vendredi 1 mai 2009

De la fête de la nation à la fête du travail

Sur la place de Taksim, la plus importante d’İstanbul, se trouve le Cumhuriyet Anıtı [Monument à la République] représentant entre autres choses, Mustafa Kemal et certains de ses acolytes fondateurs de la République turque.
L’année passée, face à l’imposant dispositif policier déployé pour empêcher les manifestants d’atteindre la place, un caricaturiste de la presse nationaliste classique, avait dessiné un frêle ouvrier tentant de déposer une gerbe de fleurs en bas du dit monument et empêché de le faire par un policier surarmé.
Cette critique de l’action gouvernementale illustre bien les limites intellectuelles au-delà desquelles on ne peut interpréter la fête du travail en Turquie. Le Premier Mai est la fête du travail mais à la condition que l’ouvrier fasse montre de déférence à la figure de Mustafa Kemal et au monument symbolisant le régime qu’il a mis en place. Le Premier Mai, d’accord. Mais le Premier Mai comme énième fête de la nation et du fascisme…
C’est dans ce sens-là qu’avaient abondé la principale formation syndicale nationaliste : Türk-İş. L’année passée, en effet, elle s’était montrée unilatéralement disposée à y déposer une couronne (voir topic concerné). En réalité, la raison profonde pour un nombre certain de travailleurs de se rendre sur la place de Taksim est la commémoration des victimes de ce qui est communément appelé le Kanlı Bir Mayıs [Premier Mai Sanglant] de 1977 où plusieurs dizaines de personnes avaient été tuées et plusieurs centaines d’autres blessées, des inconnus ayant ouvert le feu [wiki].

Manifestants à Taksim (photo : Milliyet)

Récemment, le Premier Mai a été déclaré très officiellement “Jour du Travail et de la Solidarité” [Radikal]. Victoire de la pression syndicale, lâché de leste par l’AKP face à la détermination de l’année passée, image internationale à défendre : tous ces éléments entrent en ligne de compte. Dans son status ante quem, en 1935, sous Mustafa Kemal, le Premier Mai avait été transformé en fête nationale sans rapport avec le travail [Radikal]. Et de la fondation de la République jusqu’à 1975, cette fête n’avait jamais été célébrée massivement comme fête du travail. Après un interlude de deux ans, l'interdiction a prévalu jusqu'à aujourd'hui.
Cette année, les formations syndicales du DİSK et du KESK ont pu rejoindre la place de Taksim, ce qui n’a pas empêché les affrontements avec la police par ailleurs.

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