lundi 31 décembre 2007

Symposium contre l'Isolement à l'ULB

Enfin un peu de temps pour rendre compte du dernier Symposium International contre l'Isolement qui s'est déroulé le week-end du 14 au 16 décembre dernier sur l'Université libre de Bruxelles. L'activité à la sortie du Symposium dont j'aurais sans doute l'occasion de reparler ainsi que les fêtes n'ont pas rendu cette tâche très aisée jusqu'ici.

Les premières conférences auront été consacrées à la presse dissidente, à la liberté d'expression ainsi qu'à la diabolisation des États sur la scène internationale : traitements médiatiques différenciés selon les pays, embargos internationaux et boycotts diplomatiques pour les États qui n'acceptent pas les lois de l'Empire.
Chose troublante durant ce premier jour, à des heures chevauchant notre horaire, le cercle "Turquoise" de l'ULB organisait une activité "sur la culture turque" comme relayé sur le très nationaliste site BelTürk. À leur programme : personnels diplomatiques ad hoc invités et venus faire la promotion d'un pays de cocagne où les gens sont heureux de faire bombance de mezes et de lokums.
Que du prévisible en somme mais surtout le contraste le plus parfait avec le discours plus terrien, quelques heures plus tôt, de Doğan Özgüden (Info-Türk), le plus célèbre opposant turc en Belgique, venu parler quant à lui du coup d'État et de ses conséquences encore aujourd'hui sur la liberté d'expression dans le même pays... Pour tout dire, nombreux sont ceux qui ne croient pas vraiment à un pur hasard de calendrier. Intéressants aussi, les dessins nationalistes (loups, trois croissants, MHP-philie...) laissés de bon coeur sur quelques affiches ce jour-là...

Le second jour aura été orienté sur les méthodes spéciales d'emprisonnement, la mise en quarantaine qui touchent les opposants politiques et les militants aussi bien en Europe, qu'en Turquie ou en Palestine. Ces méthodes y sont d'ailleurs sensiblement apparentées : les États ont font des parias, des intouchables dans le secret espoir que leurs idées le soient tout autant. Notable la présence de Behiç Aşçı, l'avocat turc qui a mené une grève de la faim de 10 mois (!) afin d'obtenir un assouplissement des mesures de détention des prisonniers politiques, changement toujours pas appliqué à ce jour malgré la circulaire relâchée par le ministère turc de la Justice qui le prévoit pourtant noir sur blanc. Benoît Van der Meerschen de la Ligue des Droits de l'Homme et Delphine Paci de l'Observatoire International des Prisons - section Belgique ont également apporté leurs contributions et leurs éclairages sur la question.

Une partie de l'après-midi et la soirée furent réservées pour les prestations du groupe Crystal, celle du duo Nuray & Taner et bien sûr pour GrupYorum venu tout spécialement pour l'occasion. Bonne ambiance au sein de l'auditoire Janson, le plus grand de l'université. Désolé, pas de photos de Yorum, fotoğrafları değil halayı çekmek lazım oldu... comprendra qui pourra... ;-)


Enfin, dimanche, la matinée aura été vouée aux juristes avec les interventions de l'avocat Mario Joseph qui a rendu compte de la situation en Haïti, un avocat qui continue d'ailleurs à subir des menaces de morts pour le combat qu'il mène contre la junte ; Jan Fermon, l'un des avocats du « procès du DHKC » que le Clea suit évidemment de près ; Flavio Rossi Albertini, l'avocat d'Avni Er qui risque en ce moment l'extradition vers la Turquie à partir de l'Italie pour des raisons éminemment politiques ; l'avocat Selçuk Kozaağaçlı qui est revenu sur la situation en Turquie ; l'avocate Sahar Madhi de la ville d'Erbil au Kurdistan irakien ainsi que celle de l'avocat Eberhard Schultz.

L'antiterreur, - lire, la tendance liberticide qui s'est accrue ces dernières années dans les pays réputés "démocratiques" par le biais d'un arsenal légal spécial - ne préoccupe pas que le Clea et ne concerne pas que la Belgique, loin s'en faut. Le phénomène est global, on ne le dira jamais assez. Ainsi, dans d'autres pays, d'autres associations ont, elles aussi, commencé à dénoncer sensiblement la même chose. Le droit de ne pas épouser l'opinion selon laquelle l'État colombien, Israël, les États-unis ou la Turquie (et d'autres) seraient "par défaut" des démocraties en état de légitime défense et selon laquelle les organisations militantes qui résistent à l'oppression militaire déployée par les premiers seraient résumables à des "terroristes" qui commettent "des attentats" quand ils prennent des cibles militaires, ce droit donc de ne pas penser comme cela n'est pas acquis ; le faire c'est même s'exposer à des sanctions pénales. Après le discours introductif de Jean Bricmont, furent donc bienvenus en cette première partie d'après-midi les témoignages de l'OPROR (Danemark), du CAMPACC, de Cageprisoners (Grande-Bretagne) et du Tayad Committee (Allemagne) qui à l'instar du Clea se battent contre ces fausses évidences.

La dernière conférence qui portait sur la lutte syndicale et sa criminalisation fut particulièrement touchante lors de l'exposé plein d'humour de Silvio Mara, ancien délégué des Forges de Clabecq. Là aussi, les pouvoirs publics n'ont pas hésité à monter un dossier à charge particulièrement sévère contre ceux qui ont su soulever ce qui fut probablement l'une des dernières grandes contestations syndicales de Belgique dans les années 90. Soit le même couplage entre revendications sociales et criminalisation auquel nous assistons aujourd'hui dans les luttes militantes en général. Un syndicaliste grec nous a fait aussi l'honneur d'apporter son témoignage ainsi que des amis italiens de l'Associazione di Solidarietà Proletaria. Le tout superbement orchestré par notre ami Thierry Delforge qui vient de connaître une fin heureuse dans ses récents demêlés judiciaires... pour "militance excessive".

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vendredi 7 décembre 2007

Le Clea coorganise la 6ème édition du Forum International contre l'Isolement

Le Clea coorganisera le prochain Forum International contre l'Isolement qui se déroulera à Bruxelles du 14 au 17 décembre prochains. L'autre organisateur est l'IPAI - International Platform Against Isolation - qui coordonne l'évènement depuis maintenant 6 ans. Le Bureau des Étudiants Administrateurs de l'Université Libre de Bruxelles le soutient aussi.

5ème Symposium International contre l'Isolement
Athènes, décembre 2006

L'isolement est avant tout une tactique politique qui consiste à diaboliser des individus, des organisations politiques ou même des États pour les décrédibiliser a priori comme interlocuteurs sur la scène publique. On peut le voir comme l'économie des luttes démocratiques et politiques et aussi comme une dérive franchement autoritaire.

Le but d'un tel symposium est de dénoncer l'isolement et les atteintes aux droits démocratiques qui s'accélèrent ces dernières années notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. Si la notion d'isolement est moins claire mais néanmoins présente dans le cadre de la semi-anarchie qui régit la scène des relations internationales, celui qui est pratiqué contre des organisations politiques ou des individus à l'intérieur des États eux-mêmes prend toute sa dimension à travers le refoulement dans la clandestinité d'une idée politique ou via les mesures d'incarcérations spéciales contre ceux qui sympathisent avec celle-ci.

Pour une organisation, cette tactique consiste donc à la rejeter vers la clandestinité et à la priver de sa légitimité démocratique. Ensuite, par rapport à des individus, l'isolement est un mode de détention particulier qui les différencie complètement des autres détenus de droit commun.

On observe que l'incarcération des personnes condamnées pour des raisons éminemment politiques, que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, se fait dans des conditions exactement similaires. En Turquie, par exemple, un prisonnier subit une qualification spéciale en fonction de sa condamnation, ce qui peut le conduire dans les prisons de "type-F" qui sont des établissements spécialement conçus pour l'isolement (privation sensorielle, interdiction des contacts, restrictions fortes des activités hors cellule, destruction psychologique, etc...). Inutile de préciser que certains articles du code pénal turc ont été tout spécialement élaborés à des fins politiques et que ce sont essentiellement ceux-là qui conduisent en "type-F".

Condamnés en première instance et en appel en Belgique, les prisonniers du « procès du DHKC » ont aussi subi des conditions d'isolement éprouvantes : lampes constamment allumées, interdiction des activités communes avec les autres détenus, réveil régulier pendant la nuit, humiliations et transports hors cellules déshumanisants,... Une torture blanche qui sied mieux aux États réputés démocrates.

Mais le lieu le plus connu où se pratique actuellement cet isolement qui échappe à toutes les règles élémentaires attenantes aux Droits de l'Homme demeure sans aucun doute le camp d'internement états-unien de Guantánamo.

Pour en parler, de multiples invités de tous horizons.

