Quand on aborde la question de la Turquie, par réductionnisme, le débat se limite généralement à tourner autour de son adhésion potentielle à l'Union européenne. Les interlocuteurs semblent en effet incapables de penser la Turquie autrement qu'en dehors du prisme de la construction européenne.
Dans le camp des "contre", on retrouve généralement les conservateurs partisans d'une Europe au background continental ou culturel unique et qui souvent vont réduire la Turquie à une entité religieuse différente.
Et dans le camp des "pour", on retrouve ce que j'appelerais les progressistes motivés qui dénichent les réformes démocratiques même là où il n'y en a pas pourvu de ne pas être taxés d'islamophobes à l'instar de leurs adversaires. Je schématise mais c'est un peu près ça et les exemples ne manquent pas.
Le problème de cette seconde catégorie, c'est qu'elle pose un certain nombre de postulats réputés toujours vrais : "la construction européenne est une bonne chose" ; "la Turquie suit une courbe positive de développement démocratique" voire même "la Turquie est une démocratie".
Quand on met en avant les violations flagrantes aux droits humains les plus élémentaires et l'injustice qui les accompagne : le coup d'Etat de 1980 et tout ce qui en découle, la guerre au Kurdistan turc qui a fait 30000 morts, les centaines de milliers de réfugiés internes, les tortures, l'isolement carcéral, l'oppression des minorités religieuses, idéologiques ou culturelles, l'impunité des militaires et policiers turcs - la liste est très longue - on obtient en général la réponse de patienter, d'attendre, de voir comment ce sera dans 10 ans : toujours meilleur qu'aujourd'hui évidemment.
Les partisans du "pour" à tout-va sont surtout de farouches évolutionnistes. "Tout État est une démocratie en devenir" ; "Aujourd'hui est meilleur que hier et moins bien que demain" ; etc... Ceci, bien sûr, indépendamment de la pertinence très faible de ces credos face aux réalités.
Les conséquences sont diverses : on relativise un certain nombre de phénomènes comme la torture pratiquée par les forces de l'ordre, on banalise et on tolère le nationalisme kémaliste, l'extrême-droite turque et du même coup leurs discours militaristes, bellicistes voire ouvertement racistes. Surtout, on passe à la trappe l'actualité des Droits de l'Homme en Turquie qui n'est pas particulièrement spectaculaire.
Précisément, qu'en est-il des évènements récents en Turquie ?

HalkınSesi.tv [la Voix du Peuple], une agence de presse qui fait partie de cette plate-forme, a relaté abondamment les faits et a publié de nombreux témoignages et photos de traces de torture sur les gens : 19.07.2007 ; 22.07.2007.

Tout aussi récemment, trois membres de la section d'Adana de l'İHD (İnsan Hakları Derneği - Association des Droits de l'Homme) - l'une des trois principales association de défense des Droits de l'homme en Turquie avec le TİHV et Mazlum-Der - ont été condamnés à 2 ans et 8 mois d'emprisonnement (article 215 du code pénal turc) pour avoir pris position sur des sujets tabous, en l'occurence les conditions de détention d'Abdullah Öcalan et l'opération militaire contre les prisons de décembre 2000. La Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) lance aujourd'hui une campagne contre la confirmation possible en appel de cette condamnation.
Voilà, en somme, ce que l'on a pas trouvé sur la Turquie dans nos journaux bien pensants ces dernières semaines, l'attention étant focalisée sur Abdullah Gül, sa probable élection comme Président de la République et la tenue vestimentaire de sa femme...
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