mardi 29 janvier 2008

Tentative d'extradition vers la Turquie

Parallèlement au « procès du DHKC » amorcé au début de l'année 2006, le Clea a aussi été le témoin privilégié d'une autre supercherie, d'une histoire dans l'histoire en quelque sorte, et de très mauvais goût. Il s'agit de la tentative par les autorités belges de faire extrader Bahar Kimyongür, militant de nationalité belge, vers la Turquie en profitant du fait qu'il se rende aux Pays-Bas.

Ces derniers temps, l'affaire refait surface dans les médias. Un agent de la Sûreté de l'État a décidé d'en parler ouvertement et le journaliste Marc Metdepenningen a ressorti récemment le dossier dans le journal Le Soir (voir l'article complet). L'affaire est aussi apparue pour la première fois dans la presse française.

Tract distribué par le Clea -
législatives belges 2007

Pour rappel, le 26 avril au soir une réunion secrète rassemblant des représentants du ministère de la Justice, du ministère de l'Intérieur et du Premier ministre, le procureur fédéral Johan Delmulle - le même en charge dans « le procès du DHKC » - ainsi que des hauts fonctionnaires de la Police et de la Sûreté de l'État était organisée en vue son extradition [celle de Bahar Kimyongür] vers la Turquie.
Au même moment, celui-ci participait à une conférence organisée par le Clea à l'Université Libre de Bruxelles ayant trait au verdict en première instance du « procès du DHKC ». Le lendemain au soir, il se rendait aux Pays-Bas où un concert de musique turque progressiste était en préparation avec notamment les participations de GrupYorum, d'Arif Sağ et de la chanteuse kurde Aynur. Il faut dire qu'il a pour habitude de servir d'interprète entre artistes turcs et organisateurs d'évènements.
Il ignore bien sûr qu'un mandat d'arrêt international vient d'être relâché à son encontre par la Turquie depuis quelques jours et que la police belge informe avec zèle les services turcs et néerlandais de ses déplacements. La suite est relativement bien connue : arrêté par une voiture banalisée de la police hollandaise, il est incarcéré en attendant que la justice des Pays-Bas se prononce sur la validité du mandat d'arrêt turc sur la forme dans un premier temps et sur le fond dans un second. C'est le fond absolument abracadabrant qui sera rejeté par le juge hollandais et qui verra la libération de Bahar Kimyongür le 4 juillet 2006 après plus de deux mois d'attente pénible.

A l'époque, tout le monde ignore encore l'existence de la réunion secrète... par définition, pourrait-on dire. Cependant, le procureur hollandais ayant parlé ouvertement de contacts entre la police belge et la police néerlandaise, sa plaidoirie met la puce à l'oreille des associations mobilisées, du sénateur Josy Dubié (ecolo) et bien sûr des journalistes. Même s'il est déjà évident que quelque chose a été planifié.

Quelques articles paraissent dans la presse et le sénateur Josy Dubié interpelle la ministre de la Justice de l'époque, Laurette Onkelinx (PS) qui dément énergiquement la participation de la Belgique à une tentative d'extradition sur Bahar Kimyongür (voir l'interpellation de Josy Dubié au sénat le 22 juin 2006 ; p.9 - p.11). Objectivement, elle ment. En effet, quelques mois plus tard, certains éléments du rapport des comités P & R rendus publics en avant première dans la presse infirmeront cette version des faits. De plus, ce rapport qui concerne la fameuse réunion du 26 avril et qui contient le procès verbal de celle-ci en document annexe sera interdit d'accès par Anne-Marie Lizin (PS), présidente du Sénat. Le Clea a concocté un dossier de presse qui embrasse l'année 2006 et 2007 et qui réunit les principaux articles parus à ce sujet.

La loi belge prévoit que l'État n'extrade pas ses nationaux comme dans de nombreux autres pays. Cette réunion a donc constitué un crime de collusion de fonctionnaires - ou coalition comme stipulé par le Code Pénal - dans la mesure où des dispositions légales ont été expressément contournées par des hauts agents de l'État afin de parvenir à leurs fins. Voici ce que prévoit le Code Pénal :

Code Pénal Belge - article 233 :
« Lorsque des mesures contraires aux lois ou à des arrêtés royaux auront été concertées, soit dans une réunion d'individus ou de corps dépositaires de quelque partie de l'autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, les coupables seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois »

Le sénateur Josy Dubié a interpellé à nouveau l'actuel ministre de la Justice à la lumière des nouvelles infos transmises par le rapport annuel du comité R (Info-Türk en rapporte l'échange). Mais aujourd'hui, du point de vue du nouveau gouvernement dont la composition intérimaire fait la part belle à l'ancien, c'est le silence radio : "RAS" ; "nous ne savons rien" ; "ce que vous dites ne s'est pas passé" ; "nous ne comprenons pas de quoi vous parlez" ; "il y a méprise, vous confondez".

En somme, on y respecte les règles de base du secret ; toujours nier et ne rien admettre.