Pêle-mêle, viendront ; Maître Behiç Aşçı qui a mené une grève de la faim de 10 mois (prolongée par la prise de glucose) afin de demander l'assouplissement de la détention des prisonniers politiques en Turquie ; Doğan Özgüden, journaliste de la fondation Info-Türk et célèbre opposant en exil ; Maître Mario Joseph, un avocat impliqué dans la lutte des Droits de l'Homme en Haïti ; As’ad Ali Hassan Hussein et Hisham Bustani respectivement journaliste et écrivain de Jordanie qui soutiennent la résistance palestinienne ; Maître Flavio Rossi Albertini, l'avocat d'Avni Er, prisonnier politique en Italie et menacé d'extradition vers la Turquie ; Salah Nazzal, le ministre palestinien aux affaires des prisonniers ; Benoît Van der Meerschen, président de la Ligue des Droits de l'Homme en Belgique ; des représentants de plusieurs associations syndicales et de lutte pour les droits humains ainsi que des juristes de plusieurs pays, des intellectuels et professeurs engagés comme Jean Bricmont et encore bien d'autres... Très certainement, il y aura aussi le témoignage d'un ancien prisonnier de Guantánamo.

Ce lien permet de consulter le programme et ici on trouvera aisément la localisation de l'évènement.

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jeudi 6 décembre 2007

Routine de l'État policier en Turquie...

Sarıgazi est un quartier stambouliote situé aux abords de l’arrondissement d’Ümraniye. Il est l’un de ces nombreux faubourgs dissidents où la gauche radicale est traditionnellement fort implantée.

Sarıgazi est aussi la chasse gardée de la gendarmerie (sorte de police militaire appelée « jandarma » en turc) qui se livre quotidiennement à des actes d’intimidation, des arrestations et des tortures. La terreur militaire et policière s’est à ce point multipliée dans l’ensemble du pays, ces derniers mois, grâce notamment à l’extension de la « loi sur les fonctions et la compétence de police » que le ministre de l’intérieur Beşir Atalay a dû se raviser en adoptant une circulaire qui appelle la police à agir avec une marge « d’erreur zéro ».

"Le terrorisme policier se poursuit
à Sarıgazi" (HalkınSesi.tv)

Cette recommandation n’a pas empêché la gendarmerie (qui dépend certes de l’armée et non de la police) de mener une énième rafle ce mercredi matin à 5h à Sarıgazi durant laquelle 36 personnes ont été arrêtées de manière brutale et injustifiée.

Parmi ces 36 personnes interpellées, seuls les noms des personnes suivantes ont été communiquées à la presse: Uğur Çelik, Kemal Avcı, Hüseyin Avcı, Mahir Boz, Deniz Külek, Sercan Sarıtaş et Cem Nacar. La plupart d’entre elles sont des membres actifs de la section locale de la Fédération pour les Droits et les Libertés Fondamentaux (Temel Haklar ve Özgürlükler Federasyonu). On compte aussi le fils du maire de Sarıgazi parmi les personnes interpellées.

Aux familles qui se sont rendues à la caserne de la gendarmerie pour exiger la libération de leurs proches, on a répondu sèchement que les personnes arrêtées formaient une liste de 85 personnes recherchées et que les perquisitions allaient se poursuivre.

Sitôt dit sitôt fait : à 16h, les gendarmes ont investi le local de la Fédération pour les Droits et les Libertés de Sarıgazi en espérant pouvoir y trouver le reste des 85 personnes recherchées.

D’autres quartiers d’İstanbul, notamment ceux du « 1er mai » (1 Mayıs) et de Karabayır ont été le théâtre de perquisitions similaires perpétrées cette fois par la police. Yetiş Kırman, sympathisant de la section anatolienne de la Fédération pour les Droits et les Libertés Fondamentaux et Emre İskender, membre de la locale située à İkitelli ont été arrêtés sans le moindre motif. La circulaire ministérielle semble avoir été suivie par les forces de sécurité à la lettre : la terreur d’État continue avec « erreur zéro ».

D'après HalkınSesi.tv

vendredi 30 novembre 2007

Des villageois turcs résistent contre une usine d’enrichissement du phosphate

Depuis quelques semaines, c’est l’inquiétude à Sahil Yenice, un petit village paisible situé à 12 km de la ville de Bandırma (ouest de la Turquie), dont les habitants vivent essentiellement de l’exploitation de la noix. En cause, l’ouverture prochaine d’une entreprise d’enrichissement du phosphate. Le maire du village, Yaşar Panç craint lui aussi les « conséquences désastreuses de l’acivité d’une telle usine sur les produits agricoles, la santé et l’écosystème de la région ».

Le 17 novembre dernier, un millier de villageois ont occupé le terrain où l’usine sera construite.
Ce rassemblement était appuyé par une figure de proue de la lutte paysanne en Turquie, Oktay Konyar. Konyar est le porte-parole des villageois de la région de Bergama qui luttent depuis près de 15 ans contre l’installation d’une entreprise minière d’extraction de l’or par cyanuration.
Le 24 novembre, plus de 600 villageois de Sahil Yenice sont descendus dans la ville de Bandırma pour y manifester. Les femmes présentes étaient vêtues de leur habits traditionnels tandis que les hommes, à l’instar de leurs camarades de Bergama, ont paradé le torse nu et ce, malgré le froid.


« Notre seule usine, c’est la noix », « Nous ne voulons pas d’usine de phosphate », « Les routes de Yenice sont fermées aux entreprises », « Ne te tais pas, si tu te tais, ton tour viendra » ou encore « Notre résistance vaincra » crièrent-ils dans les rues de la ville.


La manifestation s’est achevée par une conférence de presse dans les locaux du syndicat des travailleurs du pétrole « Petrol-İş ».
A leur tour, dès le lendemain, les forces progressistes de la région, dont la « plateforme pour la démocratie » et « l’association de la jeunesse » (Gençlik Derneği) de Bandırma, ont organisé un convoi de solidarité vers le village de Sahil Yenice.
Le convoi a été accueilli par les jeunes du village brandissant des bouquets d’œillets.
En présence des citadins venus par solidarité, 442 villageois ont participé à un referendum qui devait décider de la poursuite du combat contre l’ouverture de l’usine. Les électeurs ont voté à l’unanimité en faveur de la poursuite du mouvement.
Des danses populaires rythmées par les chansons du célèbre groupe musical révolutionnaire « Yorum » ont animé la place du village jusqu’en début de soirée.

Après le retour à Bandırma du convoi de solidarité, le maire MHP (Parti d’action nationaliste, d’inspiration fasciste) de la ville, Adnan Tuksal s’est rendu à son tour au village pour tenter d’intimider les villageois en les accusant d’avoir accueilli des individus subversifs agissant contre l’Etat. A peine eut-il fini sa diatribe que les habitants de Sahil Yenice lui ont indiqué la porte du village...

Bahar Kimyongür - 26 novembre 2007

[Sources : Milliyet, Halkın Sesi TV, Marmara TV, Agence Anatolie]

lundi 26 novembre 2007

Autres militants, autres cadres mais même logique criminalisante

À peine la dernière audience du «procès du DHKC» venait-elle de se terminer la veille que déjà deux autres procès s'ouvraient le lendemain et se poursuivaient. Des affaires où la militance et la revendication sociale en sont les principales accusées. C'est comme si nous étions témoins d'une espèce de déformation de l'espace-temps qui eût voulu concentrer la criminalisation des mouvements sociaux en un point précis de sa courbe, le tout dans une fourchette de moins de 24 heures.

L'une de ces affaires concerne notre ami Thierry Delforge, membre très actif au Clea. Rendez-vous a donc été donné à la 50ème chambre correctionnelle de Bruxelles mercredi passé afin de le soutenir. Les tenants et aboutissants de ce procès sont résumés quatre billets en amont.

La seconde qui n'est pas une mince histoire se déroule à Paris. Qu'il me soit donné la possibilité d'en retracer les grandes lignes à défaut d'avoir pu le faire jusqu'ici.

Tout commence en 2003, où un juge d'instruction français, Gilbert Thiel, lance une procédure à la demande des autorités italiennes contre trois communistes italiens installés à Paris : Angelo D’Arcangeli, Giuseppe Maj et Giuseppe Czeppel. Ils sont suspectés d'appartenir au (n)PCI [pour (nuovo) Partito Comunista Italiano] un parti considéré illégal sur le territoire italien et dès lors rejeté dans la clandestinité, un parti qui tire son origine des mouvements de gauche particulièrement réprimés durant les années noires en Italie du temps des Brigades Rouges (fin des années 70 et début 80). Jusque là, leurs activités militantes étaient tout ce qu'il y a de plus légal et ne dérangaient personne. Dans les faits, aucun acte criminel n'a jamais été commis et il n'y a eu pareille intention.

Malgré tout, l'italie a demandé l'extradition de ces militants en la motivant via la qualification de “terrorisme” c-à-d via les articles 270 et surtout 270 bis du code pénal italien qui n'est autre que l'équivalent de l'article 137 du code pénal belge, soit l'héritage partiel de la fameuse loi-cadre de l'Union européenne votée quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001.

