mardi 26 août 2008

La gauche de Turquie perd un doyen

Dursun Karataş, secrétaire général du Parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP) et figure éminente de la lutte antifasciste et anti-impérialiste en Turquie, s’est éteint le 11 août dernier aux Pays-Bas, des suites d’un cancer.

Il n’avait que 55 ans et pourtant, avec les 38 années de sa vie passées dans les premières lignes de la lutte, il était l’un des doyens de la gauche turque. Dans un pays où, en raison de la terreur d’État, « les morts restent jeunes » comme dirait Anna Seghers, où la génération militante des années 70, est massivement rentrée dans les rangs du système, Dursun Karataş était une exception, un homme à la volonté d’acier dont on retiendra les discours enflammés dans les tribunaux de la junte fasciste du 12 septembre 1980.

Sur 38 années de militance, il en a passées 10 sous les feux du terrorisme d’extrême droite qui ensanglantait les rues durant les années 1970. D’origine kurde, le jeune Karataş dirige la lutte des lycéens et puis des étudiants universitaires tout en organisant la résistance des habitants des quartiers populaires pour le logement et des milices d’autodéfense contre la terreur des Loups Gris. En 1978, il fonde Devrimci Sol (Gauche révolutionnaire), un mouvement communiste de guérilla urbaine. Quelques semaines après le coup d’État de 1980, il est arrêté, torturé puis incarcéré à la prison militaire de Selimiye. En captivité, Karataş lance un mouvement de désobéissance à outrance pour contrer le programme de réhabilitation des prisonniers résistants élaboré par la CIA et destiné à pacifier les forces de gauche. Il participe à plusieurs longues grèves de la faim, dont celle de 1984, contre le port de l’uniforme. En 1989, il s’évade de la prison de Bayrampaşa. La police lance un ordre de l’abattre sur-le-champ. En avril 1992, son épouse, Sabahat Karataş, membre du comité central de Devrimci Sol, ainsi que plusieurs dirigeants du mouvement, sont abattus dans une embuscade de la police à Istanbul. Il vivra de 1989 à sa mort, soit pendant 19 ans, dans des strictes conditions de clandestinité sous la menace permanente d'être abattu par des malfrats à la solde de l'État turc.

Confronté à une crise interne déclenchée par les nombreuses pertes humaines des suites d'opérations policières, le mouvement Devrimci Sol qu’il dirige renaît de ses cendres en 1994 sous le nom de Parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP). Il s’agit d’un parti clandestin doté d'un front regroupant plusieurs secteurs de lutte (culturel, syndical, étudiant, associatif, carcéral, droit des minorités, militaire...), le DHKC. Il en est nommé secrétaire-général. Mais à partir de 1998, il est confronté à un cancer du foie, qui s’étend aux intestins, aux poumons et finalement au cerveau ce qui ne l’empêche pas de continuer à diriger son parti jusque 6 jours avant sa mort.

Décédé le 11 août, sa dépouille a été rapatriée en Turquie le 13 et inhumée le 15 dans le quartier stambouliote de Gazi. Ce jour-là, près de 15.000 manifestants se sont réunis pour lui rendre un dernier hommage. De nombreux représentants de partis progressistes étaient présents aux funérailles parmi lesquels le parti communiste (TKP) et le parti pro-kurde (DTP).

BK

dimanche 3 août 2008

Vague d'arrestations en France contre la gauche turque

Jusqu'à maintenant, la France apparaissait plutôt comme une terre "DHKC-friendly". Bien sûr, ceci est à prendre avec des pincettes et n'est relatif qu'à ce qui se passe ailleurs en Europe. Mais, tout de même : fête de l'huma avec stand DHKC, et ce en dépit des multiples pressions de toutes parts, concerts et manifestations avec nom, drapeaux et slogans du mouvement bien en vue, etc... Depuis de nombreuses années, les sympathisants, nombreux en France, n'ennuyaient personne et personne ne les ennuyait.

Il semble que cet état de fait soit en train de changer à grands coups de politique sarkozyste. Harmonisation européenne ? Il y a sans doute de ça. Volonté d'adoucir les relations diplomatiques franco-turques suite au blocage sur la question de l'adhésion ? C'est probable. Quoiqu'il en soit, dans pareille situation, le choix d'instruire ou de poursuivre sur tel ou tel dossier n'est jamais politiquement neutre.

Ainsi donc, il y a deux mois, une série de perquisitions ont été menées au domicile de plusieurs membres de l'Association anatolienne de culture et de solidarité située à Paris. Cette association est issue de la gauche turque proche de la sphère Dev Sol. Plusieurs inculpations du chef d'appartenance à une organisation terroriste ont été lancées et certaines personnes sont toujours en détention provisoire, en attente de leur procès. L'intervention lourde de la police avait été rapportée par Halkın Sesi.

Nezif Eski, membre de l'association et désormais sous contrôle judiciaire, a écrit une lettre dans laquelle il relate en détail ce qu'il lui est arrivé en juin dernier. Il a fait aussi parvenir une courte biographie qui contraste avec l'étiquette de criminel que les autorités françaises tentent de lui coller aujourd'hui.
Il semblerait aussi que des questions aient été posées directement en rapport avec la procédure judiciaire ayant court en Belgique. De plus, l'intervention de la police française à l'encontre de cette association s'est déroulée à peine un jour avant le verdict de la cassation à Bruxelles qui a ouvert la voie à un quatrième procès contre des sympathisants du DHKC. Cette opération française et les inculpations qui en ont découlé induisent l'ouverture de deux nouveaux procès simultanément : l'un en Belgique et l'autre en France. Comme cela devient coutumier dans ce genre d'affaire, la seule chose que l'on reproche aux inculpés relèverait du « crime associatif » et de la pénalisation de « l'appartenance à ».

Affaires à suivre...

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