lundi 31 mars 2008

Torture sur YouTube : les suites

Comme cela ne manque jamais dès lors que des images choquantes sont montrées au grand jour concernant la cruauté de l'armée et de la police turque envers les civils, on a très vite pu lire certaines dénonciations au "fake", au montage ou à la supercherie. Souvent, une réaction issue des milieux nationalistes pour qui la remise en cause de la sacralité qui tourne autour des forces de l'ordre impliquerait un trop gros effort sur soi.

Or, vu que cette affaire a fait un petit peu de bruit en Turquie et qu'il est relativement facile d'identifier les auteurs de ce supplice - ce qui est excessivement rare soit dit en passant - certains médias turcs ont relayé l'info [CNN Türk]. Très modestement toutefois. Il y est dit que cette affaire a été portée à l'ordre du jour par Akın Birdal, député DTP (pro-kurde) de Diyarbakir. Une délégation de la Commission d'Enquête des Droits de l'Homme de la Grande Assemblée Nationale de Turquie a même été dépêchée dans les environs de Hakkari par le parti au pouvoir, l'AKP.


Cette démarche de l'AKP, d'habitude complètement indifférent à la répression et à la violation systématique des droits fondamentaux au Kurdistan, ne doit pas surprendre. Comme le note Le Monde, les élections municipales/communales ont lieu dans un an et il semble que le parti ait déjà amorcé sa pré-campagne. Il est de notoriété publique que l'ambition principale de l'AKP est de s'emparer de la mairie/du mayorat de Diyarbakir (détenu par Osman Baydemir - DTP). De plus, l'AKP qui est lui-même menacé d'interdiction comme son premier rival dans la région par l'establishment * n'est pas vraiment en mesure de faire l'économie du soutien électoral qu'il reçoit au Kurdistan. Un soutien assez relatif et sans doute un peu plus fragilisé après le Newroz.

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* L'establishment est une formule qui désigne la seconde tête pensante non-officielle de Turquie à côté du gouvernement : les milieux militaires et nationalistes-laïques.

vendredi 28 mars 2008

Violence et boycott médiatique

Alors que les journalistes jouent des coudes en ce moment pour pouvoir se faire embarquer dans des bus en direction du Tibet, quitte à se placer sous le patronage des autorités chinoises pour une petite visite guidée, la situation au Kurdistan continue à désintéresser nos médias au plus au point. Il faut croire que parler de torture et de politique de terreur menées au Kurdistan est infiniment moins vendeur que le Dalaï Lama et le Tibet.

En attendant, des images, des photos et des témoignages d'atrocités continuent à être diffusés sur Internet, et bien sûr sur le site YouTube. Dans l'une des vidéos, notamment mise en accès sur le site d'Info-Türk, on voit des policiers en civil tenir un adolescent. Soudain, l'un d'entre eux tord le bras du malheureux jusqu'à le briser. Visiblement, le groupe de policiers préparait sa macabre mise en scène car certains semblent faire attention à ce qu'il n'y ait aucun témoin pendant que le commentateur filme. L'adolescent en question paraît solidement bâillonné, sans doute pour l'empêcher de crier.




Le commentaire de la video précise que la scène se passe à Hakkari, soit l'une des zones kurdes les plus bouclées qui soit, et que l'adolescent est âgé de 15 ans. La video a été ajoutée il y a deux jours et on peut raisonnablement penser qu'elle a été réalisée durant les heurts qui ont suivi le Newroz.

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mardi 25 mars 2008

Les suites de la répression

Très peu d'informations filtrent à travers la presse occidentale traditionnelle à propos de la répression actuelle au Kurdistan. Malgré tout, les images diffusées sur Euronews apportent une petite bulle d'air frais dans la prise en considération des évènements par les médias (journal du 24 mars). Investissements brutaux d'habitats, rafles, humiliations, tabassages gratuits... rien ne semble en effet avoir été épargné dans ces nouvelles violences policières qu'endurent les Kurdes.


La seule motivation à ces brutalités et, il faut bien le reconnaître, au terrorisme d'État dans la région, serait que l'interdiction des festivités dans certaines localités n'a pas été respectée à la lettre. C'est en tous cas ce que rapportent invariablement les quotidiens turcs. Les autorités semblent vouloir contraindre les Kurdes à un choix entre le respect de la règle comme signe d'allégeance à l'État ou bien la célébration traditionnelle de leur fête, l'ivresse de la liberté l'espace d'un jour,... et le coût répressif qui en découle. En outre, le Newroz étant la fête la plus importante du calendrier kurde, qui plus est la célébration de la victoire contre la tyranie, il est mis un point d'honneur à ne pas respecter la multitude d'interdictions qui pèsent généralement contre les habitants du Kurdistan. Ce genre de dilemmes arbitraires auxquels ils sont confrontés régulièrement est assez pernicieux. Étranges aussi que "ces tirs de sommation" qui tuent "accidentellement" une personne et qui en blessent 12 autres [Radikal].