Depuis plusieurs années déjà, les sympathisants du (n)PCI étaient l'objet de poursuites en Italie qui se sont toutes soldées jusqu'ici par des non-lieux. En outre, ces poursuites ont violé le principe du non bis in idem qui consacre le fait qu'un personne ne puisse être jugée plusieurs fois pour la même chose.

Matériellement, il n'y a donc rien contre eux sauf une chose : la possession de faux papiers. Les personnes concernées reconnaissent avoir été en détention de faux documents et s'expliquent par le fait qu'elles ne souhaitaient évidemment pas tomber entre les mains de la justice italienne pour leurs activités militantes préjugées illégales. Il faut dire que cette politique répressive avait connu un renouveau avec l'administration Berlusconi.

L'époque où la France offrait un asile aux militants de gauche semble bel et bien révolue. Que l'on pense à Oreste Scalzone de Potere Operaio et d'Autonomia Operaia qui a pu revenir en Italie récemment grâce à la prescription ou mieux à Cesare Battisti qui a du fuir la persécution politique en se rendant lui aussi dans le pays voisin. Du moins, pendant un temps, avant que le révisionnisme politique ne fasse des ravages et que les faucons italiens, sociaux démocrates de "gauche" compris, ne crient en choeur leur joie de mettre la main sur les néo-"terroristes". Cesare Battisti attend une éventuelle extradition depuis le Brésil où il a du trouver refuge après avoir été lâché par les autorités françaises.

Toujours est-il que dans le cas des sympathisants du (n)PCI de Paris, on demeure encore très loin de quelque chose qui ressemblerait à un crime au sens pénal du terme à tel point que le chef d'accusation retenu à du être redéfini en abandonnant la fameuse qualification de "terrorisme" dans les poursuites.

La justice française n'en démord pas pour autant et va se raccrocher au seul élément délictueux concret qu'elle a entre les mains : les faux papiers. Les peines octroyées ont été effroyablement lourdes, a fortiori pour des personnes qui possédaient un casier judiciaire vierge.

Pour résumer, Giuseppe Maj et Giuseppe Czeppel ont été condamnés à trois ans ferme et deux avec sursis (5 ans en tout) pour «association de malfaiteurs pour la fabrication et l’utilisation de faux papiers» et surtout l'interdiction de séjour sur le sol français les exposant à d'autres peines, factices bien évidemment, en cas d'expulsion. Le cas le plus surprenant est celui d'Angelo D'Arcangeli, condamné également (à un an ferme et un avec sursis, 2 ans en tout), mais en possession de papiers tout ce qu'il y a de plus officiels. Dès lors, personne n'a vraiment compris ce qui lui était exactement reproché. Cette condamnation sent trop la revanche de n'avoir pu mettre en exercice la qualification de terrorisme. Il est criant qu'elle est tout entière marquée d'une volonté répressive politique contre des militants.

Angelo D'Arcangeli

Un comité de soutien s'est créé autour de leur cas et la presse, en particulier le quotidien français Libération, et plusieurs personnalités médiatiques ont suivi attentivement le déroulement de ce procès. Tous trois se sont d'ailleurs pourvus en appel ; un appel dont les audiences se sont déroulées les 21 et 22 novembre derniers.

Dans les prochaines semaines, hasard du calendrier (enfin plus ou moins), un autre jugement sera rendu, en France cette fois, et constituera à n'en pas douter un indicateur supplémentaire sur la progression ou non des crimes d'opinion en Europe.

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La terreur n'est pas celle que l'on croit

La nuit du 22 novembre vers 2h00 du matin, le domicile familial de Gözde Buldu situé dans l’arrondissement stambouliote de Okmeydanı a été attaqué à l’explosif.

L’attentat n’a causé que des dégâts matériels.

Malgré la gravité des faits, les enquêteurs ne sont venus sur les lieux que deux heures après l’attentat et ont procédé à la collecte des preuves avec la plus totale désinvolture, en glissant celles-ci dans leurs poches et en se gardant bien d’attribuer un caractère politique à l’attentat.

La personne manifestement visée par l’attentat, Gözde Buldu, est une militante de gauche active dans l’association pour les droits fondamentaux (Temel Haklar) de son quartier. Cette association est une antenne locale du Front pour les Droits et les Libertés (HÖC), une organisation marxiste qui lutte depuis de nombreuses années par des moyens légaux, sur le terrain politique, social, culturel et syndical.


Dans un communiqué du Front pour les droits et les libertés lu le lendemain en public sur la place Dikilitaş à Istanbul où se sont regroupés une quarantaine de militants, le nouveau directeur de la Sûreté de l’arrondissement de Beyoğlu a été tenu pour responsable de cet attentat. Ce dernier aurait récemment juré de « nettoyer Okmeydanı » de ses militants.

Ces derniers mois, profitant de l’hystérie ultranationaliste qui gagne le pays, les forces de police et les milices d’extrême droite (Loups Gris en tête) ont multiplié leurs attentats terroristes contre les organisations démocratiques, pro-kurdes ou de gauche.

D'après HalkınSesi.tv (24 novembre 2007)

lundi 19 novembre 2007

Éclairages

Alors que le procès contre des militants d'origine turque se poursuit actuellement, plusieurs analyses ont été publiées dans la presse.

Dans le Journal du Mardi, Jean-Claude Paye livre une analyse sans concession des enjeux qui tournent autour du prochain jugement. La notion d'exception, fondamentale pour comprendre, est à nouveau sur la sellette :

La mise en place de procédures spéciales est coutumière des législations antiterroristes. C’est en fait leur raison d’être: installer des exceptions à tous les stades de la procédure pénale, de l’enquête à la détention, en passant par le jugement lui-même. C’est aussi le cas dans cette affaire. Les prisonniers, qui, rappelons-le, n’ont commis, ni collaboré à aucun acte violent, ont été soumis à des conditions de détention tellement sévères qu’elles ne sont pas imposées aux criminels les plus dangereux.

Sur le soutien apporté lors du premier jugement en appel à un régime non-démocratique comme la Turquie :

C’est l’attribution, par le tribunal de première instance, d’un caractère « démocratique » à un régime bien connu pour la guerre qu’il mène contre ses populations et qui définit comme « terroriste » toute action, même pacifique, liée à une organisation d’opposition qui a mené des actions armées, même si elles sont marginales dans l’action de cette organisation. [...]
Cette lecture a pour effet que les accusés ne peuvent invoquer les crimes du gouvernement à leur égard pour justifier leur résistance. La répression se justifie automatiquement comme action « préventive » vis à vis de tout groupe d’opposition radicale.

Sur la tentative d'extradition d'un ressortissant belge vers la Turquie et l'ascendant pris par l'exécutif sur les autres pouvoirs :

La volonté du pouvoir exécutif de violer les règles de droit existantes et de modifier l’ordre juridique se manifeste également dans l’arrestation au Pays-Bas, la nuit du 27 au 28 août 2006, d’un des prévenus disposant de la nationalité belge. Cet enlèvement par les forces de l’ordre néerlandaises (filature, voiture banalisée..) est le résultat d’une entente entre la police hollandaise et le pouvoir exécutif belge. Comme Bahar Kimyongur dispose de la nationalité belge et que la Belgique ne peut extrader ses ressortissants, la solution était d’organiser son arrestation dans un pays tiers qui aurait la possibilité de procéder à son transfert en Turquie. Cette collaboration, en vue d’extrader Bahar Kimyongur vers la Turquie sur base d’un mandat Interpol est connue.

Concernant la création de tribunaux spéciaux :

Les jugements rendus par ces tribunaux [Note : ceux de Bruges et de Gand] ne peuvent être considérés, au stade actuel de l’affaire, comme le point de vue de l’appareil judiciaire au sens strict, mais comme celui d’un tribunal spécial chargé de faire aboutir l’action répressive du pouvoir exécutif. [...]
L’enjeu de ce procès n’est pas de punir une organisation turque à laquelle la Belgique n’est pas confrontée mais de briser la capacité des citoyens de se démarquer des politiques officielles.

Ce texte a également été publié dans le Journal du Collectif "Solidarité Contre l'Exclusion" (pp. 64-66) et comme "carte blanche" en version synthétique dans La Libre Belgique (16 novembre). Elle a été cossignée par le sociologue Jean-Claude Paye, par le journaliste Doğan Özgüden de la fondation Info-Türk, par la députée Marie Nagy, par Peter de Smet, le directeur Greenpeace Belgium, par les avocats Jean-Marie Dermagne et Eric Therer, par le porte-parole d'Attac Flandres et par plusieurs professeurs des Université Libre de Bruxelles, Université Catholique de Louvain, Katholieke Universiteit Leuven et Université de Liège.

Toujours dans le Journal du Mardi (p.15), tout aussi intéressant se trouve l'éclairage de Bahar Kimyongür sur ce qu'est réellement le DHKP-C en Turquie : un mouvement de lutte sociale qui est inextricablement lié au mouvement syndical turc.

