dimanche 3 mai 2009

Dîlan

Agirê Jiyan est un groupe de musique kurde qui signifie littéralement le “Feu de Vivre”. Ils font partie de cette vague que l'on peut regrouper globalement sous l'appellation de protest müzik dont les textes sont fondamentalement politiques et engagés. Dépourvu de rapport avec le nom éventuel d'un artiste états-unien, le Dîlan désigne sans ambiguïté possible une sorte de danse kurde.


Quelques remarques sur le texte :
- [...] désigne une onomatopée incompréhensible.
- À la fin de la phrase Bi hezaran şehîd da(n), je fais du dernier “n” un nu éphelcystique.
- şehîd est un mot tiré de l'arabe qui signifie le martyr ("témoin devant Dieu" dans son sens arabe comme grec) et dont le sens s'est laïcisé pour désigner “quelqu'un qui est mort pour une cause politique”.

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Dîlan

Tev rabin ji bo dîlanê
Ev dîlanekê giran e
Dîlana me bi Şoreşî ye
Dîlan rewşa şêran e
[…] xwe bilezînin
Dîlan barê mêran e
Dîlana me bi Şoreşî ye
Dîlan barekî giran e
Bi hezaran şehîd da(n) :
Rêça rizgar Kurdistan
Barê me barekî giran
Ji bo azadîya nîştîman
Kurdino rabin dîlanê
Dîlan dîlana me ye
Dibê mamoste Lenîn
Lenîn li pêşiya me ye
Ava Dicle û Firat
Firat li benda me ye
Kurdino rabin :
Xilasbûn
Bi destê me ye !



Dîlan

Levons-nous ensemble pour la danse
C’est une danse lourde (de sens)
Notre danse est avec la Révolution
La danse est la posture des lions
Dépêchons-nous […]
La danse est le fardeau des braves
Notre danse est avec la Révolution
La danse est un lourd fardeau
De ces milliers de morts (pour la cause) :
La voie du Kurdistan libre
Notre fardeau est un lourd fardeau
Pour la liberté du pays
Kurdes, levons-nous pour la danse
Cette danse est la nôtre
Il (nous) faut le professeur Lénine
Lénine est sur notre front
(Il nous faut) L’eau du Tigre et de l’Euphrate
L’Euphrate nous attend
Kurdes, levons-nous :
La libération
Est entre nos mains !

Agirê Jiyan - Dîlan
Album : Adarê
[traduction indicative]

vendredi 1 mai 2009

De la fête de la nation à la fête du travail

Sur la place de Taksim, la plus importante d’İstanbul, se trouve le Cumhuriyet Anıtı [Monument à la République] représentant entre autres choses, Mustafa Kemal et certains de ses acolytes fondateurs de la République turque.
L’année passée, face à l’imposant dispositif policier déployé pour empêcher les manifestants d’atteindre la place, un caricaturiste de la presse nationaliste classique, avait dessiné un frêle ouvrier tentant de déposer une gerbe de fleurs en bas du dit monument et empêché de le faire par un policier surarmé.
Cette critique de l’action gouvernementale illustre bien les limites intellectuelles au-delà desquelles on ne peut interpréter la fête du travail en Turquie. Le Premier Mai est la fête du travail mais à la condition que l’ouvrier fasse montre de déférence à la figure de Mustafa Kemal et au monument symbolisant le régime qu’il a mis en place. Le Premier Mai, d’accord. Mais le Premier Mai comme énième fête de la nation et du fascisme…
C’est dans ce sens-là qu’avaient abondé la principale formation syndicale nationaliste : Türk-İş. L’année passée, en effet, elle s’était montrée unilatéralement disposée à y déposer une couronne (voir topic concerné). En réalité, la raison profonde pour un nombre certain de travailleurs de se rendre sur la place de Taksim est la commémoration des victimes de ce qui est communément appelé le Kanlı Bir Mayıs [Premier Mai Sanglant] de 1977 où plusieurs dizaines de personnes avaient été tuées et plusieurs centaines d’autres blessées, des inconnus ayant ouvert le feu [wiki].

Manifestants à Taksim (photo : Milliyet)

Récemment, le Premier Mai a été déclaré très officiellement “Jour du Travail et de la Solidarité” [Radikal]. Victoire de la pression syndicale, lâché de leste par l’AKP face à la détermination de l’année passée, image internationale à défendre : tous ces éléments entrent en ligne de compte. Dans son status ante quem, en 1935, sous Mustafa Kemal, le Premier Mai avait été transformé en fête nationale sans rapport avec le travail [Radikal]. Et de la fondation de la République jusqu’à 1975, cette fête n’avait jamais été célébrée massivement comme fête du travail. Après un interlude de deux ans, l'interdiction a prévalu jusqu'à aujourd'hui.
Cette année, les formations syndicales du DİSK et du KESK ont pu rejoindre la place de Taksim, ce qui n’a pas empêché les affrontements avec la police par ailleurs.

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