1/2KL

lundi 28 janvier 2008

Avni Er en grève de la faim

La confirmation des condamnations en appel des deux militants turcs, Avni Er et Zeynep Kılıç, par la Cour d'assises de Pérouse marque peut-être un nouveau tournant répressif en Europe. Pire, cette décision peut avoir un impact direct sur la décision de la Cour d'appel de Sassari (Sardaigne) qui décidera ou non de la validité de l'extradition d'Avni Er.

D'ores et déjà, un principe juridique s'y oppose qui est celui du non bis in idem et qui consacre le fait qu'une personne ne peut pas être condamnée deux fois pour la même peine. Avni Er a été condamné pour son "appartenance" ou sa "participation" à une organisation terroriste selon l'article 270 bis du code pénal italien et il purge déjà une peine pour cela. Or, la Turquie réclame précisément l'extradition sur base de son "appartenance" à une organisation armée (article 314 du code pénal turc assimilé à du terrorisme selon une loi turque de 2006).

L'expérience apprend qu'en matière de terrorisme, un certain nombre de principes juridiques comme la légalité des incriminations, la non-discrimination des peines ou encore la territorialité du droit sont largement passés à la trappe. Il ne faut donc pas nourrir trop d'illusions sur la logique judiciaire.

Avni Er qui s'attend à être extradé a déclaré qu'il entamait une grève de la faim sans limitation explicite à partir d'aujourd'hui. La Cour d'appel se prononcera sur son extradition ou non le 7 février prochain, soit en même temps que le verdict du troisième « procès du DHKC » en Belgique.

Voici la dernière lettre d'Avni Er incarcéré à Nuoro en Sardaigne :

Chers amis,

Après trois mois d'attente, l'Avocat Général a décidé de requérir mon extradition vers la Turquie. Comme je vous l'ai dit dans ma déclaration précédente, je n'accepterai pas d'être extradé vers ce pays où je serai certainement soumis à la torture, à des traitements inhumains et dégradants et à l'isolement total.
La Turquie ne respectera pas mes droits humains et visera mon anéantissement physique.
L'injustice de laquelle je suis victime est évidente. L'Italie ne me protégera pas de l'État fasciste turc.
J'ai donc décidé d'entamer la grève de la faim en préférant mourir en Italie, plutôt que d'être tué sous la torture, comme cela est déjà survenu à des centaines de compagnons de mon pays.
Je vous remercie d'avance pour votre solidarité.

Je commencerai la grève de la faim à la date du 28-01-2008.

Comme je l'ai dit, peut-être, je mourrai en prison, cependant je mourrai avec ma dignité et je ne permettrai pas aux bouchers fascistes en Turquie d'avoir la satisfaction de me soumettre à des violences atroces.

Avni Er

1/2KL

jeudi 24 janvier 2008

La justice italienne confirme les peines infligées à des militants turcs...

La Cour d'Appel de Pérouse (cour d'assises) vient de confirmer les peines reçues en première instance par deux sympathisants de la gauche révolutionnaire de Turquie. Avni Er et Zeynep Kılıç sont en effet les seules personnes qui demeurent incarcérées à ce jour suite à l'opération du premier avril 2004. Cette opération a impliqué la collaboration de plusieurs pays dont la Turquie et a débouché sur toute une série de procès politiques parmi lesquels celui que suit plus particulièrement le Clea.

Les faits reprochés sont simples et limpides : pas d'armes, pas de faux documents, aucun délit de droits communs, rien du tout si ce n'est de l'information que les deux militants diffusaient sur leur site internet dans la ville de Pérouse et quelques coups de fil enregistrés. L'essence de la condamnation repose sur cela... et absolument rien d'autre. L'information ainsi désignée référait essentiellement à la torture exercée en Turquie, à la répression violente de l'armée ainsi qu'à des communiqués émis par la branche armée du mouvement révolutionnaire turc (DHKP-C), notamment lors de représailles contre des émanations de l’État. La Cour a décidé d'appeler cette information, de la "revendication".

En temps normal, faire de l'information entre dans le cadre de la liberté d'expression et il n'existe aucun "crime de revendication" pour quelqu'un qui rapporterait une action violente commise par un mouvement clandestin, même s'il y sympathise. Souvent, on croit à tort que c'est la "revendication" qui a été punie, or précisément il n'existe rien de pareil. Cependant, la "revendication", une fois désignée comme telle, devient dans un second temps une "preuve" de l'appartenance des sympathisants à une organisation déclarée terroriste. L'appartenance qui, elle, est désormais criminalisée depuis l'entrée en vigueur récente des lois antiterroristes. Bref, une subtilité qui permet de criminaliser la liberté d'expression et d'aider un pays peu regardant sur les droits de l'homme à faire taire des militants partis en exil.

Les faits reprochés étant extrêmement simples, le débat judiciaire a essentiellement tourné autour de la qualification ou non d'organisation terroriste concernant le mouvement révolutionnaire turc. L'Italie ayant un passé partisan très important, la défense à joué à fond la carte du droit à l'eversione - soit le droit à la réaction violente contre l'ordre établi, en l'occurrence ici la constitution de 1982 et le régime militaire - par opposition à la qualification de terrorisme provenant de l’État turc lui-même. La justice italienne, à travers un jury populaire de cour d'assises, s'est prononcée à nouveau contre ce droit en ce qui concerne la gauche turque.

