lundi 6 avril 2009

La fermeture négociée d’un média kurde

C’était dans l’air. Il semble bien que la nomination au poste de secrétaire général de l’OTAN de l’ancien premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, ait été négociée en échange de mesures à prendre à l’encontre de Roj TV. C’est en tout cas ce que l’on peut déduire des paroles rapportées par la presse turque lors du dernier sommet qui se tenait à İstanbul : « Tout d’abord, on est en train d’enquêter pour savoir s'il y a un lien économique entre Roj TV et l’organisation terroriste PKK. On cherche à savoir si les émissions de Roj TV font de l’incitation au terrorisme ou pas. Si l’on réunit assez de preuves, nous ferons notre possible pour fermer la chaîne mais dans le cadre des lois danoises. » [Radikal]
C’est aussi la première raison rapportée par Hürriyet avant l’histoire des caricatures [Hürriyet]. Le quotidien faisait mention de la présence du Parquet et d’officiels danois dès le 31 mars au sujet de poursuites à entamer en échange d’un soutien à la candidature de Rasmussen [Hürriyet].
Il y a deux jours, la presse pro-kurde parlait, quant à elle, de chantage exercé de la part du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, devant un parterre de journalistes. Ce dernier mettant en avant son entrevue quatre ans plus tôt avec le premier ministre danois, sa requête non rencontrée pour faire fermer Roj TV et, par conséquent, l’avis négatif qu’il avait de la candidature en question. [Yeni Özgür Politika]
On peut donc s’attendre à de futures procédures judiciaires visant à démettre la chaîne de sa licence danoise. Il faut savoir que cet intense ballet diplomatique a déjà mené la chaîne à des sanctions pénales, notamment en Belgique où elle a été astreinte à 4 millions d’euro l’année passée par le ministère des finances [Radikal]. En effet, si son antenne émet depuis le Danemark, ses studios se situent à quelques kilomètres de Bruxelles et des institutions européennes.

Erdοğan et Rasmussen (photo : Radikal)

On parle beaucoup du "choc ressenti" par l’AKP, et à travers lui, la Turquie, eu égard aux caricatures danoises. C’est fort bien méconnaître les enjeux de ce pays. Que pèse véritablement cette anecdote face à la question kurde ? Le média c’est l’opinion et l’opinion c’est l’élection. Or, si l’on retient ce qui est en quelque sorte l’équation de Chomsky, que constate-t-on au Kurdistan ? Une débacle électorale comme l’AKP n’en avait plus connue depuis plusieurs années, renforcée sans doute par la faiblesse du vote utile des municipales (contrairement aux législatives). Or, personne n’ignore que Roj TV offre une tribune de choix pour les candidats DTP et diffuse abondamment leurs interviews, meetings et discours. L’indépendance médiatique, on le sait, n’est pas trop la tasse de thé d’Ankara (cf : ancien topic à ce propos). C'est donc bien à cette aune qu'il faut comprendre l’ouverture d’un média en langue kurde sur un canal public (topic de Newroz) et ces nouvelles manoeuvres.
En défendant sa position à propos des caricatures, Rasmussen était donc venu défendre la liberté d’expression à İstanbul… [La Libre Belgique].

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