En 1965, le Parti Ouvrier de Turquie (TIP) gagne plusieurs sièges au Parlement : c’est la première fois qu’un parti prônant le socialisme occupe un tel terrain sur la scène politique. Ce parti fonde une Fédération des Clubs de Réflexion (FKF) dans les universités et c’est du grand débat « réforme ou révolution » que naîtra le mouvement à l’origine du Parti et Front Révolutionnaire de Libération du Peuple (DHKP-C). Le mouvement syndical est indissociable du mouvement révolutionnaire : d’ailleurs, les phases d’ascension et de récession de ces deux mouvements sont synchrones.
[...]
L’affiliation à un syndicat coûte le licenciement dans la plupart des secteurs des entreprises privées. Et dans le secteur public existe encore la pratique moyenâgeuse du bannissement et de l’exil intérieur.
[...]
Le DHKP-C est méconnu du grand public. D’aucuns pensent qu’il s’agit d’une organisation strictement armée alors que son activité militaire est marginale quand on la compare à ses innombrables activités sociales et politiques. Le DHKP-C, ce sont essentiellement des comités populaires dans les quartiers déshérités situés en périphérie des métropoles comme Istanbul, Izmir, Ankara et Adana.

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lundi 12 novembre 2007

L'argument d'autorité des “listes noires”

Récemment, les “listes noires” ont été montrées du doigt par Dick Marty, rapporteur pour le Conseil de l'Europe, qui en dénonce les atteintes aux droits fondamentaux (Le Monde ; La Libre Belgique).

L'argument suprême, pour ne pas dire l'unique argument, qui détermine aujourd'hui pourquoi le DHKP/C ou d'autres sont des organisations terroristes réfère à ces fameuses listes noires établies par plusieurs administrations d'État. De cette manière, à la fin d'un article de la presse à grand tirage, il n'est pas rare de lire une ritournelle comme : "l'organisation x, y ou z est considérée comme une organisation terroriste par la Turquie, par l'Union européenne et par les États-unis". Qu'il s'agisse du PKK ou du DHKP/C par exemple. Le journaliste plaçant cette mantra dans son article le fait sans doute pour gagner le sentiment d'une certaine objectivité. En réalité, il parle des fameuses listes noires contre lesquelles de plus en plus de critiques se font entendre.

Aux yeux d'un libre-exaministe, on appelle cela un «argument d'autorité», c-à-d le désaveu de la critique. Ces listes ne sont en effet rien d'autre que des instruments créés par le pouvoir exécutif. Ce pouvoir décrète ce qui fait office de vérité, distingue le bien du mal, déclare les uns terroristes et, de fait, les autres non-terroristes. C'est ce qu'on appelle un dogme, un opinion qui s'impose du haut vers le bas. Et comme tout dogme, il est indiscutable.

Il est aussi important de rappeler qu'il n'y a aucun contrôle démocratique sur ces listes, qu'elles n'ont pas été votées par des parlements nationaux ou supranationaux, qu'elles s'imposent de facto a partir du moment où elles ont été rédigées par une administration.

Si l'on porte un zoom sur le cas plus particulier du DHKP/C, ce n'est pas seulement ce mouvement (Parti/Front Révolutionnaire de Libération du Peuple) qui a été inscrit sur cette liste, c'est aussi le Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire) classifié comme une seule et même variable. En d'autres termes, c'est tout le mouvement de lutte sociale opposé aux militaires, au coup d'État et à l'extrême-droite que l'on diabolise dans cette liste par le qualificatif «terroriste» et ce depuis son origine. Le DHKP/C est en effet la continuation du Devrimci Sol dont des dizaines de milliers de sympathisants et membres ont été arrêtés, torturés, assassinés ou conduits à l'exil par la junte militaire au pouvoir au début des années 80. [Voir le numéro 24 des groupes et entités classés comme terroriste sur la liste du Conseil des ministres de l'Union européenne]

Il faut savoir que ce genre de liste ne propose aucune définition du terrorisme et qu'on y retrouve de façon aléatoire des organisations aux idéologies radicalement différentes, c-à-d pêle-mêle : des islamistes ainsi que des mouvements d'opposition de gauche et régionalistes.

À cela, il faut ajouter que les organisations d'extrême-droite y brillent par leur absence. Ces mêmes organisations ne sont pourtant pas économes de nombreux crimes tels que pogroms, incendies criminels, lynchages, trafic de drogue, assassinats politiques et j'en passe et des meilleurs. La terreur qu'elles jettent au sein de la population, des minorités est tout à fait réelle. Rien que l'année 2007, par exemple, a égrené une formidable collection de méfaits commis par l'extrême-droite turque. Depuis l'assassinat de Hrant Dink jusqu'aux récentes émeutes et attaques contres les associations kurdes et celles de la gauche non-nationaliste. Personne n'est en mesure de dire aujourd'hui qu'il l'ignore.

Par conséquent, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cette liste et ses cousines du département d'État états-unien ou du conseil de l'Europe sont éminemment idéologiques. Et qu'elles visent l'obligation d'épouser une certaine vision du monde.

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dimanche 11 novembre 2007

Deux premiers jours du procès « DHKP-C » à Anvers

Jeudi, le président Libert interroge les inculpés.

Vendredi, le Procureur Delmulle fait comme d’habitude et abroge la vérité.

Justice d’Appel : une fois dépassées les portes d’entrée d’un bâtiment vaguement moderne mais franchement laid, on doit donner «à la garde» sa carte d’identité en échange d’un badge numéroté, puis passer sous un portail détectant d’éventuels objets métalliques «non admis». Il faut dire que la présence policière est plutôt mesurée, voire discrète (rien à voir avec l’atmosphère pesante et suspicieuse ayant survolté les audiences à Bruges puis à Gand).


Jeudi 8 novembre, 14 heures.

Le procès «Erdal et consorts» recommence donc depuis le début. La Chambre d’Appel se trouve au premier étage. Une bonne cinquantaine d’amis de toutes sortes s’y sont donné rendez-vous. Une chambre à trois juges (le Président Stefaan Libert, ainsi que ses deux juges-assesseurs : I. Van Dijck et J.P. Vanden Eede) ; plus les deux représentants du Ministère public (le Procureur fédéral Johan Delmulle et sa «main galante» Leen Nuyts) ; quatre prévenus (sur sept personnes poursuivies) : Şükriye Akar, Musa Aşoğlu, Bahar Kimyongür et Kaya Saz ; cinq avocats pour la défense des inculpés (Carl Alexander ; Paul Bekaert et… son fils Simon ; Raf Jespers et Nadia Lorenzetti). Face à eux, esseulé : Kris Vinck, avocat de l’État turc «partie civile officieuse». Sur les bancs de la «presse» : cinq journalistes dont Mehmet Özdemir, ce reporter payé à la pièce pour toute information qu’il aura pu glaner – puisqu’il est, en réalité, un agent informateur des services secrets turcs…

Jeudi 8 novembre. Cette première audience «sur le fond» va constituer un vraie première : le Président du tribunal a décidé de consacrer tout l’après-midi à l’interrogatoire des quatre prévenus présents. Selon le même scénario. Quand, après Musa Aşoğlu arrivera le tour de Şükriye Akar, on le comprendra : lui sera posée la même trame de questions (une bonne vingtaine) dans la même chronologie (pour Musa et Bahar, le Président sollicitera toutefois d’autres réponses spécifiques, liées aux allégations particulières qui leur sont reprochées par le ministère public). Questions-type : Selon vous, que signifie le sigle DHKP-C ? ; Quels sont les objectifs de cette organisation, que veut-elle ? ; Quelle est la différence entre le DHKP et le DHKC ? ; Quels en sont les dirigeants ? ; Êtes-vous pour la révolution ? ; Quels moyens le DHKP-C utilise-t-il pour atteindre ses buts ? ; Ce mouvement agit de manière violente. Etes-vous d’accord ? ; L'organisation pratique-t-elle la torture ? ; D'où l'organisation se procure-t-elle de l'argent ? Pratique-t-elle le racket ? ; L'organisation recoure-t-elle à la peine de mort ? ; Comment avez-vous connu les autres accusés ? Quelles activités avez-vous eues avec chacun d’eux ? Quel jugement portez-vous sur chacun d’eux ?
En réalité, cette suite express de questions-réponses (destinées, sans doute, à quelque peu éclairer la Cour sur l’engagement et l’implication des uns et des autres) sera finalement plus négative qu’explicative : les inculpés devront s’en tenir à des réponses trop lapidaires, trop ramassées que pour être entendues et acceptées – un exercice à la va-vite, rendant impossible toute explicitation sur les raisons profondes de leur militance, sur le contexte historique dans lequel elle se sera développée (l’état de violence par lequel l’État a toujours régenté et continue d’administrer la société turque ainsi que les peuples qui la composent).