Selon le procureur, il est possible de parler d'un tel droit seulement à partir du moment où... la communauté internationale reconnaît un tel conflit (sic) ce qui ne serait pas le cas dans la situation turque. Bien entendu, il n'existe nulle part une instance internationale compétente pour déclarer certains conflits légitimes et d'autres non ; c'est ce qui a été pourtant sous-entendu dans le flou le plus total. Exit donc le droit à la résistance contre un régime militariste, y compris par la voie informative. Il va sans dire que la réserve que devrait avoir la justice sur la situation politique dans un pays tiers n'a même pas été envisagée.

Restent donc deux militants turcs n'ayant probablement jamais approché une arme de leur vie, comprenant à peu près la moitié de ce qui se disait à leur encontre malgré la présence d'un traducteur et condamnés à des peines de sept et cinq ans... avec en prime une extradition ou une expulsion en ligne de mire vers les prisons démocratiques de la Turquie.

1/2KL

lundi 21 janvier 2008

Un an plus tard...

Il y a un an, Hrant Dink, un journaliste arménien était abattu de six balles tirées dans le dos par un jeune nationaliste turc en plein coeur d'İstanbul. Aujourd'hui, le bilan que l'on peut tirer de cette affaire, malgré son retentissement international, est peu glorieux. La manière dont la justice turque a traité le dossier se passe de tout commentaire (voir l'article consacré d'Info-Türk).

Ce journaliste avait une certaine portée médiatique parce qu'il parlait ouvertement du génocide arménien dans un pays où le sujet est complètement tabou et où le terme de "génocide" est farouchement combattu par un kyrielle d'associations et d'instances nationalistes. C'est pourquoi l'assassinat dont il a été victime a amplifié l'information d'une réalité connue, sans doute, mais peu évoquée habituellement. Il s'agit bien sûr du poids énorme de l'extrême-droite dans le jeu politique turc et des liens étroits qui l'unissent à certaines franges du pouvoir, notamment l'armée et la police.

Le nom de Hrant Dink est dans toutes les têtes mais personne ne sait rien de Metin Kurt, par exemple, un jeune étudiant d'Antakya tué à coups de couteau moins d'un mois plus tard par des nationalistes qui sévissaient dans la région depuis quelques temps déjà.
Personne n'a entendu parler d'Erkan Bayar, gérant d'un cybercafé dans le quartier de Gazi à İstanbul, assassiné par une bande d'extrême-droite alors que, en octobre dernier, la Turquie était secouée par une vague de pogroms. Et de tels exemples macabres se succèdent ainsi jusqu'à aujourd'hui...

Manifestation du collectif 1971 pour Hrant Dink
Bruxelles - consulat de Turquie, 23 janvier 2007

En l'espace d'un an, le constat est celui-là : Hrant Dink n'a pas été l'électrochoc rêvé par certains. La preuve en est que de multiples assassinats à caractère nationaliste ont continué à être perpétrés, non seulement sans émouvoir quiconque, mais en outre encouragés par un climat de violence dont les médias turcs ont été eux-mêmes les meilleurs relais.
L'espace d'un instant, à l'instar des autres scandales qui ponctuent régulièrement la Turquie, tout le monde a pu voir la bête immonde sous son vrai jour. Ensuite, la fange de la réalité a été à nouveau recouverte par les habits de la "démocratie", et on a feint de croire à l'apparence donnée.

Si à chaque fois que quelqu'un était assassiné en raison de ses opinions, de sa culture ou de sa religion, une indignation similaire pouvait se manifester, on pourrait parler de "leçon tirée" mais à la lueur d'une observation assidue de ce qui se passe en Turquie, pour l'heure, c'est très loin d'être le cas.

1/2KL

lundi 14 janvier 2008

Doğacak Güneş Gibi

On aurait tort de penser que “le mouvement des grèves de la faim” a commencé avec l'introduction systématique de l'isolement carcéral même si aujourd'hui c'est cela que l'expression désigne par effet de focalisation. Les premières grèves de la faim (au finish) de Turquie datent du début des années 80 pour protester contre l'incarcération politique largement pratiquée par les militaires. L'exemple est venu de Bobby Sands en Irlande du Nord et de ses compagnons, morts devant l'intransigeance de Margaret Thatcher. Ce n'est donc pas une “invention” turque.

En 1984, un de ces tout premiers groupes de grévistes succombe. Quelques années plus tard, en 1988, GrupYorum leur consacre une chanson sur l'album “Berivan”.

Le 14 juin dont il est question fait référence au jour de la mort du premier d'entre eux, Abdullah Meral. Ses compagnons, Haydar Başbağ, Fatih Öktülmüş et Hasan Telci sont morts quelques jours plus tard. Il existe une seconde version de cette chanson où leurs quatre prénoms sont cités. Tous étaient des sympathisants du Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire), le principal mouvement d'opposition à l'époque contre la junte.

