lundi 3 septembre 2007

L'Italie sur le point d'extrader un militant vers la Turquie

On l'ignore encore trop souvent mais le dit procès du DHKP/C en Belgique n'est pas un évènement isolé partant d'une manière ou d'une autre de la fameuse "affaire Erdal". Ce procès en Belgique doit essentiellement son existence à une opération datant de 2004 et qui s'est déroulée par ironie du sort un premier avril dans plusieurs pays européens. Cette opération est partie d'Italie et elle a impliqué différents pays européens dont la Belgique ainsi que la Turquie par la collaboration de leurs exécutifs respectifs.

Il ne fait plus aucun doute que la vocation première de cette opération était de frapper un grand coup dans les milieux de la gauche turque non-nationaliste qui avait un peu trop tendance à parler de choses pas très belles dans ce pays à l'aube de l'ouverture des négociations d'adhésion qui ont débuté un gros semestre plus tard.

On sait que le procès a été cassé en Belgique - le procès recommence en septembre - et ailleurs, Turquie compris, les militants ont tous été relâchés à la fin. Le point commun : la grossièreté des accusations, le mépris des normes les plus élémentaires de la démocratie.

L'italie ne fait pas exception sauf pour une chose : les militants au nombre de deux sont toujours en prison (!). Pire, ils risquent tous les deux de se retrouver en Turquie à terme puisqu'ils n'ont pas la nationalité italienne. La Turquie demande directement l'extradition pour l'un d'eux. Voici sa lettre écrite il y a un peu moins de deux semaines.


[Prison de Nuoro, Sardaigne, 24 août 2007]

Chers compagnons,

Je suis Avni Er, je suis un communiste turc et je me trouve depuis le 1er avril 2004 dans les prisons italiennes. L'État turc a demandé aux autorités italiennes mon extradition. Je voudrais vous dire quels sont les motifs pour lesquels mon extradition a été demandée et si ce qui m'attend a été accepté.

Quels sont mes crimes ?

Je suis un communiste. Je ne peux pas passer sous silence les massacres qui se déroulent dans mon pays. Je cherche à informer tous ceux qui défendent les Droits de l'Homme dans un monde d'inhumaines conditions et de massacres en Turquie. Je suis accusé d'avoir protesté contre le ministre des Affaires étrangères de Turquie au Parlement européen à Bruxelles. En fait, le ministre turc a été chahuté durant son discours au Parlement. Cette protestation était légitime et démocratique. Alors qu'il faisait son discours, quelques cartons ont été montrés portants les photos des corps des prisonniers brûlés durant l'une des nombreuses attaques militaires dans les prisons turques. Il s'agissait de photos des massacres survenus en 1999 à Ankara et ordonnés par le gouvernement que le ministre représentait. Une telle violence devait être dénoncée au monde entier. Même si je n'étais pas à la protestation, j'en suis totalement solidaire. C'est un devoir pour tous ceux qui défendent les Droits de l'Homme et la démocratie de protester contre les massacres de l'État fasciste turc.

[...]

Lorsque nous parlons de l'État fasciste turc, nous savons ce que nous disons et ce n'est pas une exagération ou de la démagogie. La Turquie est une terre sur laquelle l' "État" permet aux "chasseurs de tête" fascistes de collectionner des trophées consistants en des parties mutilées des corps des révolutionnaires qui luttent pour l'indépendance et l'égalité. Des douzaines de publications inspirées d'idéaux d'égalité, de justice et d'indépendance ont été retirées et censurées. Des milliers de révolutionnaires, communistes et démocrates ont été tués, emprisonnés, torturés. 30.000 Kurdes ont été massacrés et torturés seulement pour avoir revendiqué leurs propres origines et leur propre langue. Voilà l'État qui a demandé mon extradition.

La démocratisation de la Turquie n'est que basse démagogie. La Cour européenne (des Droits de l'Homme) elle-même a condamné plusieurs fois la Turquie pour ses politiques discriminantes et pour ses violations répétées des droits humains. Les révolutionnaires, les démocrates ne disposent d'aucune sécurité pour leurs vies; nous, nous n'avons pas de sécurité de vie en Turquie. En m'extradant, les autorités italiennes s'associeront au régime fasciste turc en devenant responsable des tortures, des traitements inhumains et dégradants auxquels je serai soumis.

C'est pourquoi, il faut que les autorités italiennes sachent que si elles tentaient de m'y transporter contre ma volonté, elles ne réussiront qu'à y envoyer mon corps sans vie.

[Avni]



La lettre entière de Avni écrite le 24 août dernier.

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