Musa Aşoğlu, à propos de «violences» : Moi, je vis aux Pays-Bas. Là-bas comme en Belgique, tout ce que j’ai fait s’est toujours passé dans un cadre légal. Ni le DHKC, dont je suis membre, ni le DHKP n’ont jamais commis et n’ont jamais voulu commettre le moindre acte violent en Europe. En Turquie, l’organisation a justement abattu des policiers tortionnaires ou des maffieux liés et protégés par des officines d’Etat. Les armes retrouvées à Knokke étaient destinées à protéger Fehriye Erdal que des nervis, payés par Ankara, avaient été chargés d’assassiner par tous les moyens.
Détail qui a son importance, dans une affaire où le Ministère public n’a jamais cessé de trousser la réalité pour mieux détrousser la vérité : Musa répondra à S. Libert…, Oui dans la Lancia, que je conduisais lorsque la police m’a appréhendé, se trouvait bien une antenne parabolique. Que je sache, ce n’est pas illégal. Par contre était illégale mon arrestation par les policiers belges: car elle a eu lieu sur le territoire hollandais.

Şükriye Akar (qui, plus d’une fois, a fait sourire les juges et rire le public) : Selon le Procureur Delmulle, j’aurais déclaré – lors du procès à Gand – être une dirigeante, et avoir milité depuis ma prime enfance pour la Révolution. D’emblée, je veux l’affirmer ici devant vous : je n’ai jamais dit ça. Il a tout inventé ! À quel titre suis-je impliquée dans l’affaire présente ? Mais, Monsieur le Président, moi-même je me le demande encore. Sauf que, j’ai fait 14 mois de prison pour rien. Vous me demandez qui est Musa Aşoğlu ? Je vous le réponds tout net: c’est un très-très… chic type. Bahar Kimyongür ? C’est une victime collatérale du 11 septembre 2001 et de l’hystérie antiterroriste. Il n’a rien fait de mal. Il n’a rien à faire dans cette affaire. Ni moi non plus, du reste…». Le Président : Étiez-vous présente le 26 septembre 1999 dans l’appartement de la Zeedijck à Duinbergen ? Sükriye : Jamais de la vie, vous entendez. Et c’est prouvé !

Bahar Kimyongür : Je suis un militant, un militant marxiste. Je ne suis pas membre du DHKP-C. Je n’ai rien à voir avec la violence. Que je réprouve. Vous me demandez ce que signifie Parti-Front «révolutionnaire» ? «Révolutionnaire» est un adjectif tellement galvaudé… Vous savez : dès que l’industrie lance un modèle de voiture muni d’un nouveau klaxon, la publicité le promotionne comme un achat «révolutionnaire»… Ce dont je suis sûr, par contre : dans l’idée de «Révolution», il y a la lutte pour l’indépendance, la justice sociale, le respect des minorités, la fin de l’exploitation.

Kaya Saz : Le but du DHKP-C ? Renverser le régime fasciste en Turquie et lui substituer le socialisme. Vous comprenez ?

A 16 heures : si tout n’a pas été dit, le premier juge du tribunal semble – lui – «informé» à suffisance. La suite est donc renvoyée au lendemain avec les interventions du Ministère public.
Quelques minutes plus tard sur les marches du Palais, toutes les personnes venues à Anvers pour cette audience inaugurale, se sont mises bras dessus-bras dessous, bien serrées, pour une dernière photo. A côté de Deniz Demirkapı (attendant que tout le monde soit en place pour faire fonctionner son numérique), il y a tout à coup un type qui lui aussi nous fait face pour nous photographier. Mehmet Özdemir.

Fin d'audience bien encadrée...


Vendredi 9 novembre, 9 heures du matin.

Changement d’ambiance.
On ne compte pas plus de camarades, dans les travées réservées au public, que les doigts d’une seule main. Quand on arrive, avec dix minutes de retard suites aux embouteillages sur le ring de Bruxelles, Leen Nuyts vient juste de commencer à lire – d’une voix monotone et égarée – un descriptif au vitriol : la menace et la malfaisance que représente, selon le Parquet fédéral (reprenant là le point de vue des Etats-Unis et d’Ankara), le DHKP-C – une organisation dont le Quartier général pour toute l’Europe était «clandestinement installé à la côte belge».

À peine un quart d’heure après ce premier «réquisitoire», c’est au tour de Delmulle à intervenir. À l’instar de la veille, il est flanqué de deux garde du corps, des malabars qui – en tous temps et en tous lieux – traînent à ses guêtres. Comme c’est déjà la troisième fois (au moins) que le magistrat fédéral se doit de résumer le dossier pénal, ça roule : il n’aura aucun égard pour le souci du détail. L’essentiel de sa «plaidoirie» portera sur les incriminations retenues, la légitimité (au regard des faits énoncés) à les appliquer aux prévenus. Premier «coup de force» dans ses allégations à l’emporte-pièce : pour le représentant du ministère public, il y a une incontestable nécessité de condamner les prévenus du fait d’appartenance à une association de malfaiteurs «à visée terroriste»…, alors que cette notion n’existe pas dans le Droit pénal belge. Peu importe.
Pour soutenir l’attention et souligner l’importance de ses propos, Delmulle n’hésite d’ailleurs pas, utilisant tous les moyens susceptibles d’aviver l’intérêt des trois juges: ainsi, à un moment, il brandira la mitraillette ERO (retrouvée dans la Lancia véhiculée par Aşoğlu) ; juste plus tard, il tentera de paniquer S. Libert et ses deux assesseurs en se référant à des documents «où le DHKP-C évoque l’importance d’user de la dynamite et de l’uranium (sic)». Comme à Bruges et à Gand, le magistrat va entretenir à volonté la confusion, obligé – pour asseoir sa démonstration – d’évoquer non pas des faits commis en Belgique, mais aux Pays-Bas et en Allemagne. Ainsi fera-t-il référence aux «trafics d’héroïne, via une firme de transport international liée au DHKP-C» (une histoire-bidon de financements occultes, intentionnellement travestie par ce faussaire en magistrature). Ou s’appesantira sur plusieurs dizaines de photos où «on voit clairement d’ex-militants ayant été exécutés par l’organisation» (alors qu’ici aussi J. Delmulle refuse de faire une critique exhaustive des documents qu’il produit)…

Revenant évidemment sur la qualification de «dirigeants d’une organisation terroriste» (incrimination portée à l’encontre d’Aşoğlu et de Kimyongür), c’est encore le même Delmulle qui trahira (comme à Bruges, comme à Gand) le contexte réel dans lequel s’était passée la fameuse conférence de presse du 28 juin 2004 à Bruxelles : «Non, c’est de leur propre initiative qu’Aşoğlu et Kimyongür ont distribué ce jour-là aux journalistes présents un communiqué du DHKC revendiquant un attentat»…
En réalité, cette conférence de presse n’avait jamais cessé d’être parasitée par les interventions pressantes et répétitives d’un des «journalistes» présent sur place, interpellant sans cesse les organisateurs sur un tout autre sujet que le Sommet de l’OTAN ayant lieu le même week-end à Ankara. Sur une cassette-vidéo où est enregistrée toute la scène (cassette diffusée devant les juges de la Cour d’Appel de Gand), on voit d’ailleurs Musa Aşoğlu (l’un des deux porte-parole de la conférence) être interrompu à plusieurs reprises, en cours d’exposé, par ce «reporter» turc à propos de l’attentat raté. «Nous ne sommes pas ici pour cela, mais pour parler de Resistanbul»: sont exemptes de toute ambiguïté la réponse d’Aşoğlu au journaliste singulièrement insistant et la traduction par Bahar de certains passages du communiqué (tels que lus par Aşoğlu), où le DHKP-C prend l’entière responsabilité de la tragédie, s’en excuse auprès de l’opinion et des parents des victimes. Dans pareil contexte, où les deux protagonistes expressément sollicités ne pouvaient se dérober à l’insistance d’un prétendu journaliste turcophone, il est donc parfaitement malhonnête de continuer à affirmer (à l’égal du magistrat fédéral) qu’Aşoğlu ou Kimyongür auraient décidé «de leur propre initiative» de «lire», traduire et distribuer le fameux communiqué à la presse. Précision importante, le nom du journaliste impétrant : Mehmet Özdemir…

Dernier cador de la journée du vendredi ? Kris Vinck. L’avocat de la partie turque. Pour trois-quarts d’heure à charge du DHKP-C et des prévenus. Deux effets de manche, parmi beaucoup d’autres : quand pour émouvoir le tribunal, Vinck a comparé le multimilliardaire Ö. Sabancı (dont la Justice soupçonne F. Erdal d’avoir participé à l’exécution) au vicomte Davignon ; ou quand il a révélé que le DHKP-C n’hésitait pas à s’en prendre à des juges abhorrés.