Les "ténèbres" font allusion à la philosophie française des Lumières, très prisée en Turquie, puisqu'elles désignent sans erreur possible la junte militaire, l'ordre fasciste mis sur pied après le coup d'État et l'autoritarisme ambiant. La montagne est bien entendu le lieu privilégié du maquis pour les mouvements d'opposition. Elle est abondamment louée et chantée dans la musique contestataire comme le foyer par excellence de la résistance.




Comme le soleil qui va se lever

Comme le soleil qui va se lever
Sur la destinée noire du peuple
Comme le soleil qui va se lever
Au milieu des ténèbres, notre voix
Les poings ondulent dans le ciel
Avec nos morts qui sourient

(hey, hey, hey, hey)

Cette voix, c'est notre voix
Ceux qui pleurent et qui crient, c'est nous
Ceux qui rient aux éclats, c'est nous
Dans toutes les luttes, ceux qui meurent c'est nous

Et le 14 juin, c'est eux
Les cellules se consumeront
Comme des oeillets ardents
Ils ont déployé le drapeau dans leur main

Celui qui avance, c'est celui qui toujours avance
Il sonne notre voix à travers les temps
Il rejoint la montagne
Celui qui avance, c'est celui qui toujours avance

GrupYorum - Doğacak Güneş Gibi
Albüm : Berivan
[traduction indicative]

1/2KL

vendredi 11 janvier 2008

Sibel Edmonds

Sibel Edmonds est ce qu'on appelle une whistleblower aux États-unis, pour faire simple : quelqu'un qui a découvert une grosse magouille d'État et qui a décidé de tout rendre public.

Engagée dans un premier temps au FBI comme traductrice peu après les attentats du 11 septembre 2001, elle met le doigt sans le savoir, entre autres, sur un trafic d'armes parallèle entre États-unis, Israël et Turquie après que des lobbyistes turcs aient tenté de la recruter au sein même de son lieu de travail. Un trafic bien entendu interdit par les traités internationaux mais qui bénéficie de la complicité des plus hautes instances gouvernementales.

En tentant d'en informer sa hiérarchie, elle est chaque fois claquemurée davantage sans raison explicite. Jusqu'au ministère de la justice qui invoque le State Secrets Privilege pour la faire taire, une clause très rarement utilisée jusqu'à présent.

Elle invoque alors la liberté d'expression qui n'est autre que le premier amendement de la constitution états-unienne. Un bras de fer s'instaure entre droits civiques et la volonté obscure du gouvernement au bout duquel ce dernier sort vainqueur...

Un reportage tout à la fois édifiant et symptomatique des temps présents :


lundi 7 janvier 2008

La question des prisons de type-F en Turquie (2)

Comme évoqué trois posts en amont, le dernier Symposium international contre l'isolement qui s'est tenu à Bruxelles à la mi-décembre a été suivi d'une activité de sortie de conférence. Profitant de la présence de deux juristes Turcs qui se battent depuis des années contre l'isolement carcéral dans leur pays, nous avons formé une délégation pour rencontrer députés et fonctionnaires auprès du Parlement européen et de la Commission afin que ces institutions puissent obtenir des garanties de la part de la Turquie pour mettre définitivement fin à cette pratique.

L'un de ces juristes est l'avocat Behiç Aşçı, à la proue du Tecrite Karşı Dayanışma Komitesi / Comité de Solidarité Contre l'Isolement qui rassemble plus d'un millier d'avocats turcs, et qui a mené une grève de la faim de près de 10 mois pour réclamer la fin de l'isolement carcéral. Dans les derniers mois, il était accompagné dans son action par Sevgi Saymaz, une prisonnière politique, et par Gülcan Görüroğlu, une mère de famille. Leur grève de la faim a été interrompue le 23 janvier dernier après l'émission d'une circulaire par le ministre de la Justice de l'époque, Cemil Çiçek, qui modifie la réglementation interne des prisons. Tous les précédents groupes de grévistes de la faim rassemblés contre l'isolement n'ont jamais reçu la moindre attention du gouvernement et ont porté leur jeûne au finish...

Behiç Aşçı
Bruxelles, décembre 2007

Le second juriste est Selçuk Kozaağaçlı, président du Çağdaş Hukukcular Derneği / Association des Juristes Contemporains, qui rassemble plusieurs milliers d'avocats progressistes en Turquie. Cette association est à son tour très impliquée dans le combat contre l'isolement et défend de nombreux prisonniers politiques.

Selçuk Kozaağaçlı
Bruxelles, décembre 2007

Lors de la dernière grève de la faim, le Clea a joué le rôle de relais pour tenter de maintenir autant que possible le lien informatif entre l'associatif turc rassemblé contre l'isolement d'une part et certains députés européens, essentiellement ceux de la commission mixte Union européenne-Turquie, ainsi que le bureau à l'élargissement de la Commission d'autre part.

