mardi 31 mars 2009

Les terroristes de mes amis sont-ils mes terroristes ?

C'est la très dure question à laquelle Abdullah Gül, Président de la République turque, a tenté de répondre dans une interview donnée récemment à Euronews. Ceci, non sans quelques redéfinitions croustillantes, il faut le dire. Chose rare, le journaliste revient à la charge par deux fois dans sa question. Pauvre âme inconsciente...

C'est ainsi que le Béotien apprend que le Hamas est une organisation qui commet des actes terroristes, certes, mais au moins « il milite pour sauver ses propres terres et son propre pays ». Ah mais n'était-ce pas déjà le but du PKK au départ ? Non, non, non, car - critère majeur - celui-ci pratique le terrorisme « depuis l'extérieur, contre la Turquie ». Suis-je bête... ?


Autre différence : « la Palestine est un pays sous occupation » [işgal altında bir ülke]. À savoir, pour celui qui ne suit pas, que ce n'est pas du tout le cas du Kurdistan. Un char sur chaque colline, l'armée comme première et quasi seule manifestation de l'État, cela doit recouvrir un tout autre concept.

Dans la série plus c'est gros, plus ça passe, il y a aussi : « N'oubliez pas ce qu'Israël a fait à Gaza, le fait qu'il ait tué de 1300 à 1800 personnes, c'est inacceptable ! » Traduction : la Turquie ne mange pas de ce pain-là. Ah oui ? Nous avons dû être mal informés, Monsieur le Président... [interview complète sur le site d'Euronews]

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lundi 30 mars 2009

Yan Mirin Yan Dîyarbekir

Puisque Diyarbakir était en quelque sorte l'enjeu principal de ces élections - remportée haut la main par le DTP par ailleurs - il était de meilleur ton d'ouvrir un topic particulier pour la chanson consacrée (trouvée à la base sur le blog de cette jeune dame) et sa traduction indicative.

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Yan mirin yan Dîyarbekir

We dibînim Dîyarbekir
Rabûn cotkar û karker
Min û te bi hev ra ban dikir
Yan mirin yan Dîyarbekir
Her bijî Dîyarbekir
Yan mirin yan Dîyarbekir

Dîyarbekir poz li banî
Çar dor ewî mêrg û kanî
Min û te bi hev ra soz danî
Yan mirin yan Dîyarbekir
Her bijî Dîyarbekir
Yan mirin yan Dîyarbekir



Diyarbakir ou la mort

Je vais vous contempler Diyarbakir
Laboureurs et travailleurs se sont éveillés
Toi et moi, nous clamions ensemble :
Diyarbakir ou la mort
Que toujours vive Diyarbakir
Diyarbakir ou la mort

Diyarbakir, perle dans la montagne
Ses quatre côtés sont prairies et sources
Toi et moi, nous en avons fait le serment :
Diyarbakir ou la mort
Que toujours vive Diyarbakir
Diyarbakir ou la mort

HPG - Yan Mirin Yan Dîyarbekir
[traduction indicative]

mercredi 25 mars 2009

Leyla Zana de nouveau en prison ?

Dans des éditos fort souvent pris au sérieux de personnes telles que Mehmet Ali Birand (sorte de journaliste turc vedette), il y a une rhétorique qui revient à tout bout de champ : il serait erroné de mettre des députés kurdes en prison. Non pas que cela violerait quelque liberté fondamentale, mais parce que ça apporterait de l'eau à leur moulin. Comprendre, ils pourraient ensuite s'adresser au reste du monde et accuser la République turque de répression et s'octroyer un rôle de victime.
En terme de logique pure, c'est le même genre d'argumentation qui sert à prouver qu'une femme violée est en fait coupable d'avoir attisé la réaction de son agresseur, qu'une personne n'avait pas à exposer une petite merveille de la technologie en pleine rue devant les yeux envieux de son voleur et on pourrait continuer comme cela.
À cela, s'ajoutent les nombreux clichés sur lesquels finalement rares sont les Turcs à avoir réfléchi jusqu'ici. Ceux du Kurde fourbe, adepte du coup dans le dos, qui ne comprend que le langage de la violence et qu'il faut sortir de la barbarie par une allégeance saine à la République.
À l'heure où Leyla Zana est à deux doigts de purger arbitrairement d'autres années de prison, c'est bien le genre d'arguments que l'on pourrait retrouver chez une certaine engeance intellectuelle.
Petite rétrospective chronologique sur le parcours politique de cette femme courageuse.

Octobre 1991
Leyla Zana est élue comme députée du HEP (ex-DEP, ex-HADEP, ex DEHAP, ex-DTP). Le HEP s'était alors allié avec le SHP, équivalent du CHP avant qu'il ne reprenne son nom. C'est cette stratégie qui avait permis l'élection de députés issus du mouvement pro-kurde pour la première fois.
Toujours en 1991, à l'occasion de cette élection, Leyla Zana et d'autres députés prononcèrent partie de leur serment en kurde et portèrent sur eux des couleurs évoquant le drapeau kurde. Contrairement à ce qui est habituellement cru ou attesté, cet acte de désobéissance civile ne leur a jamais valu la prison. En revanche, il soulèva un haut-le-coeur des kémalistes et les députés pro-kurdes furent alors bannis du SHP.


Mai 1993
Pressentant la future inderdiction du HEP poursuivi devant la Cour constitutionnelle, la plupart de ses députés, dont Leyla Zana, rejoignent le DEP nouvellement fondé.

Juillet 1993
La Cour constitutionnelle de Turquie déclare le HEP parti illégal. Ce n'est pas la prestation de serment mais l'activité générale du parti qui est visée. Celle-ci fut jugée à l'encontre de l'unité indivisible de l'État [devletin bölünmez bütünlüğü], l'une des rengaines doctrinales les plus ressassées en Turquie. Il n'est toujours pas question d'emprisonnement à l'encontre des députés pro-kurdes.

Mars 1994
L'immunité parlementaire des députés DEP est levée par le Conseil général de l'Assemblée nationale. Leyla Zana est placée en garde à vue et deux semaines plus tard elle est emprisonnée avec trois autres députés.

Juin 1994
Le DEP est à son tour interdit par la Cour constitutionnelle.