Jean Flinker

mercredi 7 novembre 2007

Un de nos militants condamné

Thierry Delforge est un militant aguerri. Il est de toutes les luttes et sur tous les fronts. Il n'y a pas une manifestation qu'il n'ait faite, un combat social qu'il n'ait soutenu. C'est aussi un militant de la première heure du Clea, toujours fidèle au rendez-vous. Cette fois-ci pourtant, dans sa très longue "carrière" de militantisme, c'est la première fois qu'il se voit condamner.
Aujourd'hui, le Clea dénonce cette condamnation et y voit une étape de plus franchie dans la criminalisation du mouvement social.

Un an de prison pour un graffiti :
c'est la lutte sociale qu'on condamne


Le 21 janvier 2006, après la condamnation de dockers pour avoir participé à la manifestation contre un projet « Bolkenstein » portuaire présenté au Parlement européen de Strasbourg, Thierry Delforge, militant syndical, est arrêté par la police alors qu’il écrit à la peinture, sur le mur d’un hideux dépôt appartenant à la Ville de Bruxelles, la phrase « Libérez les dockers ». La police trouve en outre dans le coffre de sa voiture deux sabres d’abattis dont il se sert pour débroussailler son jardin dans les Ardennes.
Il n’en faut pas plus pour le condamner pour « destruction partielle d’un édifice » et pour « transport d’armes prohibées ». La condamnation est prononcée le 28 mars 2007 en l’absence de l’accusé, la convocation ne lui étant pas parvenue. La peine est incroyablement lourde : un an de prison, dont six mois avec sursis.
Thierry Delforge a fait opposition à ce jugement, et l’affaire doit repasser le 21 novembre devant la 50e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles. Mais, en attendant, il sera écroué à la prison de Forest dès ce vendredi 9 novembre.
Devant la démesure d’une telle peine pour un délit aussi mineur, il est difficile de ne pas conclure que c’est le militant syndical et associatif qui est condamné, et à travers lui tout le mouvement de contestation sociale.
Les dérives judiciaires de ce type se multiplient ces dernières années ; bientôt tout citoyen qui exprimera sa désapprobation par rapport à l’idéologie politique et économique dominante se verra condamner lourdement. Si la démocratie existe encore, il est grand temps de la sauver.

Le Clea

vendredi 2 novembre 2007

7% de croissance par an...

Une superbe image que l'on pouvait trouver récemment dans Tavır, la revue mensuelle que publie GrupYorum (voir leur site). Nul besoin de moult commentaires, elle s'en passe fort bien :


Sur le bus : "Un bel avenir vous attend"

1/2KL

mardi 30 octobre 2007

Le nouveau procès «DHKP-C» devant la Cour d'Appel d'Anvers

Lors de la dernière audience préliminaire, les juges ont refusé de se prononcer immédiatement sur plusieurs entorses au Droit soulevées par les avocats de la défense.

Le 19 avril dernier, la Cour de Cassation prononçait un Arrêt que l’on peut qualifier – à raison – d’«exceptionnel» dans les annales judiciaires de ce pays. Coup sur coup était en effet annulé le jugement rendu en première instance contre sept membres présumés de l'organisation révolutionnaire DHKP-C, et fustigée l’attitude servile des juges de la Cour d’Appel. En cause ? La nomination, entachée de suspicion, du juge Freddy Troch à la tête du tribunal correctionnel du premier degré – une manœuvre organisée par le Procureur fédéral Delmulle et que les juges d’Appel avaient, «à tort», accepté d’avaliser. De ce fait, la Cour de Cassation exigeait que toutes les incriminations soient rejugées devant une autre Cour d’Appel.

C’est ainsi que les 27 et 28 septembre s’étaient tenues, à Anvers cette fois, une audience préliminaire (avant le début des débats officiels, le 8 novembre prochain). Au cours de cette session préalable, les avocats de la défense avaient contesté (comme à Bruges puis à Gand) une série d’incidents et d’abus de pouvoir qui avaient déjà dévoyé les deux verdicts antérieurs : des manœuvres qui, au final, avaient contribué à restreindre (voire à anéantir) une série de droits auxquels les prévenus auraient dû normalement prétendre. Ces éléments préjudiciels se sont notamment cristallisés à travers...

• une instruction judiciaire manipulée, afin qu’elle reste un manifeste uniquement «à charge» des prévenus ;

• un procès correctionnalisé d’office, dont les juges n’ont jamais voulu convenir du caractère indéniablement politique (alors que les délits de nature politique relèvent de la Cour d’Assises) ;

• la désignation de l’État turc au titre de partie civile au procès, alors que cette qualification était et reste parfaitement illégitime.

Sur ces trois points, ainsi que sur la conclusion à tirer du verdict de Cassation lui-même (un verdict radical, laissant supposer que le procès se devait d’être recommencé depuis le tout début, et non «sauter» la première instance), les décisions que devaient prendre les trois juges de la Cour d’Appel d’Anvers – le vendredi 26 octobre – étaient donc extrêmement importantes. Car c’est l’allure générale imprimée à ce nouveau procès qui s’en trouverait ainsi dévoilée. De même que l’appréciation, portée par les trois juges anversois, sur les actes reprochés à des inculpés qui ne sont ni des malfaiteurs, ni des criminels, ni des terroristes.


Les quatre questions préjudicielles


Au lieu de renvoyer l’affaire devant une autre Cour d’Appel, la conclusion logique de l’Arrêt édicté par la Cour de Cassation devait – selon la défense – être tout autre : rejuger les prévenus en recommençant leur procès depuis le début, c’est-à-dire d’abord en première instance.

Dans les attendus de l'Arrêt rendu par la Cour de Cassation le 19 avril 2007, on pouvait lire en effet :

En vertu de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (…). L’article 14.1 de la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques stipule que – pour établir le bien-fondé d’une accusation pénale dirigée contre elle ou pour établir ses droits et obligations dans une procédure – toute personne a droit à ce que sa cause soit traitée équitablement et impartialement par une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale instituée par la loi. Les deux articles précités exigent non seulement que l’instance judiciaire soit indépendante et impartiale, mais également qu’il n’existe aucune apparence de dépendance ou de partialité (…).

Rappelons succinctement le contexte.
Pour être sûr que le tribunal de première instance aboutisse à l’affirmation d’une vérité judiciaire implacable, une partie de la haute magistrature flamande (à l’instigation du Procureur fédéral Delmulle) s’était faite complice d’un véritable coup de force : transformer la quatorzième Chambre du Tribunal correctionnel de Bruges en hall d’entrée de la justice d’exception. C’est ce qu’accomplira, par son ordonnance datée du 4 novembre 2005, le premier Président de la Cour d’Appel de Gand (Jean-Paul De Graeve) en désignant Freddy Troch, juge à Termonde, pour présider «le temps du procès» l’affaire Erdal, y faire primer la tournure dévolue et lui imprimer la tension voulue. Certes, il était de la prérogative du Premier Président de la Cour d’Appel de Gand de désigner un juge à détacher à Bruges pour renforcer les diverses chambres du Tribunal correctionnel en cas de «manque d’effectifs». Termonde faisant partie du ressort «couvert» par Gand, il était sans doute normal qu’on s’adresse aussi à Troch. Pour autant, dans l’avis de transfert (tel que formulé par le premier Président), le Parquet avait indiqué par avance dans quelle Chambre du tribunal de Bruges Troch devait être spécialement affecté et pour quelle affaire. C’est contraire à la loi et à son Article 98. Seul le Président du tribunal de Bruges dispose de ce pouvoir. Il lui revenait donc de désigner, lui-même, la Chambre où aurait dû être affecté Freddy Troch. En l’occurrence, la quatorzième ne pâtissait pas de l’absence de son Président titulaire (madame D’Hooghe) mais de l’un de ses deux juges assesseurs... Conséquemment, une fois Troch installé, tout pourra copieusement se dérouler – même si, en la circonstance, c’est la Justice qui se sera fait pieusement rouler. Cela va sans dire : en degré d’Appel, le 12 septembre à Gand, le juge Logghe – sollicité par la défense unanime – n’osera pas remettre en question la composition indue du tribunal de Bruges – car un aveu de nullité aurait accablé le comportement coupable de son propre supérieur hiérarchique, J.P. De Graeve...

Que disait justement l’Arrêt de Cassation à propos du transfert et de l’affectation du juge Troch ?