"Mettre fin à cette pratique"

Il faut savoir qu'il existe deux types d'isolements. Il y a tout d'abord l'isolement individuel classique où le prisonnier demeure constamment dans une cellule sans contacts aucuns. Mais l'isolement peut aussi prendre une forme plurielle à travers les cellules par trois. Dans ce cas, l'appellation de "huis clos" (sartrien) serait plus correcte car ces trois personnes demeurent constamment ensemble dans l'interdiction de communiquer avec les autres détenus contrairement à une prison "normale". La rupture psychologique de l'un entraînant inévitablement des répercussions sur les deux autres.

Concrètement, la fin de cette pratique consiste à faire communiquer les détenus de cellules différentes un nombre minimum et suffisant d'heures par semaine ainsi qu'à lever l'arbitraire règnant autour des visites des proches. Ceci, dans le seul but de rompre le cycle de la solitude forcée. Cette solution a d'ailleurs été formulée de la manière la plus souple qui soit en demandant un pas en avant de la part du gouvernement.

Mouvement sans précédent en Turquie

«J'ai utilisé tous les recours légaux, participé à un nombre incalculable de manifestations afin de mettre fin à l'application de l'isolement carcéral. Aucun de mes procès, aucune de mes actions n'ont porté leurs fruits. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir en tant qu'homme de droit. J'ai alors décidé d'entamer le jeûne de la mort, grève de la faim 'au finish', pour le droit à la vie dans un pays où le droit et la justice sont bafoués.»

C'est par ces mots que Behiç Aşçı prenait acte du mutisme des autorités, de leur ignorance criminelle, du blocage total autour de l'isolement et qu'il décidait d'entamer sa grève de la faim le 5 avril 2006. Le fait qu'un avocat accepte d'aller à l'encontre de ce que d'aucuns appelleraient son code de déontologie en s'impliquant au point de mettre sa vie en danger a eu indéniablement des répercussions. Malheureusement, quelques mois (semaines!) plus tôt Fatma Koyupınar, une militante en grève de la faim, n'a pas bénéficié de la même attention et une vie de plus a été perdue.

En Turquie, le mouvement réuni contre l'isolement n'a jamais été aussi large et a fait littéralement boule de neige au fur et à mesure que Behiç Aşçı perdait de ses forces. Bien sûr, les habituelles associations comme la TAYAD (Association de Solidarité des Familles des Prisonniers), celles réunies au sein de HÖC (Plate-forme/Front pour les Droits et les Libertés) ou le ÇHD (Association des Juristes Contemporains) soutenaient initialement les revendications.

A celles-ci, se sont ajoutées les corporations de métier qui ont une tradition progressiste forte comme le TTB (Union des Médecins Turcs), le TMMOB (Union des Chambres des Ingénieurs et des Architectes Turcs) qui connaissent très bien le problème de l'isolement carcéral et qui ont fourni moult rapports et documents à ce sujet. Les trois principales associations des droits de l'homme : l'İHD (Association des Droits de l'Homme), le TİHV (Fondation Turque des Droits de l'Homme) et Mazlum Der (une association humanitaire d'obédience musulmane à peu près équivalente aux associations de Secours Chrétien) ont fait front commun dans ce mouvement à leur tour. Et puis, ce furent les centrales syndicales du KESK et du DİSK, de loin les plus progressistes de Turquie, qui ont pris ouvertement position.

Behiç Aşçı recevant Yaşar Kemal
(photo : HalkınSesi.tv - 30 octobre 2006)

Là où le soutien en faveur de ces revendications fut le plus large fut quand les barreaux des principales villes de Turquie se sont exprimés pour soutenir leur collègue. Des personnalités comme Yaşar Kemal, qui est au demeurant l'écrivain le plus lu en Turquie, ont aussi apporté un soutien direct à Behiç Aşçı en se rendant à son chevet. Atilla Kart (CHP) membre de la Commission aux Droits de l'Homme de la Grande Assemblée Nationale de Turquie a même interpellé directement le ministre de la Justice à ce sujet [Bianet].

Soutien de l'étranger

Cette mobilisation unique dans le mouvement des grèves de la faim a attiré l'attention à l'étranger et plusieurs délégations se sont succédé, notamment l'une d'elle emmenée par deux avocats belges dont il a été question dans la presse française (voir l'article complet). Entre autres choses, une délégation de la Commission des Droits de l'Homme sur la Détention Arbitraire (Nations Unies) a été reçue par Behiç Aşçı comme l'a rapporté l'agence de presse Bianet.

Il est difficile d'être exhaustif mais il faut savoir que la solidarité envers Behiç Aşçı et les prisonniers politiques turcs a su s'exprimer aux échelons nationaux, régionaux ou locaux comme cette motion votée à l'unanimité par la Province de Florence par exemple.

Plusieurs députés européens ont pris directement position en faveur des revendications formulées par Behiç Aşçı lors de sa grève de la faim. Bernadette Bourzai (PSE) fut la première députée européenne à presser le ministre turc de la Justice a réagir par le biais d'une lettre. Par la suite, Feleknas Uca (GUE/NGL) qui connaît avantageusement les questions attenantes aux droits de l'homme en Turquie et qui travaille beaucoup sur les droits culturels en faveur des Kurdes ou sur la condition féminine, a envoyé à son tour une lettre au ministre. En outre, Marios Matsakis (ADLE) également de la commission mixte UE-Turquie comme les deux députées précédemment citées est intervenu à deux reprises en session plénière (le 23 octobre 2006 et le 11 décembre 2006), ce qui a eu le mérite d'entraîner une réaction de la part du président du Parlement.