Décembre 1994
Leyla Zana et cinq autres députés de l'ex-DEP sont condamnés à 15 ans de prison pour appartenance à une organisation terroriste. La même année, elle avait déjà reçu le Prix Thorolf Rafto. Plus tard, son combat en faveur des Droits de l'Homme sera reconnu et récompensé de toutes parts au niveau international. Elle fut également évoquée pour le prix Nobel de la paix.

Octobre 1995
Leyla Zana reçoit le prix Bruno Kreisky.

Décembre 1995
Leyla Zana reçoit le prix Sakharov du Parlement européen, prix qu'elle ne peut venir chercher comme les précédents pour cause de détention.

Au cours de l'année 1998
Un certain nombre de ses lettres de prison est publié dans la presse. Elle reçoit une peine supplémentaire pour avoir exprimé des opinions séparatistes.


Juillet 2001
La Cour européenne des Droits de l'Homme rend un arrêt qui constate le caractère liberticide du procès dont a été victime Zana et ses coïnculpés. L'État turc n'en tient pas directement compte mais dès lors les pressions de l'Union européenne seront plus régulières à ce sujet.

Avril 2004
Suite à une nouveau procès, la sentence de Leyla Zana et de ses coïnculpés est confirmée par une Cour de Sûreté de l'État.

Juin 2004
Deux mois après la confirmation des peines, sur proposition du procureur de la Cour suprême (Cassation) et par une décision plus politique que judiciaire, Leyla Zana et les trois autres députés pro-kurdes sont libérés après 10 ans de détention. En effet, les Cours de Sûreté de l'État avaient été supprimées entre temps par réforme constitutionnelle.

Avril 2008
Une cour de justice turque condamne Leyla Zana à deux ans de prison pour “propagande en faveur d'une organisation terroriste”.

Décembre 2008
Une cour de justice turque déclare une nouvelle fois Leyla Zana membre d'une organisation terroriste en tenant “pour preuve” neuf de ses discours et la condamne à dix ans de réclusion, c-à-d la peine maximale prévue par l'article 314/2 du code pénal turc.

Janvier 2009
Estimant que la condamnation en première instance n'était pas suffisante, le procureur a fait appel de la première décision concomitamment à l'avocat de Leyla Zana. Le procureur demanderait plus de 45 années de prison en cumulant les peines afférentes aux différents discours. Ayant fait directement appel de ces deux décisions de justice, Leyla Zana est encore libre mais peut-être plus pour longtemps.

Le parcours de Leyla Zana est à l'image de celui de bien d'autres femmes et hommes politiques kurdes sans même parler des militants. Sa condamnation, si elle se réalise dans le silence, sera accueillie comme un contreseing à la politique répressive d'Ankara. C'est pourquoi, une pétition circule sur le net pour s'y opposer :


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samedi 21 mars 2009

Newroz

En ce jour de Newroz, fête par excellence de la résistance contre la tyrannie (voir le topic de l’année passée), un petit topo sur les derniers développements touchant à l’identité kurde en Turquie était bienvenu.

Newroz pîroz be avant tout

Un évènement en particulier n’est pas passé inaperçu. Depuis le premier janvier de cette année, une nouvelle chaîne a été lancée à l’initiative de l’AKP : TRT Şeş - TRT Six - en kurde dans le texte. Le premier ministre issu de l’AKP, Recep Tayyip Erdoğan, promettant même de nouvelles “étapes” dans l’avenir et souhaitant prospérité à la chaîne en kurmancî. Parallèlement à cela, le président du Haut Conseil de l’Éducation - le YÖK -, acquis depuis peu à l’AKP, annonçait l’ouverture imminente de deux nouvelles chaires d’université consacrées à l’étude de la langue et de la littérature kurde. [Radikal sur l’ouverture de TRT Şeş]


Au vu de ces développements, il est clair que l’AKP a osé quelque chose qu’aucun autre parti de tradition strictement kémaliste n’avait imaginé jusqu’à présent : garantir la pleine diffusion d’un média en langue kurde avec les deniers publics. La mouvance d’en face, concurrente de l’AKP, c’est-à-dire le CHP ou ses avatars du passé, avait bien fait des “gestes” comme l’inscription de candidats du mouvement pro-kurde sur leurs listes - Leyla Zana étant la plus célèbre d’entre eux -, permis des émissions en langues kurdes sur des canaux publics (obligatoirement sous-titrées et à des heures de basse audience) ou faussement promu l’éducation en langue kurde par ce miroir aux alouettes qu’est l’enseignement privé. Mais, consacrer une chaîne entière à une langue dont la disparition était programmée de longue date, c’était trahir la pensée ethnocide de Mustafa Kemal, une certaine vision fascisante de la culture. Un pas qui n’a pu être franchi finalement que par un parti qui s’en écartait davantage historiquement bien qu’y souscrivant par ailleurs.

Le retour de la réalité

Bien sûr, on ne peut être complètement dupe. La fin justifiant les moyens, on aura compris que ce qui motive l’AKP n’est pas vraiment l’amour désintéressé du droit. L’anecdote, somme toute très banale, de la polémique autour d’Ahmet Türk alors qu’il prononçait moitié de son discours en kurde en février dernier est là pour le rappeler [Hürriyet pour les faits]. Si les réactions épidermiques du MHP, du CHP ou de l’armée peuvent être vues comme des non-évènements à ce propos [Hürriyet encore], le double-standard de l’AKP est bien plus révélateur. Comme par exemple, Köksal Toptan (AKP), speaker à l’assemblée nationale turque, qui s’est empressé de condamner les paroles d’Ahmet Türk comme “anticonstitutionnelles”. Ou mieux, à peine quatre mois plus tôt, la réaction ultra d’Erdoğan aux manifestants lors de sa visite à Hakkari. Il avait alors sorti de nulle part une surprenante règle des trois “un” [“tek millet, tek devlet, tek vatan” - Radikal] à l’instar d’autres politiciens bien avant lui.