Que la délégation d’un juge d’un tribunal dans un autre tribunal concerne par définition un juge particulier, que l’ordonnance en la matière s’effectue sur les réquisitions du procureur général ou sur avis de celui-ci..., ces circonstances ne peuvent susciter une suspicion de partialité dans le chef d’un juge délégué. Il revient au premier président de veiller à ce que la délégation du juge ne vise pas d’autre objectif que celui des nécessités du service. Jusqu’à preuve du contraire, le premier président doit être présumé n’avoir visé en la matière que le bon fonctionnement du service et tous les juges sont également présumés juger de manière impartiale.
En revanche, la désignation d’un juge en application de l’article 98 du Code judiciaire ne peut pas servir de moyen pour influencer la composition du tribunal en vue de l’instruction d’une affaire particulière. Et les circonstances, dans lesquelles les délégations s’opèrent, ne peuvent pas davantage être de nature à susciter auprès des parties et de tiers une apparence de partialité ou de dépendance.
Afin de justifier sa demande d’avis pour la délégation d’un juge d’un autre tribunal de son ressort, le premier président de la Cour d’appel de Gand (Jean-Paul De Graeve, NDLR) déclare dans son courrier du 31 octobre 2006 au procureur général de Gand: «Le procureur fédéral (Johan Delmulle, NDLR) a laissé entendre qu’il s’agit d’un procès très "chargé" et que Madame D’Hooghe se sent mieux soutenue par un juge pénal masculin expérimenté».
Cette justification peut susciter l’impression, dans le chef des justiciables, que la composition du tribunal qui devait instruire l’affaire a été influencée. La désignation du juge Troch qui a suivi, même si chaque juge est présumé être indépendant et impartial, peut dès lors susciter une apparence de partialité et de dépendance. Le fait que le procureur général (Frank Schins, NDLR) a donné un avis négatif le 2 novembre 2005 sur la désignation du juge d’un autre tribunal (...) peut encore renforcer cette impression (...).

Or, de cette série de constats particulièrement sévères, la Cour de Cassation tirait la seule conséquence logique : annuler l’ensemble des jugements rendus par le tribunal correctionnel de Bruges (parce que sa composition pouvait «susciter une apparence de partialité») :

Par ces motifs, la Cour (...) casse les jugements du tribunal correctionnel de Bruges des 6 décembre 2005, 24 janvier 2006 et 28 février 2006; ainsi que les décisions du 28 février 2006 de la Chambre correctionnelle de Bruges ordonnant l’arrestation immédiate des demandeurs.

Dans ses attendus, la Cour de Cassation précisait toutefois :

Il résulte de ce qui précède que les juges de la Cour d’Appel de Gand ont jugé à tort que la composition du tribunal (de Bruges, NDLR) était régulière. C’est dès lors à tort qu’ils n’ont pas expressément infirmé le jugement de première instance. Ceci peut susciter dans le chef des accusés une apparence de partialité et de dépendance des juges d’Appel eux-mêmes.

Selon la défense, dans ces conditions (jugement de Bruges cassé et verdict de Gand fracassé), il était donc fondé, juste et non-discriminatoire de recommander la seule issue garante des droits des inculpés: recommencer leur procès depuis le début – en permettant aux prévenus de concrétiser ce qui est légalement reconnu à tout accusé (pouvoir bénéficier d’un procès avec une instance du premier degré et une instance d’Appel).
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer sur cette résolution. Argument essentiel : lorsque, dans une affaire, les deux jugements ont été cassés (comme c’est le cas ici), il est d’habitude de la renvoyer devant le degré de l’instance contestée – qui, la dernière, a rendu jugement. Est-ce que cette règle, renvoyant automatiquement vers le degré d’Appel, est discriminatoire ? Selon son Président Stephaan Libert, ce n’est pas à la Cour d’Appel d’Anvers de le dire. A la limite, au terme de ce nouveau procès, les avocats devraient à nouveau se pourvoir pour exiger de la Cour de Cassation qu’elle dénoue cette contradiction et ce vide constitutionnel (quitte à en saisir la Cour d’Arbitrage [désormais dénommée «Cour constitutionnelle» NDLR]) au profit des inculpés.


Dès 1999, l’instruction judiciaire a été manipulée par la gendarmerie et le Parquet fédéral. Dans le dossier monté contre 11 membres présumés du DHKP-C n’ont été respectées ni la loi ni la jurisprudence. Celles-ci recommandent pourtant que l’ensemble des faits allégués soient l’objet d’une instruction à charge mais aussi «à décharge»… Ce qui n’a pas été le cas. Elle doit donc être reprise, en brisant son caractère unilatéral.

Rappel du contexte.
Suite à l’arrestation de «Neşe Yıldırım», Musa Aşoğlu et Kaya Saz le 26 septembre 1999, l’instruction conduite par le juge Buysse portait sur des faits circonscrits et limités territorialement : à travers l’association de malfaiteurs étaient visés «la possession d’armes; le vol, le recel de matériel électronique et de documents d’identité; les faux et l’usage de faux», toutes choses retrouvées à Knokke. C’est tout. Mais, lorsque «Neşe Yıldırım» sera identifiée sous son vrai nom, l’affaire va prendre – de fait – un tour ouvertement politique : selon la Turquie, Fehriye Erdal avait prêté son concours à l’assassinat d’Özdemir Sabancı – un mandat d’arrêt international étant lancé contre elle pour «tentative de renverser l’ordre constitutionnel». Néanmoins, le juge chargé de l’enquête ne changera pas la géographie des préventions initiales : les incriminations pénales ne concerneront pas d’actes éventuellement commis en Turquie.
Progressivement cependant, l’instruction judiciaire va totalement échapper au juge brugeois : non seulement elle sera réorientée par la gendarmerie et le Parquet fédéral (d’abord sous la pression de Michèle Coninsx puis de son successeur : Johan Delmulle), mais d’autres personnes – soupçonnées d’avoir également des liens avec le DHKP-C, tel B. Kimyongür – vont également faire l’objet de poursuites dans le même dossier. Cette mise sous tutelle va aussi se concrétiser lors de la clôture de l’instruction, alors que tous les devoirs d’enquête ont été accomplis par le juge Buysse. Juste avant d’être transmis à la Chambre du Conseil, le dossier est alors remis aux parties et au Ministère public, ce dernier ayant le droit d’y ajouter ses propres réquisitions – ce que ne manquera pas de faire J. Delmulle. Le magistrat fédéral va, en effet, requalifier la prévention concernant l’accusation d’association de malfaiteurs, en la complétant par huit mots: «(...) en vue de commettre des attentats en Turquie». Cette reformulation de dernière minute (qui va servir de brèche à l’État turc pour se constituer partie civile) a une conséquence immédiate : elle induit une malversation dans la procédure, manifestement attentatoire à la régularité du procès. Comme l’instruction n’a pas inclus d’investigations en Turquie (qui auraient pu utilement démontrer l’emprise militaire qui a écrasé ce pays depuis 1981), elle est partiale parce que partielle.

Pour la défense, il s’agit là clairement d’une nouvelle atteinte aux droits des prévenus – l’instruction devant être reprise et complétée par des devoirs d’enquête supplémentaires qui en briseraient le caractère foncièrement unilatéral.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer sur cette requête, renvoyant l’examen des arguments évoqués pour la justifier lors des débats sur le fond.


On peut la prendre par n’importe quel bout : toute cette affaire est politique. En s’appuyant sur une jurisprudence ridée et anachronique, les juges ont préféré en faire une histoire de délinquance crapuleuse et de criminalité abjecte. En y ajoutant l’accusation infamante de terrorisme.

On le sait : chaque fois interpellés, les juges ont décrété que les faits reprochés aux prévenus ne pouvaient faire l’objet d’un procès politique relevant de la Cour d’Assises.
Mais qu’est-ce qu’un délit politique ? Que ce soit en première ou en seconde instance, les juges ont fait chorus en se référant à des jurisprudences anachroniques datant de… 1900, 1913 ou 1923 (alors que ces 20 dernières années, les lois pénales essentielles ont toutes été «modernisées» et profondément remaniées).
Ainsi dans le verdict posé par la Cour d’Appel, les juges justifient le bien-fondé de cet «a-politisme» en notifiant : «Le fait [pour le DHKP-C, NDLR] de commettre des attentats sur des personnes (principalement des officiers de police, des juges, des industriels (...)) et des bâtiments (bureaux de police, tribunaux, centres commerciaux, etc…) n’est pas en soi de nature à atteindre l’action et l’organisation des institutions politiques législatives ou de menacer l’organisation de l’Etat» (page 35)... Par contre, page 127, le jugement affirmera juste l’opposé : «Il est on ne peut plus clair que la commission systématique et successive d’attentats à l’encontre d’hommes politiques turcs, de personnalités militaires, de magistrats et d’hommes d’affaires, et contre des bâtiments publics, a eu de graves conséquences pour l’organisation et l’administration du pays (...). L’exercice de la lutte armée est de nature à porter gravement atteinte et à désorganiser la structure constitutionnelle fondamentale du pays». Ce qui renvoie à la notion de crime politique, tel que le définit la jurisprudence – fût-elle la plus restrictive.
La défense avait également invoqué un «état de nécessité», arguant que les accusés et leur mouvement politique en Turquie menaient une lutte violente en réaction à une violence d’État : celle d’un régime dominé par l’armée. Depuis la Seconde Guerre mondiale en effet, la Turquie a subi trois coups d’État militaires (le dernier a instauré une dictature épouvantable qui, dans les années 80, a entraîné l’arrestation de 650.000 personnes). En réalité, derrière un façadisme démocratique, les militaires tiennent encore et toujours les rênes du pouvoir. La Turquie détient le record des violations de la Convention européenne des droits de l’Homme (75% des plaintes que doit juger la Cour de Justice de Strasbourg concernent la Turquie) et compte encore des milliers de détenus politiques dans ses prisons. Les juges de Gand n’ont pas voulu en convenir : «Que certaines autorités turques utiliseraient manifestement des moyens illégaux pour se venger (…) ne sont pas non plus à relever pour le jugement des faits qui sont actuellement à charge des accusés» (page 44).
Or, le refus de reconnaître cet état de nécessité, et les justifications qui en sont données, est sans doute l’élément le plus révoltant figurant dans l’arrêt de la Cour d’Appel (page 127) : «Le coup d’État fasciste (…), la répression de l’État turc constituent une réaction à la démonstration de force du parti ouvrier au sens large». Ainsi, selon la Cour (qui ne fait pas de politique), la répression fasciste serait une réaction (légitime en elle-même) à la lutte du mouvement ouvrier. Et puisque tous les désordres devraient être imputés au mouvement ouvrier (en quelque sorte, coupable de vouloir faire triompher ses droits), l’évocation d’un prétendu «état de nécessité» en devient inconvenant, incongru. Historiquement, il faut cependant constater que c’est avec les mêmes arguments qu’ont été justifiés et honorés tous les putsch fascistes – de Mussolini à Pinochet. Dans la même logique scandaleuse, la Cour avait également rejeté toutes les requêtes formulées par la défense pour prendre en considération la situation en Turquie durant la période 1997-2004 (période des faits incriminés) : «Il n’est pas utile d’aller plus loin dans les éventuels méfaits accomplis par les pouvoirs turcs, ni dans les violations des droits de l’Homme en Turquie» (page 42).
D’un côté, on a donc fait totale abstraction du contexte politique réel en Turquie. Mais de l’autre, la Cour s’est néanmoins permis de juger les actions revendiquées par une organisation politique agissant dans un pays situé à plus de 3.000 kilomètres de la Belgique.