Aujourd'hui

On aurait pu encore faire venir une délégation de Mars, que les choses n'auraient pas été plus avancées. La conception du pouvoir en Turquie ressemble infiniment plus à celle d'une volonté qui s'instaure du haut vers le bas qu'à une solution négociée. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le gouvernement à travers le ministre de la Justice a feint ne pas voir la mobilisation. La presse turque à grand tirage a généralement boycotté le mouvement et quand elle ne l'a pas fait, c'était pour agiter "la menace terroriste". S'il y avait des réclamations à propos des conditions de détention, ça ne pouvait être que pour donner un prétexte aux "terroristes", les clients des avocats mobilisés en l'occurrence, de faire des attentats [bruit qu'a fait courir le très nationaliste Hürriyet]. Jusqu'à la fin, le débat public a ressemblé à peu près à cela. À tel point que certains députés d'origines turques dont on taira le nom ne savaient rien du mouvement des grèves de la faim et si le mot tecrit n'avait pas été européanisé en izolasyon, ils se demanderaient encore de quoi on les entretenait.

En fin de compte, le 22 janvier 2007, dans un geste de dépit, le ministère de la Justice relâche une circulaire très générale sur la réglementation des prisons. Dans la partie consacrée aux activités communes, toutefois, les modifications prévues rencontrent les exigences des grévistes de la faim et le jeûne de la mort est interrompu pour la première fois en 7 ans.

Cette circulaire est d'ailleurs très explicitement mentionnée relativement aux prisons de type-F dans le dernier rapport de la Commission européenne (p.14 = 2.§2). C'est une victoire en demi-teinte. Victoire car il s'agit d'une reconnaissance implicite du problème de l'isolement dans ces prisons, ce qui n'avait jamais été le cas jusque là. Demi-teinte car ce rapport, il ne faut pas l'oublier, est un rapport sur les progès de la Turquie et qu'il part du postulat que la Turquie progresse. La circulaire est donc interprêtée sous cet angle.

En fait, si l'on se réfère strictement à la pratique, pour l'heure, la circulaire n'est toujours pas appliquée. Elle l'a été pendant quelques mois dans deux prisons (sur les treize, pour rappel) avant que les mesures promises par le gouvernement lui-même ne soient arbitrairement suspendues là aussi. Telle est la situation actuelle.

Dans une multitude d'autres affaires, la tactique politique turque a toujours été celle de faire croire à une réforme pour s'en tenir au statu quo. Faire miroiter un changement significatif, pour ensuite faire oeuvre de sabotage sur chaque mini-concession accordée auparavant. Comme ces pseudos droits culturels accordés aux Kurdes, salués dans le rapport de la Commission européenne en 2004, et qui se sont révélés être une coquille vide.

Dix heures de rencontre par semaine entre dix détenus n'est pas une mesure qui résoudra le problème général des conditions de détention dans les prisons turques et encore moins celui des incarcérations politiques. Sept ans de lutte civile en continue, plus d'une centaine de morts, des rapports accablants, des manifestations, des pièces de théâtre, des pétitions, des pressions politiques ; tout ça pour quelques lignes sur papier qui n'ont même pas force de loi et qui par-dessus tout ne sont toujours pas mises en pratique. Voilà, le bilan de ce qu'un mouvement citoyen a obtenu à ce jour du gouvernement turc, voilà pourquoi la mobilisation continue et pourquoi la page des grèves de la faim ne peut être tournée définitivement.

1/2KL

“Fin à l'isolement dans les prisons de type-F”
Les familles de TAYAD

dimanche 6 janvier 2008

La question des prisons de type-F en Turquie (1)

Le problème de l'isolement carcéral et de l'incarcération politique demeure l'un de ceux les plus méconnus de Turquie. Il se trouve pourtant à la croisée des chemins de toute une série d'autres questions cruciales : question kurde, l'héritage du coup d'État de 1980 et l'impossibilité d'exister politiquement dans des pans entiers de la société civile.

"F-tipi"

L'isolement carcéral est une technique mise au point par les nazis à l'aube de la seconde guerre mondiale et qu'ils utilisaient contre ceux qui, à leurs yeux, représentaient une menace pour le régime. Ceux qui ont lu la nouvelle du romancier autrichien Stefan Zweig, "Le Joueur d'échecs", en partie autobiographique, comprendront aisément de quoi il retourne et quels sont les mécanismes insidieux utilisés pour détruire psychologiquement un prisonnier.
Par la suite, l'isolement carcéral a été remis au goût du jour, notamment par les États-unis qui le pratiquent désormais aussi bien à domicile qu'à Guantánamo.
En Europe, l'isolement carcéral se pratique dans des sections spéciales de prisons autant en Espagne qu'en Allemagne, a fortiori quand l'incarcération revêt une dimension politique comme pour le problème basque. Il est aussi pratiqué lorsque des méthodes d'incarcération spéciales échappant à toute règle explicitement prévue par la loi se mettent en place comme nous avons pu le constater en Belgique.

