jeudi 3 avril 2008

PKK non-terroriste sur le plan juridique

La CEJ (Cour européenne de Justice) vient de se prononcer contre l'inscription du PKK sur les fameuses listes noires de l'UE adoptées après les attentats du 11 septembre 2001 et calquées sur le modèle états-unien [note de l'AFP sur le site d'Info-Türk]. La presse pro-kurde, proche de l'environnement PKK, est la première à se féliciter d'un tel jugement et titre : "CEJ : le PKK n'est pas une organisation terroriste" [Yeni Özgür Politika].

Dans les faits, même si la jurisprudence de cette décision remet les choses en ordre, l'arrêt n'annule techniquement que la décision de 2002. Comme ces listes sont régulièrement "complétées" et "parachevées", il suffit au Conseil des ministres de l'UE d'une simple mise à jour pour passer outre la décision du tribunal et continuer à classer telle personne ou telle organisation comme "terroristes".

Militante du PKK
(Photo : Gündem Online)

Il faut rappeler que ces décisions du Conseil des ministres de l'UE n'ont absolument aucune valeur légale, qu'elles sont strictement de nature administrative et qu'aucune instance législative - en l'occurrence le Parlement européen - n'a même été consultée à ce sujet. Elles ont quand même de nombreuses conséquences fâcheuses, notamment dans la suspension aléatoire de droits fondamentaux pour certaines personnes et associations. Mais aussi dans la transformation progressive des États en des régimes nettement plus répressifs. C'est en tous cas, ce qui ressort des conclusions du Conseil de l'Europe. À ce propos, dans Horizons et Débats, il faut lire l'interview de Dick F. Marty qui est rapporteur auprès de cette assemblée et qui a fait voter à une écrasante majorité une résolution critiquant sévèrement l'emploi de ces listes [voir la résolution 1597 et aussi la recommandation 1824 adoptée à sa suite]. La revue publie aussi le communiqué de presse du Conseil de l'Europe qui affirme que les listes noires violent les droits de l'homme. Preuve en est que lorsqu'une assemblée est consultée, elle ne désire pas laisser faire n'importe quoi.

Le cas de l'UÇK (Armée de Libération du Kosovo) est probablement celui qui permet le mieux de comprendre l'inclinaison arbitraire et idéologique de ces listes. D'abord placée comme une organisation terroriste sur la liste du département d'État des États-unis au cours des années 90, elle en a été ensuite rayée quelques temps après, juste avant que l'OTAN décide d'intervenir contre la Serbie. L'UÇΚ devint à ce moment-là la première alliée des troupes occidentales sur le terrain. La suite de l'histoire est relativement bien connue puisque désormais la plupart des pays de l'OTAN reconnaissent l'indépendance du Kosovo, une revendication qui était au fondement même de l'existence de l'organisation, et qu'enfin son inscription sur la fameuse liste du département d'État est une vieille histoire dont personne ne souhaite vraiment se rappeler aujourd'hui.

À côté des organisations qui y étaient et que l'on a retirées quand ce n'était plus compatible avec la politique étrangère des pays atlantistes, il y a aussi toutes les organisations armées et paramilitaires qui n'y figurent pas, qui n'y ont jamais figuré et qui n'y figureront probablement jamais. Souvent des organisations d'extrême-droite nationalistes ou des mafias, dont les crimes contre les populations civiles ne sont pourtant pas des secrets bien cachés.

De cela découle un enseignement majeur : ces listes sont avant tout des listes guidées par une vision idéologique du monde et certainement pas par un jugement à caractère scientifique basé sur une définition universelle et stable qui séparerait à coup sûr le bon grain de l'ivraie. Au contraire, elles ne se font et se défont qu'au regard de la météo géopolitique du moment. Ceux qui les utilisent le savent d'ailleurs fort bien mais ne le font qu'à titre d'autorité.

1/2KL

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