S'il devait y avoir au moins un seul mérite à ces évènements, ce serait de dissiper ces illusions de progrès démocratiques - particulièrement au Kurdistan - dont il est souvent question dans le cadre du processus d'adhésion à l'UE. Encore faut-il porter son regard sur l'actualité...

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samedi 22 mars 2008

Les lendemains terribles du Newroz

D'après les images diffusées hier de partout par RojTV, le Newroz 2008 semble avoir connu un succès historique. Des visages à perte de vue dans les rues, des centaines de milliers de personnes dans toutes les villes du Kurdistan, et bien sûr là où l'immigration kurde est la plus importante.
Exceptionnellement, tous les élus DTP ont tenu des discours entièrement en kurmancî et se sont parés des vêtements traditionnels kurdes. Ils ont commenté à plusieurs reprises l'évènement par radio-conférence sur la chaîne en s'exposant ainsi à une floppée de nouvelles poursuites dont on devrait découvrir les formulations d'ici peu. Pour ce jour très spécial, ils ont donné en tous cas une belle leçon de désobéissance civile dont nous avions perdu l'habitude ces derniers temps. Finis les compromis stériles et les serrages de main fumeux avec les élus fascisants du MHP, l'heure était à l'affirmation pleine et entière de l'identité kurde.

Cependant, la fête a été formellement interdite à Van et à Hakkari, la ville qui ressent le plus lourdement les effets de la présence militaire turque. Le maire/bourgmestre de la ville affirmait hier sur RojTV "nous verrons bien si demain la fête sera interdite". Entre-temps, la situation a vite dégénéré dans la violence. Elle semble avoir été encore pire dans la ville de Van où la presse rapporte des images de quasi affrontements urbains. De sinistre tradition, le Newroz a toujours été accompagné de son lot de répression et de violences policières. Cette année n'aura pas fait exception.

Scène de carnage à Van après les charges de la
police turque (photo publiée sur le site de Hürriyet)

Hürriyet a diffusé sans trop de complexe cette video (ci-dessous sans le son) où l'on voit la police turque charger les personnes prenant part au Newroz de Van, femmes comprises. Le journal indique laconiquement que "la police est intervenue contre la démonstration non-autorisée que l'antenne provinciale du DTP a organisée en usant de l'excuse de la fête du Newroz" (sic).




Toutefois, l'impression générale qui ressort de la fête confirme que cette volonté de construire partout en Anatolie des "citoyens Turcs" solidaires de l'État relève de la plus pure vue de l'esprit à des centaines d'années lumière de la réalité. Il paraît plutôt évident qu'au Kurdistan, l'utopie assimilatrice turque est vouée tôt ou tard à l'échec.

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vendredi 21 mars 2008

Newroz Pîroz Be !

Pas beaucoup le temps en ce moment de rendre compte de l'actualité "antiterroriste" pourtant intéressante mais néanmoins ce message pour vous souhaiter une joyeuse fête du Newroz à tous.

Le 21 mars est bien sûr la fête du printemps et, dans de nombreuses cultures, cette période correspond aussi au début de l'année. Dans le calendrier romain, par exemple, le début de l'année coïncidait avec la fin des quartiers d'hiver des légions et marquait le début des hostilités. Le premier mois était par conséquent consacré au dieu de la guerre...
Mais c'est aussi la victoire du héros kurde Kawa qui réussit à mener une rébellion de jeunes gens réfugiés dans la montagne pour en terminer avec un tyran hideux et mythologique du nom de Zohak.

Dans ce mythe des origines, mais qui possède aussi un caractère prophétique, toute l'identité kurde s'y trouve littéralement résumée : constitution de résistance dans la montagne, lutte contre la tyranie, aspiration à la liberté. Impossible pour quiconque le connaît de ne pas faire le parallèle avec la politique d'occupation menée au Kurdistan par la Turquie.

De ce fait, aujourd'hui, le Newroz dépasse largement la simple célébration du printemps et de l'année nouvelle. C'est un véritable cri de résistance des Kurdes contre la politique d'assimilation et l'ethnocide programmé de leur culture. Ce qui donne malheureusement lieu chaque année à des violences policières et à des échauffourées.


Newroz Pîroz Be !




Kardeş Türküler - Newroz
Album : Bahar

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