mardi 10 juin 2008

Le Parquet fédéral poursuit sa chasse aux sorcières

L'issue du dit « procès du DHKP/C » a été un échec complet du point de vue du Parquet fédéral, fer de lance de la lutte antiterroriste en Belgique. Celui-ci a toutefois porté un recours en cassation. Virtuellement, si la Cour de cassation devait lui donner raison, ce serait la quatrième fois - oui, la quatrième fois ! - qu'on pourrait rejuger les mêmes "faits". La décision logique après la première audience qui doit se tenir aujourd'hui est l'invalidation définitive de cette requête dans les prochains jours. Du moins, c'est ce que chacun est en droit d'espérer.

Malgré cela, emporté dans une frénésie jusqu'au-boutiste, aveuglé par ses propres erreurs grossières, le Parquet fédéral alias le procureur Johan Delmulle continue à s'en prendre aux cercles communistes. Dernièrement, ce sont quatre militants du Secours Rouge qui ont été mis sous écrous. Le même Secours Rouge avec qui nous manifestions ce Premier Mai (voir post précédent). Le même Secours Rouge qui a apporté tant de fois sa solidarité aux ex-prisonniers du « procès du DHKP-C » désormais acquittés pour les charges de terrorisme. Aujourd'hui, ce sont eux les "terroristes". Doit-on s'en étonner ?

Caricature de Kroll dans Le Soir du 07 juin

Pourtant, loin d'être un sympathisant communiste, comme la simple lecture de ses articles suffit à s'en convaincre, le journaliste Marc Metdepenningen se fait de plus en plus ouvertement critique vis-à-vis de cette croisade paranoïaque dont nous sommes tous les spectateurs.

La ligne d'inculpation épouse désormais une voie des plus classiques : pas de faits, pas de preuves irréfutables, seulement des suppositions, la criminalisation d'une intention, le "principe de contamination" qui fait qu'une personne inculpée et/ou condamnée contamine toute autre personne qui lui témoigne de la solidarité, l'exposant à son tour à des sanctions.
En fait, la stratégie du parquet fédéral est archi-connue. Elle repose sur la peur et la théorie des jeux.

En 1964, une jeune femme, Kitty Genovese a été assassinée par un tueur fou à New York devant plus de 30 personnes. Ceci renvoie aussi au drame qui vient de se dérouler dernièrement à Tokyo. Dans les deux cas, trois ou quatre personnes (au minimum) de bonne condition physique auraient pu maîtriser le forcené ; certains auraient pu même appeler de l'aide pour faire cesser le massacre. Au lieu de cela, les gens sont demeurés spectateurs et ont laissé faire, ce qui a provoqué l'incompréhension et le scandale.

Plusieurs théories contemporaines ont été utilisées afin d'expliquer la non-réaction des gens. Parmi elles : la diffusion de responsabilité (science sociale), l'ignorance pluraliste (psychologie sociale) et la théorie des jeux. Cette dernière affirme que les premiers qui agissent sont aussi les premiers qui s'exposent au coût de la sanction. Alors qu'il est profitable à tout le monde d'agir pour faire cesser une situation injuste qui est aussi préjudiciable à tous et que le coût peut être limité si beaucoup se mobilisent, bien au contraire, la théorie des jeux démontre que personne n'agit et que le coût tend à être maximal pour tout le monde. Ceci tient essentiellement au fait que l'incitant de ne pas agir et de voir cesser la situation est plus intéressant que celui d'agir pour le même résultat, ce qui aboutit au pire des scenari.

Les militants du Secours Rouge illustrent parfaitement cette théorie. Ils payent le prix fort pour la solidarité qu'ils apportent aux autres militants. En même temps, le message qui est véhiculé est très clair : "si vous affichez la même proximité, vous vous exposez aux mêmes sanctions". Cela revient à interdire une opinion et son expression. La peur et la dissuasion.

Cette stratégie n'est efficace que si les différents acteurs cèdent à la peur et ne veulent pas assumer le risque d'un coût en le relèguant à d'autres. De quoi se remémorer la citation attribuée au pasteur Martin Niemöller détenu au camp de concentration de Sachsenhausen :

Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes
Je me suis tu, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes
Je me suis tu, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les sociaux-démocrates
Je me suis tu, je n'étais pas social-démocrate.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs
Je me suis tu, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

À considérer qu'il n'y eût jamais de cassation et d'appel dans l'affaire du « procès du DHKP-C », aujourd'hui nous aurions quatre innocents toujours en prison auquels se seraient ajoutés les quatre militants du Secours Rouge encore plus facilement inculpés. Et demain ?
D'abord les communistes Turcs, ensuite les ex-CCC, plus tard les communistes ou anarchistes lambdas, les syndicalistes qui contestent trop fort, les militants qui dénoncent trop haut.

Oui, Wahoub Fayoumi, Constant Hormans, Abdallah Ibrahim Abdallah et Bertrand Sassoye sont nos camarades. Non, nous n'avons pas peur de leur apporter notre solidarité.

En revanche, Johan Delmulle, c'est une tentative d'extradition vers les prisons turques d'isolement sur un citoyen belge, c'est l'organisation d'un tribunal d'exception à Bruges digne des sections spéciales créées sous Vichy, c'est l'utilisation de moyens financiers et techniques considérables de l'État pour remplir les prisons surpeuplées de... militants. N'est-il pas temps pour les autorités gouvernementales de couper quelques têtes et de faire le ménage au sein de la magistrature ?
Sans toutefois être naïf au point de croire que cela puisse résoudre le problème structurel de la paranoïa antiterroriste.

1/2KL

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