Parmi les plumes les plus libérales de la presse à grand tirage, on trouve Mustafa Akyol [Hürriyet] dont la réaction est assez symptomatique d’une certaine Turquie progressiste : l’auteur se montre indulgent [lenient] vis-à-vis de l’action symbolique du député et se dote d’une vision évolutionniste et progressiste des choses. On apprend ainsi qu’il y a 10 ans, Ahmet Türk aurait fini en prison, tandis que maintenant, les réactions sont plus relaxes. Mais ce qui compte c’est de s’interroger sur le fond. Finalement ces Kurdes, veulent-ils être d’heureux citoyens [happy citizens] de la République de Turquie ou pas ? Car dans le cas contraire, on ferait face à une tragédie et on serait en sérieuse difficulté [in trouble]. Charge alors aux députés kurdes, de se comporter comme il faut...

Dans cette frange progressiste de la Turquie, au-delà de l’impossibilité de concevoir une dissolution pacifiste d’un état – comme la Tchécoslovaquie ou, on y viendra peut-être dans peu, la Belgique – le séparatisme n’a pas droit de cité comme opinion de citoyens libres dans une démocratie pourtant érigée comme objectif suprême. De plus, ce sempiternel évolutionnisme qu'elle déploie est biaisé car la référence - les années 90 - constituent une période particulièrement épineuse de la question kurde et n’illustre pas correctement “le passé”. Relativement et toutes proportions gardées, les années 70 étaient plus “libérales” alors qu’elles devraient être pires ou équivalentes en suivant cette logique.

La bataille des médias

En vérité, on peut dégager au moins deux intérêts dans la démarche de l’AKP. D’abord, un à court terme : l’AKP tente de gratter un maximum de voix kurdes en cette période d’élections municipales, et par-dessus tout, essaye d’obtenir la majorité dans un certain nombre de grandes villes symboliques, acquises jusqu’ici à d’autres partis. Soit Diyarbakir, au niveau du Kurdistan. On se souvient des paroles d’Osman Baydemir promettant à Erdoğan qu’il n’aurait jamais cette forteresse en parlant de la ville [“Diyarbakır kaledir, bu kale düşmez” / “Diyarbakir est une forteresse et cette forteresse ne tombera pas” – Radikal sur l’ouverture du procès pour cette phrase].

Ensuite, il y a un intérêt à plus long terme qui sert plutôt les desseins d’Ankara en général vis-à-vis du Kurdistan mais qu’on ne peut pas isoler complètement du premier. Un objectif qui n’est pas vraiment caché d’ailleurs et qui consiste à détacher l’opinion kurde des médias kurdes indépendants, essentiellement Roj-TV. Et donc du PKK comme disent certains pour abonder dans le sens de la menace terroriste.
Le PKK ne signifiant rien de précis, il faut plutôt lire “la mouvance pro-kurde”. En général, celle-ci englobe les HPG, (Hêzên Parastina GelForces de Défense du Peuple), ne menant plus de véritable lutte armée depuis plus de 10 ans, les membres du DTP, élus ou non, l’ensemble du tissu associatif kurde solidaire de la figure d’Abdullah Öcalan et jusqu’à la seule élue d’origine kurde du Parlement européen : Feleknas Uca. Roj-TV ayant un ton plutôt favorable à tous ces protagonistes.

Il faut voir aussi la venue de TRT Şeş comme l’aboutissement d’un processus qui a visé jusqu’ici à élaguer cette opinion : pressions, notamment par le biais des Etats-Unis, contre la Belgique et le Danemark qui abritent respectivement les studios et l’antenne de Roj-TV pour qu’ils l’interdisent, lourdes amendes infligées in fine à cette dernière… Toutes ces pressions ont toujours été des échecs, la chaîne dissidente a toujours pu émettre et de nombreux foyers kurdes ont toujours réussi à la capter au cœur du Kurdistan. Dès lors, s’adresser au public cible directement dans sa langue se dégage plus comme un plan B qui n’a été possible que grâce à un concours de circonstances pas forcément prévisibles au départ : la longue survie de Roj-TV, l’émergence de l’AKP comme parti politique,... Même si l'on peut supposer que la création de TRT Şeş ne soit pas appréciée par le mouvement pro-kurde, l'apparition d'une nouvelle chaîne en kurde n'a pu se faire que grâce à lui parce qu'il a toujours gardé la main sur son indépendance médiatique.

L’épisode Diyarbakir

À la fin de ce mois, on devrait être fixé sur le sort de la ville : ravie par l’AKP ou demeurant un bastion du DTP. Indépendamment de cela, jeter un regard retrospectif sur les élections précédentes dans la circonscription de Diyarbakir permet d’éclairer l’une des façons dont les voix kurdes sont toujours assujetties à la volonté d’Ankara.
Il faut d'abord comprendre qu’AKP et DTP sont aussi les deux seuls partis qui émergent véritablement dans les régions kurdes. Les partis républicains et kémalistes n’y ont pas vraiment la cote pour des raisons faciles à comprendre. C'est particulièrement vrai dans la capitale du Kurdistan septentrional où une bonne part de la population se compose des déplacés-forcés dont les terres et biens ont été redistribués par l'État aux milices.

Diyarbakir...

Or, lors des dernières élections nationales, la liste AKP et le groupe de candidats indépendants cumulés issus du DTP avaient récolté, grosso modo, 200.000 voix chacun avec une légère avance de 20.000 voix en faveur du DTP, tout souvenir bon et valide.
Malgré cette légère avance, sur les 10 sièges de députés à pourvoir au sein de l’assemblée nationale, l’AKP en avait ravi 6 contre 4 pour les députés indépendants du DTP, soit 50 % de résultat en plus, pour 20.000 voix en moins… De quoi déjà largement s’interroger sur la “démocratie” à la turque. À noter que si le DTP s’était présenté sous forme de liste, il aurait obtenu 0 sièges contre 10 pour l’AKP dans cette circonscription à cause du barrage de 10% nécessaire au niveau national.
La tactique de présenter des candidats indépendants, n’est à vrai dire pas du tout une parade au système comme on a voulu parfois le faire croire. Et certainement pas pour faire entendre la voix des Kurdes. Ainsi, sur les 4 candidats pro-kurdes ayant obtenu un siège, le hasard a fait qu’ils se sont partagé approximativement 50.000 voix chacun. En réalité, chaque candidat indépendant concourt contre toutes les autres listes mais aussi ses propres co-partisans.
De cette manière, un parti présentant des indépendants doit donc évaluer à l'avance le nombre de sièges qu’il espère au sein d’une circonscription donnée, présenter autant de candidats aux élections et escompter une bonne dose de chance pour une répartition équilibrée des votes entre eux, ce qui leur permettra à chacun d'atteindre le quorum nécessaire à la conversion en siège. Autant de contraintes auxquelles ne sont pas soumises les listes.
Pour les élections municipales, le barrage n’existe qu’au niveau de la circonscription et le DTP peut présenter des listes. Diyarbakir est donc une ville dont la municipalité est acquise au DTP mais qui envoient une majorité de députés AKP à l’assemblée. Une belle contradiction qui illustre bien à quel point l’AKP profite du mode de scrutin.
À ce sujet et pour rappel, la Turquie connaît un mode de scrutin proportionnel qui, normalement, multiplie le nombre de partis représentés et favorise la formation de coalitions. Au sein de l'assemblée nationale turque, il n'existe en fait que trois listes représentées (deux lors de la législature précédente). Et il n'y a eu aucune coalition sur les deux dernières législatures. On a donc affaire à un scrutin proportionnel... qui produit les effets les plus extrêmes des scrutins majoritaires. Encore une contradiction qui souligne le caractère boiteux des élections turques.

Le kurmancî tire son épingle du jeu

Pour la langue kurmancî, toutefois, cette conjoncture se dessine plutôt comme une victoire quoiqu’il en soit, car sa diffusion permet sa pratique et sa survivance indépendamment du média employé. Mais on ne peut pas tirer de conclusions hâtives car une langue n’a pas beaucoup de chances de survie dès lors qu’elle n’est pas reconnue dans un système de dominance d’une culture sur d’autres et qu’elle n’est pas enseignée publiquement dès le plus jeune âge.
Encore peut-on espérer à terme l’échec et le dépassement total du système de l’État-nation mais ça c’est une autre histoire…

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samedi 14 mars 2009

Manipulation internationale


Hasan Ciçek, un villageois dersimi victime du terrorisme de l'Etat turc
Le procureur fédéral avait agité cette photo durant le procès DHKP-C pour prouver le prétendu caractère criminel des inculpés



LA BRIGADE DE BOLU L’A ASSASSINE ET A BRÛLE SON CORPS. L’ETAT TURC A FAIT CROIRE A LA BELGIQUE QUE L’AUTEUR (DU CRIME) ETAIT LE DHKP-C

La photo de Hasan Çiçek, qui en 1994 a été emmené de son domicile à Dersim par des soldats de la brigade de commando de Bolu afin de « servir de guide dans des opérations militaires » et dont le corps a été retrouvé calciné, aurait servi à des fins de manipulations. On vient de découvrir que cette photo de corps calciné a été utilisée par la Turquie dans le procès belge du leader du DHKP-C Dursun Karatas, de Fehriye Erdal et de Musa Aşoğlu et qu’elle aurait servi de prétendue « preuve attestant du caractère criminel de l’organisation ».

Un mensonge international pris en flagrant délit
La photo du corps carbonisé de Hasan Ciçek que des soldats liés à la brigade de commando de Bolu ont arrêté en 1994 afin qu’il « serve de guide dans des opérations militaires » est apparue en Belgique, dans le procès où le dirigeant du DHKP-C Dursun Karataş, Fehriye Erdal et Musa Aşoğlu sont jugés. L’Etat turc a décrit cette photo comme « une preuve du caractère criminel de l’organisation (DHKP-C) ».

Les avocats belges de la Turquie et le procureur belge ont soumis cette photo aux juges en faisant croire que « l’organisation commet des crimes horribles comme celui-ci ». Or, il s’agit d’une photo de Hasan Ciçek. Il avait été emmené le 5 octobre 1994 par les soldats de la Brigade de commando de Bolu. L’avocat de Musa Asoglu, Maître Taylan Tanay a confirmé que le gouvernement turc a transmis cette photo à la Cour en 2006 pour prouver que « l’organisation est crapuleuse ». Maître Tanay a ajouté que cette photo était celle du citoyen dénommé Hasan Ciçek, qu’il avait été tué à l’époque des dépeuplements des villages de Dersim et que son corps avait été brûlé.

Cette photo est celle de mon client
L’avocat de Hasan Ciçek, Maître Hüseyin Aygün a lui aussi confirmé que la photo est bien celle de son client : « Mon client a été arrêté à son domicile en 1994 par les militaires pour leur « servir de guide ». D’après son épouse et des témoins, des bruits de balles auraient retenti depuis l’endroit où M. Ciçek aurait été emmené. Après quarante jours de battue, son épouse Zeynep Çiçek et les villageois retrouvent son corps calciné. Les villageois et la famille Çiçek « sont sûrs qu’il s’agit bien du corps de Hasan Çiçek ». Maître Aygün souligne qu’à l’époque de la découverte du corps, le procureur de Hozat avait refusé d’effectuer une analyse ADN du corps. Et d’ajouter : « A l’époque, le procureur s’est contenté de faire une autopsie et d’après son expertise, la taille et l’ossature du corps retrouvé ne correspondaient pas à celles de Hasan Çiçek. Il faut admettre que vu l’état du corps, on ne peut obtenir de résultats fiables. Le procureur fit ensuite inhumer le corps dans un cimetière public. Le corps qui apparaît dans la photo appartient sans aucun doute à Hasan Çiçek, mon client. »

Rüştü DEMİRKAYA
Günlük Gazetesi
Le 3 mars 2009

http://www.gunlukgazetesi.com/haber.asp?haberid=69735

jeudi 5 mars 2009

La Belgique, terrain de chasse des Loups Gris

Fehriye Erdal, menacée d’être enlevée ou abattue par des escadrons de la mort. Une meute de Loups Gris maffieux sur les trousses de Dursun Karatas. Les services secrets turcs actifs sur le sol belge. Une fiction ? Un délire paranoïaque ? Une intox semée par des provocateurs en quête de sensations fortes sinon par des ultra-gauchistes qui cherchent à jouer les victimes ? Pas si l’on en croit les très nombreux rapports de commissions d’enquêtes parlementaires turcs, les enquêtes judiciaires belges et les révélations des truands concernés. Autre témoin de cette effroyable réalité : le cadavre d’un barbouze abattu à Liège dans la nuit de Noël 1997 par l’un de ses pairs.


Photo: La nuit, tous les loups sont gris

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1997, Osman Nuri Van est retrouvé mort d'une balle dans la tête en plein centre de Liège.

Ce membre actif des Loups Gris[1] avait été recruté comme agent de la MIT (service d’intelligence turque) au département des opérations. Sa dernière mission fut de se rendre en Europe pour éliminer le secrétaire général du DHKP-C, Dursun Karatas.

En Belgique, le faste dans lequel vit Osman Nuri Van pourtant sans emploi apparent, en particulier sa Mercedes flambant neuve payée cash, mais aussi sa discrétion et ses allers-retours répétés entre la Belgique et la Turquie , attirent l’attention de la Sûreté belge qui le soupçonne de se livrer à du trafic de drogue[2].

La filature dont il fait l’objet facilitera sans doute la tâche des enquêteurs dans la découverte de son tueur. Ce dernier, très vite identifié, s’appellerait Alper Gözelli et serait un homme de main du célèbre parrain de la maffia fasciste Alaattin Cakici[3].

D’après Fatih Tufan Gülaltay, un ami de la victime, actuellement inculpé dans le procès Ergenekon, c’est Mehmet Eymür, le sinistre président du département de contre-terrorisme qui aurait commandité l’assassinat de Van. Sans le citer, Gülaltay parle d’un tueur qu’Eymür aurait aidé à s’évader de Turquie. Grâce au rapport de la commission d’enquête parlementaire qui fut constituée après le scandale de l’accident de Susurluk, on sait désormais que Allaattin Cakici, recherché dans plusieurs dossiers de grand banditisme et de meurtres, s’est vu effectivement recevoir un passeport diplomatique par Eymür par l’intermédiaire les agents dénommés Yavuz Ataç et Ibrahim Ari qui l’ont aidé à quitter clandestinement le pays via l’Italie.

Bref, les deux pistes connues du meurtre d’Osman Nuri Van mènent invariablement à Cakici ou à son chef, Mehmet Eymür.

Ceci étant, les 3 septembre 1998, le Parquet de Liège envoie une commission rogatoire internationale conduite par la juge d’instruction Mireille Julémont pour interroger Cakici, alors incarcéré à Nice et qu’un certain nombre de sites français d’information présentent comme suit:

« Quarante et une exécutions, pas une de moins, mais peut-être beaucoup plus. Tel est le «tableau de chasse» de l'un des plus redoutables parrains turcs, Alaattin Çakici. Arrêté en 1998, à Nice, par la police française, il a été extradé après avoir passé de longs mois à l'isolement, à la prison des Baumettes. Alaattin Çakici avait commencé sa «carrière» au sein des Loups gris, une organisation turque d'extrême droite particulièrement violente. Au fil des années, Çakici a mis ses talents au service de divers trafics, dont, bien évidemment, celui de l'héroïne. Bénéficiant de l'appui de certains secteurs des services secrets turcs, le parrain s'était également rapproché de quelques responsables politiques avec lesquels il a, de toute évidence, traité de juteuses affaires. »[4]


Photo: Alaattin Cakici, surnommé par les révolutionnaires, le "fasciste morveux"

Cakici, en bon fasciste, vouait par ailleurs une haine insatiable envers le communisme depuis le début des années 1970. Il avait fait de l’élimination de Dursun Karatas une affaire personnelle car il voulait venger l’un de ses cousins, Necati, un Loup Gris notoire qui avait été tué lors d’une vaste opération de guérilla menée en octobre 1978 par le mouvement de la Gauche révolutionnaire (Devrimci Sol) dans le quartier de Gültepe à Istanbul[5]. Son père sera à son tour abattu en 1980 par une autre organisation de gauche. En Europe, des années durant, il aurait recherché Dursun Karatas par monts et par vaux. En plat pays aussi, où des sympathisants du DHKP-C et d’autres émigrés turcs antifascistes l’auraient croisé à plusieurs reprises dans des circonstances plutôt cocasses. Ces derniers l’auraient en effet découvert ivre mort dans des bars et dans la rue[6]. S’il s’agit là d’une bien curieuse façon de procéder pour un « fin limier » de son calibre, comment expliquer que lui qui s’était juré d’éliminer le dirigeant du DHKP-C, fasse assassiner un individu qui nourrissait les mêmes ambitions que lui ?

D’autant que Cakici et Osman Nuri Van avaient tous deux le même patron : Mehmet Eymür, président du département de contre-terrorisme.

Photo: Mehmet Eymür, ripoux en chef de l'antiterrorisme et chasseur de militants hors pair, s'était déjà distingué dans les salles de torture du sinistre palais de Ziverbey après le coup d'Etat de 1971.

Des jalousies ? Des frustrations nourries par l’inefficacité des uns et des autres dans la traque de Dursun Karatas ? Est-ce d’avoir abusé de la confiance de son patron Mehmet Eymür en dilapidant l’argent destiné à la capture de Karatas dans les bordels et les casinos ? S’est-il vu reprocher par Cakici d’empiéter sur sa chasse gardée ? En d’autres termes, l’enjeu entre les deux truands serait-il une guerre de contrôle des marchés de l’héroïne ? On ne connaîtra sans doute jamais la véritable raison.

Toujours est-il que même si aujourd’hui Fehriye Erdal s’est mise à l’abri bien malgré elle et si Dursun Karatas est décédé, les Loups Gris rôdent toujours dans le Royaume et faute de pouvoir trouver de nouvelles proies, ils se dévorent parfois entre eux comme l’illustre le meurtre d’Osman Nuri Van.

Bahar Kimyongür
Le 5 mars 2009



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[1] L’un de ses amis dénommé Fatih Tufan Gülaltay, un homme d’affaires et un politicien d’extrême droite, actuellement inculpé dans l’affaire Ergenekon, déclara à la 33e audience du procès Ergenekon, « avoir connu Osman Nuri Van dans le local des Loups Gris de Küçükyali. » Gülaltay précise qu’il a personnellement accompagné Osman Nuri Van à l’aéroport pour sa mission d’éliminer Dursun Karatas, trois jours seulement avant son assassinat. Cité dans : Cumhuriyet, 26 décembre 2008

[2] Mine G. Kirikkanat, Radikal, 18 septembre 2008

[3] Hürriyet, 25 août 1998

[4] Roger-Louis Bianchini, Laurant Chabrun, Le Loup Gris, dans L’Express, 1er août 2002

[5] Gültepe était alors un quartier composé majoritairement d’émigrés venus de la Mer Noire dont la famille Cakici qui avait fui pour cause de vendetta. Comme la plupart des régions, des villes, des quartiers du pays et des familles de l’époque, le faubourg de Gültepe était territorialement divisé entre les zones contrôlées par les fascistes et celles défendues par les révolutionnaires.

[6] Communiqué du DHKC n°337, 21 juillet 2004 : « Qu’a fait Cakici à l’étranger ? »

mercredi 4 mars 2009

Trafiquant de drogue en Belgique, apprenti führer en Turquie

Itinéraire d’un truand terroriste qui confond campagne électorale et campagne militaire


Photo : Mikail Göleli, lors d'un meeting électoral polémique à Kars le 2 mars 2009


Dans les années 70, Mikail Göleli a fait partie des commandos de Loups Gris. Les milieux de gauche, victimes de sa terreur lui attribuent la mort de 4 militants à Ankara. Après le coup d’Etat de 1980, il s’installe en Belgique comme nombre de fascistes. C’était l’époque où la junte militaire du général Evren lâchait les Loups Gris sur l’Europe moyennant quelques faveurs, notamment l’élimination d’opposants politiques, arméniens, kurdes ou socialistes. En quelques années, les Loups Gris parviennent à conquérir le marché de la drogue en provenance de la Turquie. En Belgique, muni d’un passeport diplomatique délivré par la junte militaire, Mikail Göleli se taille, très vite, une réputation de grand truand.[1]

Le 4 avril 1987, Mikail Göleli tire et blesse deux maffieux dans un règlement de compte à Bruxelles.

Le 25 mars 1992, il est arrêté dans une discothèque bruxelloise avec de la drogue en grande quantité[2].

Dans la nuit du vendredi 22 mai au samedi 23 mai 1992, la police, au courant qu’une embuscade lui avait été tendue à Molenbeek par un commando de la maffia turque, tire sur les assaillants et abat l’un des maffieux[3]. Le fait que la police ait attendu le moment fatidique pour intervenir laisse penser que Göleli était un indicateur. Voulant faire d’une pierre deux coups, la police tenta de politiser ce règlement de compte manqué en le faisant passer pour une tentative de représailles menée par des « terroristes d’extrême-gauche » et ce, alors que la victime était elle aussi issue de la maffia fasciste.

En 1995, recherché pour trafic de drogue par la Belgique, il fuit en Turquie où il se présente la même année aux élections législatives en tant que parlementaire du Parti d’action nationaliste (MHP, le parti des Loups Gris) pour la ville d’Igdir.

Il obtient le plus grand nombre de voix dans la ville mais comme le MHP ne parvient pas à franchir le barrage national, son élection au Parlement lui échappe de peu.

Le 2 mars dernier, Mikail Göleli qui se targue d’être un grand ami d’Abdullah Catli, le maffieux mort dans l’accident de Susurluk en novembre 1996, s’est rendu dans sa ville natale pour soutenir Ali Ekber Yesil, le candidat MHP pour les prochaines élections municipales. Dès son apparition en public dans la province voisine de Kars, près d’un millier de personnes l’ont acclamé aux cris de « Mikail, Loup Gris », « Mikail, la légende ».

Alors qu’il s’agit d’une simple campagne électorale, le Loup Gris a exhorté ses sympathisants à se « comporter comme des soldats ».

Tenant le micro de la main droite, il leur fit signe de la main gauche de se baisser puis se relever à trois reprises. Comme à l’armée.

La foule fanatisée qui exécutait ses ordres lui répondit comme un seul homme : « Nous sommes tous les soldats d’Alparslan Türkes » (le défunt colonel fondateur du mouvement des Loup Gris).

Stupéfiant est sans doute l’épithète qui colle le mieux à ce dangereux bouffon mais accordons-lui tout de même le mérite de nous rappeler que l’état-major turc, la maffia turque et l’extrême-droite turque, c’est un peu la même chose…

Pour visionner le discours militariste de Göleli, veuillez cliquer sur le lien:

http://www.youtube.com/watch?v=z1seQC2MrPc

Bahar Kimyongür
Le 4 mars 2009
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[1] Halil Nebiler, Mafyanin Ekonomi Politigi, Ed. Sarmal, 1995
[2] Radikal, 11 juillet 2001
[3] Le Soir, 24 avril 1993

Tentative de suicide en prison de type F

Süleyman Erol, 38 ans était un militant pétillant de vie. Dans les années 90, il fut un guérillero du DHKP-C dans le maquis égéen de Gölgeli (Denizli), juqu'à ce que des chasseurs le repèrent et le dénoncent lui et ses camarades.
Le 30 novembre 1998, l’armée gouvernementale appelée sur les lieux, lance une campagne de ratissage au cours de laquelle deux guérilleros sont tués à proximité du village de Balkica dans le district de Tavas. En tout, 22 révolutionnaires seront capturés et comparaîtront devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Izmir. Le 31 mai 2000, Süleyman est condamné à mort avec 5 autres inculpés pour tentative de renversement de l’ordre constitutionnel, en vertu de l’article 146/1 du Code pénal turc.
Suite à l’abolition de la peine de mort, sa peine est commuée en « prison à perpétuité alourdie ». Il sera soumis à un régime d’isolement renforcé dès l’inauguration sanglante des prisons de type F (décembre 2000).
Le 23 février 2009, Süleyman Erol s’est taillé les veines après 8 ans de mise en isolement à la prison de type F n° 1 de Kiriklar à Izmir.
Le 1er mars dernier, l’association d’entraide avec les familles de détenus TAYAD a publié un communiqué relatif à sa tentative de suicide et qui appelle les autorités à respecter leurs engagements sur le droit de conversation entre détenus.



La torture de l’isolement continue de sévir
Süleyman Erol, incarcéré à la prison de type F n°1 de Kiriklar à Izmir s’est taillé les veines.





Depuis leur ouverture, nous ne cessons de clamer haut et fort que les prisons de type F sont des lieux d’avilissement et de déshumanisation.
Bien des associations solidaires des détenus dont la nôtre, dénoncent ces établissements depuis leur mise en chantier.
Estimant sans doute que l’isolement architectural est insuffisant, le pouvoir politique a tenté d’accentuer le confinement moral des détenus en leur interdisant les parloirs, l’accès aux journaux et le courrier.
A présent, il cherche à serrer l’étau en s’appuyant sur le statut de « perpétuité alourdie » prévue par la « Loi d’application des mesures pénales et de sécurité ».
Les détenus faisant partie de cette catégorie sont condamnés à rester occuper une cellule individuelle pour le restant de leur vie. Ils ont droit à une seule heure de sortie dans une petite cour individuelle. Les droits dont disposent les autres détenus ne valent pas pour eux. Par exemple, les autres détenus peuvent recevoir une visite de famille par semaine, pour eux, c’est toutes les deux semaines. Ces détenus n’ont pas droit à des visites d’amis contrairement aux autres détenus.
Süleyman Erol était de ces « perpètes alourdies »
Pourtant, dans son cas, la direction pénitentiaire a durci son régime carcéral sans tenir compte de la décision de justice qui le concerne. En effet, la Cour de cassation a anéanti sa condamnation à perpétuité alourdie et l’a converti en « réclusion à perpétuité ».
La direction pénitentiaire a prétexté que cette requalification de la condamnation n’avait pas été confirmée par la Cour de cassation et a agi comme si de rien n’était.
Un tel régime carcéral a eu indéniablement un impact sur sa santé.
Le 23 février 2009 à 2h du matin, il s’est tailladé les poignets.
Transporté à l’hôpital, il a pu être soigné. En ce moment, il se trouve à nouveau dans une cellule individuelle. Etant inapte à assumer ses besoins les plus élémentaires, c’est un détenu occupant la cellule voisine qui se charge de lui durant l’heure de préau.
On est en droit de s’interroger sur les raisons qui ont poussé un homme comme Süleyman Erol à se tailler les veines ? Qui en est le véritable responsable ? Le directeur qui impose un régime de « perpète alourdie » à Süleyman ? Le procureur de la prison ? Le médecin qui garde le silence malgré le fait qu’il soit au courant de l’état de santé de Süleyman ? Qui est le responsable ? Ou bien Süleyman va-t-il faire les frais d’un scénario où les autorités feront des excuses solennelles une fois qu’il sera trop tard ? Tant que le régime d’isolement se poursuivra, il y aura des cas similaires à celui de Süleyman. La seule solution réside dans la levée de l’isolement et l’application du droit de conversation prévu par la circulaire 45/1 du 22 janvier 2007

Les familles de TAYAD

mardi 3 mars 2009

Un Loup Gris assassin vivant en Belgique bénéficie de la prescription


Abdi Ipekçi, rédacteur en chef du journal Milliyet, assassiné parce que trop à gauche.

Il était prétendument recherché par la justice turque pour complicité dans le meurtre il y a trente ans d’Abdi Ipekçi, rédacteur en chef libéral progressiste du quotidien turc Milliyet.

Le célèbre maffieux Yalçin Özbey membre du mouvement fasciste turc des Loups Gris résidant en Belgique de longue date, vient de bénéficier de l’impunité dans le meurtre d’Ipekçi conformément à l’article 104/2 du Code pénal turc qui fixe la prescription maximale à 30 ans[1].

Seul Mehmet Ali Agca, celui qui tirera plus tard sur le Pape Jean-Paul II, fut à l’époque arrêté et condamné dans l’affaire de l’assassinat du journaliste. Özbey, quant à lui, échappera à toute poursuite. Grâce à ses liens privilégiés avec les services secrets turcs et américains, le 23 novembre 1979, il parviendra même à organiser l’évasion de son comparse Agca, d’une prison militaire d’Istanbul.

Photo: Yalçin Özbey aux côtés d'Agca, au procès de Rome

Né en 1955 à Malatya, Yalçin Özbey, est devenu dans les années 1970 une figure de proue du mouvement fasciste, semant la terreur contre les forces de gauche[2].

Avec les maffieux assassins Abdullah Catli, Oral Celik et Mehmet Ali Agca, il fait partie du Gladio turc, une organisation terroriste d’extrême drtoite créée par l’OTAN pour lutter contre le communisme.

Après l’arrivée au pouvoir de la junte du général Evren en 1980 qui poursuivit le plan d’éradication de la gauche des Loups Gris, Yalçin Özbey et ses sbires ont été chargés par leur mouvement fasciste de commettre des assassinats à l’étranger. Ils avaient dans leurs poches, des passeports diplomatiques délivrés par le régime militaire turc.

En 1981, Özbey participa à l’attentat contre le Pape Jean-Paul II et ce, de l’aveu même de son compagnon d’arme, le tireur, Mehmet Ali Agca.

En 1983, Özbey refait surface à Bochum en Allemagne à la tête d’une association de Loups Gris. Le 16 octobre 1983, il est arrêté dans ce local. La police allemande découvre en sa possession deux faux passeports, un cachet de l'ambassade de Turquie, des cachets appartenant à plusieurs institutions turques et un revolver Unic 7,65 mm.

Özbey négocie sa libération en échange de sa collaboration avec les services secrets allemands. Ces derniers lui proposent de contacter ses complices inculpés dans le procès de Rome pour qu’ils imputent l’attentat contre le Pape aux services secrets bulgares[3].

On connaît les conséquences de cette intox dans le procès de Rome.

Il est libéré trois mois plus tard sans être inquiété par la demande d’extradition turque.

Dix ans plus tard, il est à nouveau arrêté en Allemagne avec en sa possession 1,5 kg d’héroïne. Condamné à quatre ans de prison pour trafic de drogue, il échappe une fois de plus à toute procédure d’extradition vers la Turquie. Et pour cause : il contacte l'ambassade turque pour lui proposer ses services en échange d’une cessation de poursuites en Turquie et d'une nouvelle identité. Naim Aydin, responsable de la liaison avec la Sûreté turque de l'ambassade lui rend visite.[4] On imagine la suite.


Yalçin Özbey cumule toutes les "qualités" du Loup Gris: fasciste, mercenaire, trafiquant d'héroïne, mouchard

Par ailleurs, deux agents des services secrets turcs (MIT) l’interrogent sur sa participation à l’assassinat du journaliste Ipekçi durant sa détention en Allemagne. En 1999, lorsque les juges de la 4e Cour d’assises d’Istanbul demandent les enregistrements de cet interrogatoire, la Sûreté turque rétorqua que ceux-ci ont été détruits. Mais à l’issue de ce procès intenté contre Oral Celik, ces enregistrements refont curieusement surface.

Dès sa sortie de prison en 1997, Özbey s’installe en Belgique.

Les autorités turques demandent son extradition à la Belgique en 1997 et 1999, demandes refusées au motif qu’à l’époque, la législation turque prévoyait la peine de mort.

En mars 2006, le malfrat récidive : il est arrêté à Schaerbeek dans un night shop pour « recel d'objets volés ». En fait, Özbey est accusé d’avoir entreposé des marchandises « tombées du camion » dans l’un de ses hangars.[5]

C’est l’époque où la soustraction à la justice belge de la militante du DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, marxiste) Fehriye Erdal souleva une tempête d’indignation et de protestations dans les chancelleries.

La remise en liberté du fasciste Yalçin Özbey par un juge d’instruction bruxellois, un mois à peine après son arrestation, n’a en revanche suscité aucun émoi, ni à Bruxelles, ni à Ankara.

Une série de questions s’imposent au lecteur averti devant un tel double standard avec :

- d’un côté, une Fehriye Erdal qui vient d’avoir 32 ans et qui a passé près de la moitié de sa vie à fuir des nervis sans scrupules comme Özbey et de l’autre, un Yalçin Özbey qui tuait des opposants politiques sous la protection de forces occultes à une époque où Fehriye n’était encore qu’un bébé.

- d’un côté, une Fehriye Erdal qui est menacée d’extradition vers un Etat impitoyable à l’égard des militants de gauche et de l’autre, un Yalçin Özbey qui bénéficie d’une mansuétude consternante tant de la part des autorités belges que turques.

- d’un côté, une Fehriye Erdal qui est en attente de son quatrième procès dans le cadre de l’affaire de Knokke et qui va être jugée en Belgique pour sa participation présumée à un attentat commis à Istanbul contre l’élite financière turque et de l’autre, un Yalçin Özbey, impuni sur toute la ligne dans d’innombrables affaires de meurtres et de tentatives de meurtre visant l’élite intellectuelle turque et de petites gens qui rêvaient d’une Turquie plus juste.

Cherchez l’erreur.

Cherchez l’erreur avant que d’autres assassins, comme Muhammed Nuh Kiliç, condamné en Turquie pour sa participation à l’incendie de l’hôtel de Sivas en juillet 1993 dans lequel périrent 37 intellectuels mais vivant actuellement en Allemagne en toute impunité[6], ne bénéficient eux aussi de l’imprescriptible.

Cherchez l’erreur avant que le couperet de la justice des puissants ne tombe une nouvelle fois sur d’honnêtes militants qui, comme Fehriye Erdal, sont persécutés, stigmatisés et saignés à blanc à chaque instant de leur existence.

Bahar Kimyongür
Le 28 février 2009

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[1] Source : presse turque, 27 février 2009
[2] Yalçin Özbey participe à une tentative d’assassinat d’Ahmet Kaçmaz, secrétaire général du Parti ouvrier socialiste de Turquie (TSIP) et de Mihri Belli, figure éminente du socialisme turc.
[3] Jean-Marie Stoerkel, Les Loups de Saint-Pierre, Ed. Plon, Paris, 1996
[4] Rapport de Fikri Saglar, membre de la commission parlementaire Susurluk, cité par Enis Berberoglu, dans Hürriyet, 3 octobre 1997
[5] Philippe Boudart, « A-t-il tué un journaliste », La Dernière Heure , 8 avril 2006
[6] En tant que « rôtisseur d’innocents », il a poussé le vice jusqu’à gérer une rôtisserie (salon kebab) à Mannheim

Les opposants turcs incarcérés en France resteront en prison



Photo: Erdogan Cakir, père de 4 enfants, prisonnier d'opinion en France

Erdogan Cakir, Sefik Sarikaya, et Veli Yati, trois des 15 inculpés de l’enquête visant prétendument le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C, gauche radicale turque) en France et incarcérés depuis le 9 juin dernier à la prison de la Santé , ont comparu devant le juge antiterroriste Fragnoli, espérant pouvoir sortir de prison vu la vacuité de leur dossier.

Leur deuxième mandat de dépôt est arrivé a échéance mais le juge Fragnoli a décidé de le prolonger une fois de plus de 4 mois, au motif qu’il va très prochainement se rendre en Turquie en personne pour recueillir des renseignements sur le DHKP-C, sur ses activités et sur les inculpés.

Ainsi, on commence par arrêter des opposants politiques dont l’activité consistait à organiser des festivals culturels et à vendre des journaux dissidents mais toutefois légaux, même en Turquie, puis on échafaude des histoires et fabrique des preuves, le tout, avec le soutien direct du régime fasciste d'Ankara.

Au bout de ces quatre mois de détention supplémentaires, les trois inculpés auront perdu un an de leur vie derrière les barreaux sans la moindre raison valable.

Plus que jamais, ils méritent notre solidarité

Comité des Libertés - France
Le 10 février 2009
comitedeslibertes@gmail.com



Ci-dessous, la liste des 4 détenus de l’enquête DHKP-C en France :

Erdogan CAKIR
N° 289707/div 1 / 46
42, Rue de la Santé
75674 PARIS CEDEX
France

Sefik SARIKAYA
N° 289706 Cellule 1/107
Maison d'Arrêt de la Santé
42, Rue de la Santé
75014 PARIS
France

Veli YATI
Maison de la Santé A Bloc 234
42, Rue de la Santé
75014 PARIS
France

Ilker ALCAN
N° 367 643 D4
Maison d'Arrêt de Fleury-Merogis
7, Avenue des Peupliers
91705 SAINTE GENEVIEVE DES BOIS/ PARIS
France