jeudi 20 novembre 2008

Torture partout, justice nulle part

Photo: Une "Mère Courage" brandissant sa carte d'identité aux policiers qui tentent de disperser une manifestation pacifique organisée par l'association d'entraide avec les familles de prisonniers politiques (TAYAD) à Ankara.


Ci-dessous, un communiqué du Comité international de soutien aux familles des prisonniers politiques (Tayad Komite) qui rend compte de l'état de la santé de la "démocratie turque".

Bruxelles, le 18 octobre 2008

Des cercueils continuent de quitter les prisons de Turquie

Engin Ceber, 29 ans, mort sous la torture
Le 28 septembre dernier, Engin Ceber est arrêté avec 3 autres personnes à Istanbul, alors qu’ils distribuaient la revue « Yürüyüs » (un hebdo de gauche) et manifestaient contre l’impunité dont bénéficiaient des policiers qui un an plus tôt, avaient abattu, Ferhat Gerçek, un autre distributeur de la revue Yürüyüs âgé de 18 ans et désormais paralysé à vie. En garde à vue, Engin Ceber, est sauvagement torturé au commissariat, puis à la prison de Metris où il sera incarcéré.
Le 10 octobre, il succombe à ses blessures. Sa mort démontre que la torture demeure une pratique systématique couverte à tous les échelons de l’Etat. En effet, le médecin qui ausculta Engin au plus fort de ses séances de torture a rédigé un rapport qui concluait que Engin Ceber était en bonne santé... Par ailleurs, le dossier d'instruction concernant la mort d’Engin Ceber est actuellement frappé du secret, ce qui peut entraîner toutes sortes de manipulations de la part du juge d’instruction. Dans l’affaire Ferhat Gerçek par exemple, les enquêteurs ont fait disparaître la principale pièce à conviction, à savoir le T-shirt du jeune militant transpercé par la balle du revolver du policier...
Enfin, le ministre turc de la justice a eu beau s’excuser auprès de la famille d’Engin, la seule mesure qu’il a prise a été le limogeage de quelques matons. Or, en Turquie, les tortionnaires limogés ne sont quasi jamais poursuivis et pire, ils sont promus à des postes plus élevés.

6.000 tortionnaires identifiés, 0 tortionnaire en prison !
Il y a 8 ans, 21 prisons étaient prises d’assaut par l’armée. Le but de cette vaste opération militaire appelée cyniquement «retour à la vie» était de déporter les détenus politiques vers de nouvelles prisons, dites de « type F » au régime carcéral encore plus dur, basé sur un isolement total. Du 19 au 22 décembre 2000, au total 28 détenus seront abattus par les militaires à coups de fusils automatiques, de lance-flammes, de matraques et de gaz toxiques.
Rien qu’à la prison de Canakkale, trois détenus seront massacrés par les militaires. Pourtant, le 16 septembre dernier, la justice turque a acquitté les 563 militaires assassins inculpés dans l’assaut de la prison de Canakkale.
Cette impunité n’est pas un cas isolé : la Fondation turque des droits de l’homme (TIHV) vient d’annoncer qu’en 2006 et 2007, sur les plus de 6.000 policiers et militaires turcs faisant l’objet d’une plainte pour tortures, seuls 223 ont été jugés dont 79 ont été officiellement « condamnés ». Pourtant, aucun de ses 79 agents de l’Etat n’a été incarcéré ! En revanche, rien qu’en 2006, 10.207 personnes ont été condamnées pour «rébellion» contre la police. Ce bilan suffit largement à démontrer le caractère policier de l’Etat turc. Qui plus est, le gouvernement AKP vient d’annoncer qu’il comptait augmenter les compétences de la police (loi 2559). La révision de cette loi en 2007 avait provoqué une augmentation sensible des exécutions extrajudiciaires…

Le ministre turc de la justice trahit sa propre parole !
Le 20 octobre 2000, les prisonniers politiques de Turquie entraient en grève de la faim contre le projet des prisons de type F.
Le 22 janvier 2007, au bout de plus de six années de grève de la faim qui coûteront la à 122 détenus, amis et proches, le ministère turc de la justice publie la circulaire n°45/1 qui autorise les prisonniers à se rencontrer sans condition préalable, par groupe de 10, pendant 10h par semaine. Ce droit de rencontre et de conversation est d’une importance vitale pour des prisonniers soumis à un univers cruel, de solitude et de non-droit. Pourtant, près de deux ans après sa parution, non seulement, cette circulaire n’est toujours pas appliquée mais en plus les mesures disciplinaires arbitraires et les passages à tabac ont sensiblement augmenté depuis. La mort d’Engin Ceber témoigne de ce regain de violence à l’égard des détenus politiques.
La situation dans les prisons de type F est devenue tellement intenable que les prisonniers parlent de reprendre la grève de la faim qu’ils avaient suspendue le 22 janvier 2007. Cette déclaration des détenus nous inquiète au plus haut point car la reprise de leur jeûne risquera d’entraîner de nouveaux décès. Nous ne voulons plus voir ce défilé macabre de cercueils quittant les prisons. C’est pourquoi, en tant qu’amis et parents des détenus politiques de Turquie, nous demandons au ministre turc de la justice de respecter sa parole.

Stop à la torture et à l’impunité !
Respect de la circulaire 45/1 qui prévoit le droit de conversation entre détenus.


Tayad Komite (Comité de soutien aux familles des prisonniers politiques de Turquie)
Pour tout contact: tayadkomite@hotmail.com

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