En Turquie, l'isolement est systématisé et pratiqué à grande échelle sur l'ensemble du territoire dans les fameuses prisons dites de "type-F". Il y en a 13 en tout. C'est un projet qui a été planifié et étudié par le régime depuis au moins une bonne vingtaine d'années dans le but de "discipliner" voire de "rééduquer" les militants récalcitrants après le coup d'État (il était déjà prévu explicitement dans la loi de lutte contre le terrorisme de 1991 - article 16). Cependant, son application systématique date de la fin de l'année 2000.

A l'heure où ces lignes sont écrites, il existe en Turquie des personnes arrêtées et écrouées depuis la seconde moitié des années 90 et qui n'ont jamais quitté la détention parce qu'elles ont été convaincues d'appartenance à une organisation illégale sachant que pour cela, il suffit d'avoir été surpris en possession de tracts interdits. Aujourd'hui, elles sont pour la plupart en type-F.

Marketing ministériel

Depuis les premières tentatives d'introduction de ce type d'établissement, le discours des gouvernements turcs successifs ont toujours été mensongers. Pour les rendre conformes avec leurs ambitions européennes, les prisons de type-F ont été présentées comme une "amélioration" eu égard aux autres types d'établissements pénitentiaires. Il est même possible que des fonds de préadhésions accordés par l'Union européenne aient pu servir à en financer la construction dans la mesure où toute une série de critiques existaient déjà sur les établissements "classiques" comme la surpopulation carcérale par exemple.

Il est bien évident que la construction de 13 prisons de type-F n'a pas été destinée à réformer l'ensemble du système pénitentiaire turc. De plus, il existe d'innombrables rapports d'ONG comme ceux de l'İHD, la principale association turque de défense des droits de l'homme, ou ceux de l'Union des Médecins Turcs (TTB) qui sont sans équivoques sur les conséquences d'une détention en type-F.

Non seulement, la prison de "type-F" n'est pas un stade évolutif dans le modèle de construction des prisons en Turquie puisque les autres établissements demeurent en activité mais en outre tout indique qu'ils sont réservés à une incarcération spécialisée, c'est-à-dire, principalement destinée aux délits politiques. Il n'y a aucun hasard à y retrouver essentiellement les militants pro-kurdes, ceux de la gauche non-nationaliste ou même des militants d'associations de défense des droits de l'homme.

Tout ceci est à mettre en contraposition avec le rapport d'enquête du ministère turc de la Justice dont il a été question en décembre dernier dans le quotidien today's zaman, soit la version anglophone du quotidien zaman très proche de l'actuel gouvernement, et qui affirme sans vergogne qu'aucune plainte au sujet de torture ou de mauvais traitement n'a été déposée durant les cinq dernières années (sic) ou même que les prisonniers qui auparavant protestaient contre l'incarcération en cellule d'isolement individuel ont montré qu'ils se sont adaptés à leurs cellules et n'en ont pas été particulièrement incommodés (sic).

L'information est tellement grossière et éhontée qu'elle semble n'avoir été produite qu'à destination de l'étranger. On ne retrouve par cette information dans la presse principale de langue turque. Il ne s'agit pas seulement d'un banal mensonge visant à présenter un beau bilan de la législature AKP, c'est surtout une preuve de mépris ouvertement affiché pour le combat mené par l'associatif turc et pour les souffrances subies par les prisonniers politiques ainsi que par leurs proches.

Il suffit littéralement de se baisser pour ramasser des contre-exemples. Ainsi, sur les 51 cas de torture recensés par l'İHD dans les établissements pénitentiaires pour le premier semestre de 2007, on peut citer ; Cem Dinç, le président général du Limter-İş (syndicat des chantiers navals), Halil Dinç, le directeur d'information de Özgür Radyo et un autre prisonnier du nom de Feyzullah Eraslan battus par des gardiens à la seconde prison de type-F de Tekirdağ le 15 janvier ; Ali Adıman et Ahmet Karakaya, tous deux d'origines kurdes à leur tour battus par les gardiens à la prison de type-F de Bolu au mois d'avril ou encore, à la même période, Emrah Yayla qui a été déshabillé de force par les gardiens de la prison de type-F de Kürkçüler et à qui l'on a fait subir la falaka (torture sur la plante des pieds). Il y a des dizaines d'autres cas mentionnées auquels viennent s'ajouter tous ceux dont on n'entendra jamais parler car l'information n'a pas pu se frayer un chemin à travers les filtres disposés autour de ces prisons.

Özkan Güzel a été arrêté en train de distribuer des tracts dans un quartier d'İstanbul à la fin des années 90. Pour cela, il a été condamné à plus de 20 ans de prison. Il a effectué quatre années dont les deux dernières en type-F. Il souffre aujourd'hui du syndrôme de Wernicke-Korsakoff car il a été alimenté de force suite à la grève de la faim qui lui a permis de sortir avant de rejoindre l'Europe où il a reçu l'asile politique.

