication" qui a été punie, or précisément il n'existe rien de pareil. Cependant, la "revendication", une fois désignée comme telle, devient dans un second temps une "preuve" de l'appartenance des sympathisants à une organisation déclarée terroriste. L'appartenance qui, elle, est désormais criminalisée depuis l'entrée en vigueur récente des lois antiterroristes. Bref, une subtilité qui permet de criminaliser la liberté d'expression et d'aider un pays peu regardant sur les droits de l'homme à faire taire des militants partis en exil.

Les faits reprochés étant extrêmement simples, le débat judiciaire a essentiellement tourné autour de la qualification ou non d'organisation terroriste concernant le mouvement révolutionnaire turc. L'Italie ayant un passé partisan très important, la défense à joué à fond la carte du droit à l'eversione - soit le droit à la réaction violente contre l'ordre établi, en l'occurrence ici la constitution de 1982 et le régime militaire - par opposition à la qualification de terrorisme provenant de l’État turc lui-même. La justice italienne, à travers un jury populaire de cour d'assises, s'est prononcée à nouveau contre ce droit en ce qui concerne la gauche turque.

Selon le procureur, il est possible de parler d'un tel droit seulement à partir du moment où... la communauté internationale reconnaît un tel conflit (sic) ce qui ne serait pas le cas dans la situation turque. Bien entendu, il n'existe nulle part une instance internationale compétente pour déclarer certains conflits légitimes et d'autres non ; c'est ce qui a été pourtant sous-entendu dans le flou le plus total. Exit donc le droit à la résistance contre un régime militariste, y compris par la voie informative. Il va sans dire que la réserve que devrait avoir la justice sur la situation politique dans un pays tiers n'a même pas été envisagée.

Restent donc deux militants turcs n'ayant probablement jamais approché une arme de leur vie, comprenant à peu près la moitié de ce qui se disait à leur encontre malgré la présence d'un traducteur et condamnés à des peines de sept et cinq ans... avec en prime une extradition ou une expulsion en ligne de mire vers les prisons démocratiques de la Turquie.

1/2KL

0 commentaires: