lundi 8 décembre 2008

Grup Yorum sort un nouvel album: "Sans résignation" (Başeğmeden)




A l’occasion de son 23e anniversaire, le groupe musical légendaire Yorum vient de sortir son 20e album.

Cette fois, le groupe militant anatolien se présente devant ses fans avec de nouvelles mélodies, de nouvelles tonalités en respect du principe qui consiste à « appréhender le présent sans oublier le passé pour mieux aborder l’avenir ».

Toujours plus audacieux dans l’expérimentation des mélodies rock, « Grup Yorum » se risque à pratiquer pour la première fois et avec brio le genre hip-hop.

Sur le plan du contenu, le groupe Yorum reste fidèle à sa mission historique : incarner la voix des peuples en lutte contre la tyrannie et semer l’espoir pour un monde de justice, de liberté et de dignité.

Le groupe dédie entre autres une élégie poignante à Abir Kassem Hamza Al-Janabi(Abir’e agit), cette petite irakienne de 14 ans violée par des soldats américains puis brûlée vive et exécutée avec sa famille. La voix de la cantatrice trempe dans les larmes et le sang du martyre du peuple irakien avant de céder sa place à une explosion de colère anti-impérialiste intitulée « Amérique tire-toi », (Defol Amerika). Il s’agit d’un hymne chanté par une chorale qui regroupe pas moins de 70 vedettes de la chanson anatolienne.

Les 122 héros de la résistance carcérale sont également à l’honneur dans une ballade intitulée « Serment sur votre amour » (Sevdaniza and olsun).

Parmi eux, Ibrahim Erler, l’ « amoureux de la rose » (Güle Sevdali), ce révolutionnaire d’origine tsigane qui fut grièvement blessé durant l’assaut militaire du 19 décembre 2000 dans les prisons, revit à travers une mélodie rom baignée du son irrésistible de la clarinette. Cet hommage à Ibrahim est encore plus bouleversant lorsque l’on se rappelle que durant l’assaut, il perdit tous ses doigts et qu’il succomba à ses blessures le 18 septembre 2001 après s’être immolé par le feu dans sa cellule de la prison de type F de Tekirdag, pour protester contre l’assassinat par la police de quatre de ses camarades dans le quartier d’Armutlu.

La légèreté de la mélodie n’atténue pas pour autant la charge voire la décharge émotionnelle que provoque le drame évoqué avec pudeur.

De même, les mots de tendresse que l’humoriste immortel Aziz Nesin (1915-1995) adresse « à nos enfants » (Cocuklarimiza) ne laisseront sans doute personne, indifférent:



Si je pouvais pleurer, tant pleurer les enfants,

Qu’il ne vous reste plus une seule larme.

Si je pouvais frissonner, tant frissonner les enfants,

Que vous n’ayez plus jamais froid.

Si je pouvais souffrir, tant souffrir les enfants,

Qu’il ne vous reste plus, vraiment plus une seule douleur.

Si vous pouviez rire, tant rire les enfants,

Qu’il n’y ait plus, vraiment plus personne qui soit encore triste.



Avec « notre mère est une » du poète militant Enver Gökçe (1920-1981), Grup Yorum rend également hommage à la fraternité entre les peuples et particulièrement entre les peuples turc et kurde.

Pour atténuer la souffrance, l’humour est souvent le meilleur exutoire. C’est sans doute dans cette optique que le Grup Yorum a recouru à la « joute » (atisma) une forme musicale très appréciée en Turquie. Dans ce cas-ci, un gratte-ciel arrogant nargue des masures de bidonvilles qui sont loin de se laisser faire…

Ensuite l’inoxydable Comandante Che Guevara de Carlos Puebla est chanté dans un espagnol aux accents turcs rythmé du saz anatolien.

Décédé en exil en août dernier, un autre leader qui marqua à jamais l’histoire sociale de la Turquie est à l’honneur dans cet album. « Nous serons toi » (Sen olacagiz) promet la chanson qui lui est dédiée.

Par ailleurs, le groupe chante un poème de Ümit Ilter, monument de résistance actuellement incarcéré à la prison de type F de Bolu. Ümit Ilter y raconte son enfance de manière cocasse et sa désillusion après avoir réalisé que Superman n’était pas forcément l’ennemi du mal et que Washington ne désignait pas uniquement une variété d’oranges…

« Sans résignation » (Basegmeden) est comme tous les précédents albums du groupe, un florilège d’émotions exaltant l’amour pour l’humanité et pour les lendemains qui chantent.

Chaque âme sensible et solidaire y trouvera certainement son coup de cœur.

Vient de paraître: Turquie, terre de diaspora et d'exil

Histoire des migrations politiques de Turquie

Prix de la Fondation Info-Türk




S’il est une douleur qui unit les Turcs, les Kurdes, les Arméniens, les Arabes, les Juifs, les Assyro-Chaldéens, les Musulmans sunnites, les Alevis et les Yézidis de Turquie, c’est l’exil.

Ce livre retrace l’histoire des mouvements migratoires en partance et à destination de l’Anatolie. Il analyse en particulier l’exil politique provoqué par les juntes militaires turques de 1971 et 1980. Il décortique le contexte de la “guerre froide” qui amena les généraux turcs à éradiquer les divers courants de gauche, principaux sujets à l’exil. Il décrit ensuite la vie associative des communautés diasporiques et transnationales engendrées par la répression militaire ainsi que le point de vue et l’attitude des mouvements de résistance antifascistes à l’égard de l’exil.

Enfin, l’auteur présente une catégorie particulière d’exilés à laquelle il adhère lui-même : celle des “demi-exilés”, ces enfants d’immigrés de la deuxième ou de la troisième génération, dotés de la double nationalité, mais recherchés dans le pays d’origine de leurs parents à cause de leur “activité dissidente”.

Ce livre démontre avec pertinence le caractère inéluctable des diverses formes d’émigration à partir de la Turquie en l’absence d’une démocratisation sincère et radicale de ce pays.

Né en 1974 à Bruxelles, Bahar Kimyongür est licencié en archéologie et en histoire de l’art. Il milite pour la défense des minorités et l’émancipation sociale en Turquie, un engagement qui lui vaut d’être poursuivi et harcelé sous l’accusation abusive d’activité terroriste par le Parquet fédéral belge ainsi que par le régime d’Ankara.


Pour commander le livre: commandes@couleurlivres.be


ISBN 978-2-87003-509-2 / novembre 2008
136 pages / format 15*22 cm / 15 euros