Prisonniers politiques

Du point de vue de la loi turque, "type-F" ne désigne rien de particulier (cf : la loi au sujet de l'application des peines et des mesures de sécurité et sa traduction). On y parle seulement d'établissements d'application des peines fermés de haute sécurité c'est-à-dire le nec plus ultra du centre de détention. Il s'agit bien évidemment de la même chose mais ceci montre que, légalement, la prison de type-F n'est rien d'autre que le dernier degré de la sécurité carcérale.

Deux types de prisonniers peuvent se retrouver dans pareil établissement : ceux qui ont été condamnés à une peine de prison à perpétuité aggravée, un sophisme qui remplace "peine de mort" depuis son abolition, et ceux qui ont été condamnés dans le cadre de la fondation ou de l’administration d’une organisation à vocation criminelle ou dans le cadre de l’activité de cette organisation, en d'autres termes, toute personne convaincue d'appartenir à une organisation illégale [ibidem ; article 9 §2]. L'écrasante majorité du contingent de ces prisons appartient évidemment à la seconde catégorie qui sert entre autres de base légale à la criminalisation politique puisque les revendications en faveur de droits sociaux, économiques ou culturels sont souvent assimilées à du terrorisme. On peut donc dire que la lutte politique et sociale y est mise de facto sur un pied d'égalité avec la pire criminalité, et ce, indépendamment de la durée de la peine, comme le précise la loi.

Un autre aspect qui est explicitement évoqué dans la loi est la "rééducation" qui apparaît sous la forme de "méthode (ou programme) d'amélioration" [iyileştirme yöntemi] et qui consiste essentiellement en un abondant lavage de cerveau patriotique comme en témoignent souvent les anciens prisonniers. Il existe tout un mécanisme sournois de sanctions pour ceux qui le refusent, ce qui aggrave encore davantage la détention.

Un des effets pervers de la lutte contre l'isolement, pourtant absolument nécessaire pour arracher un peu d'humanité dans ce cadre particulièrement répressif, c'est qu'elle occulte - en partie au moins - la vérité fondamentale qui se dégage de cette pratique : l'immense majorité des prisonniers isolés le sont pour des raisons politiques.

Or, la vraie solution à ce problème ne pourrait être qu'une amnistie pure et simple. Et pour tout dire, telle que la situation se présente, on en est à des années lumières puisque dans la culture politique turque, la recherche du compromis équivaut à une abstraction insignifiante. Ce ballon de baudruche que constitue la discussion autour d'une nouvelle constitution civile (voir ce topic) révèle d'ailleurs exactement la même chose.

1/2KL


mercredi 2 janvier 2008

One more

Comme le note la Kurdologue Sandrine Alexie sur son blog consacré au Kurdistan et aux Kurdes, les extraditions récentes de deux militants d'origines kurdes Mehmet İltaş et Eşref Mehmet Kızılay sont dans l'air du temps.

Plus que ça même, elles marquent un véritable tournant dans la considération des combats politiques et sociaux internes à la Turquie par un pays européen longtemps considéré comme une terre de refuge et d'asile. On voit d'ailleurs que cette redéfinition des luttes sociales s'applique aussi à d'autres pays tiers en dehors de la Turquie et que cette tendance existe dans tous les pays atlantistes. Ce qui change véritablement ce n'est pas la considération en soi qui subit un révisionnisme depuis quelques années notamment par l'établissement de listes communes après le 11 septembre 2001, non, c'est plutôt le passage à la pratique. On a osé envoyer vers un pays qui torture et qui méprise les droits les plus élémentaires de l'être humain des personnes parties prenantes d'un conflit d'ordre politique. On a aussi tronqué la version des faits : les victimes du conflit sont devenues des monstres et les bourreaux n'ont plus rien à se reprocher. L'Allemagne désormais collabore avec la Turquie, c'est officiel.

Ceux qui sont devenus subitement des criminels parce qu'ils ont toujours milité et qui se trouvent dans l'antichambre de l'extradition, combien sont-ils ? Combien de fois va-t-on encore donner raison à ceux qui méprisent les Droits de l'Homme au vu et au su de tous ?
Tous les yeux sont maintenant braqués vers un autre cas : celui de Ferzende Tastan. L'association Éducation sans Frontières se mobilise en ce moment autour de lui dans la ville de Lyon et diffuse ce court spot sur sa situation :


Pour l'heure, il a été condamné à l'audience du 21 décembre dont il est question dans ce spot et le dénouement reste encore incertain. L'association appelle à briser son isolement par l'envoi d'une carte postale :

Maison d’arrêt de Lyon
TASTAN Ferzende
n°d’écrou : 80327
12, quai Perrache
69002 LYON

En ce qui concerne Avni Er, qui risque l'extradition depuis l'Italie, on sait que l'audience est désormais fixée au mois de février. Que nous réservera donc 2008 en terme d'extraditions politiques ?

1/2KL