Pour la défense, les choses sont donc des plus claires : les délits, si délits il y a, sont de nature politique. Ils doivent être renvoyés devant la Cour d’Assises, constituée de juges et d’un jury populaire.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer immédiatement sur cette conviction, renvoyant l’examen des arguments évoqués pour la justifier lors des débats sur le fond.


Une nouvelle fois, l’État turc entend participer au procès alors qu’il n’en a pas la compétence.

Le jugement de première instance, tel qu’énoncé par la 14ème Chambre correctionnelle de Bruges, avait finalement dû en convenir.
«L’Article 3 du Code d’Instruction criminelle détermine que la réclamation judiciaire civile revient à ceux qui ont subi des dommages. Pour que la constitution comme partie civile soit recevable, la partie doit non seulement décrire son exigence de réparation des dommages, mais aussi relever qu’elle a été personnellement dommagée (Cassation, 4 avril 1987). Il doit, de ce fait, avoir été subi un dommage personnel par le délit. La réclamation d’une personne naturelle ou d’une personne de droit ne peut être acceptée si la partie civile n’a pas un intérêt personnel et direct. Ici, la partie civile [l’État turc, NDLR] ne prouve pas quel dommage direct matériel et/ou moral elle a subi à la suite de faits qui sont mis à charge des inculpés. Ceci est jugé par le tribunal d’une manière inattaquable (Cassation, 16 décembre 1992) (...). Le fait que l’État turc a probablement un intérêt dans la punition des inculpés ne suffit pas non plus à la recevabilité de son action civile (...) [d’autant] que l’intérêt dans la punition se mêle à l’intérêt de la communauté – l’État belge – qui a confié exclusivement l’exécution de l’action judiciaire au ministère public (Cassation, 24 janvier 1996). Attendu les principes précédents, la constitution de l’État turc comme partie civile à la suite de ces méfaits doit être considérée comme non recevable»...
Or, en degré d’Appel, le Président Logghe et ses deux assesseurs (dûment chapitrés par J. Delmulle) avaient récusé ce jugement indéniablement fondé – autorisant la partie turque à siéger, plaider et à se voir symboliquement dédommagée. Se faisant, ils avaient autorisé l’avocat d’Ankara à se comporter, au sein du tribunal, comme un second Procureur. Ce qui ne peut être.

Pour la défense, les arguments «évidents» déjà énoncés par le tribunal de Bruges (dans son jugement du 28 février 2006) sont implacables : la partie turque ne peut se constituer partie civile.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a non seulement refusé de se prononcer sur cette impossibilité mais a décidé d’y surseoir – autorisant d’ores et déjà l’avocat Vincke (porte-serviette de l’État turc, NDLR) de participer aux débats sur le fond et d’y plaider la cause d’Ankara. C’est seulement dans son jugement final que la Cour d’Appel fera savoir si la partie turque en avait bien la compétence...

Jean Flinker

lundi 29 octobre 2007

La Che Guevara Kurde

Bêrîtan, alias Gülnaz Karataş (de son nom turc imposé par l'État), est devenue une véritable légende chez les Kurdes.
Originaire du Dersim, comme beaucoup d'autres militants, elle se politise sur le campus de l'université, à İstanbul. La terrible répression culmine alors contre les Kurdes. À la fin des années 80, elle rejoint la guérilla du PKK n'ayant pas encore atteint l'âge de 20 ans. En 1992, son groupe se retrouve encerclé par le PDK, allié momentané de l'État turc. Blessée et à cours de munitions, plutôt que de tomber entre les mains des hommes de Barzanî, elle préfère se jetter dans le vide du haut des rochers devenant ainsi une sorte d'icône de la résistance.
On oublie souvent que les effroyables mangeurs d'enfants du PKK qui terrorisent tant l'État-major turc ne constituent en fait qu'une poignée de rebelles réfugiés dans les montagnes dont plus de la moitié d'entre eux sont des jeunes femmes qui n'ont pas 25 ans.

Plus que jamais, la Turquie use de l'argument d'autorité : le PKK est une organisation terroriste parce qu' inscrite sur une liste qu'elle a elle-même aidé à rédiger ; les fameuses blacklists de l'UE et du département d'État états-unien. Usant ainsi de la stratégie du miroir, la cause des ignominies qui surviennent au Kurdistan est focalisée sur ce seul groupe de rebelles. Remettre en question l'état des choses n'est pas sans risque. Que l'on pense à Orhan Pamuk pour ne citer que lui.

La diplomatie mussolinienne que la Turquie promène en ce moment semble bien décidée à replonger la région dans le sang et la douleur comme elle l'a toujours fait. On est à des années lumières d'une résolution à l'irlandaise ou de négociations à la basque.

Pour en revenir à Bêrîtan, tout récemment, le groupe kurde Sipan Xelat lui a consacré une chanson dont voici le clip musical :




On y aperçoit des coupures de la presse européenne de l'époque qui rappelle la légende qu'elle est devenue et les petites filles appelées Bêrîtan en nombre par la suite.

Vu que presque la moitié de la chanson est composée du prénom, qu'il n'y a que des phrases nominales quasi et que c'est bientôt la Saint-Nicolas, j'ai décidé de fournir une traduction. De toutes façons, elle est à prendre comme toujours avec des pincettes mais ici bien plus que d'habitude. Je ne prétends pas avoir de connaissances en kurmancî (!) mais bon, c'est une langue cousine, "tu" = "tu", c'est déjà ça... Méthode Coué en somme...

Bêrîtan

Tu di roja rojhilat î Bêrîtan Bêrîtan
Tu aşîtî û xebat î Bêrîtan Bêrîtan

Tu cengawera welat î Bêrîtan Bêrîtan…

Tu di roja rojava yî Bêrîtan Bêrîtan
Silav ji bona gela yî Bêrîtan Bêrîtan

Tu cengawera Kurda yî Bêrîtan Bêrîtan…

Tu sor gula Kurdistanê Bêrîtan Bêrîtan
Rêberê keçê cîhanê Bêrîtan Bêrîtan

Te gel rakir serhildanê Bêrîtan Bêrîtan…



Bêrîtan

Tu es dans le soleil de l’Est, Bêrîtan, Bêrîtan
Tu es la paix et la lutte, Bêrîtan, Bêrîtan

Tu es l’héroïne du pays, Bêrîtan, Bêrîtan,…

Tu es dans le soleil d’Orient, Bêrîtan, Bêrîtan
Tu es le salut pour le peuple, Bêrîtan, Bêrîtan

Tu es l’héroïne des Kurdes, Bêrîtan, Bêrîtan…

Toi, rose rouge du Kurdistan, Bêrîtan, Bêrîtan
Guide des filles du monde, Bêrîtan, Bêrîtan

Ton peuple a soulevé la révolte, Bêrîtan, Bêrîtan...

Sipan Xelat - Bêrîtan
Album : Siya Min
[traduction indicative]


1/2KL

dimanche 28 octobre 2007

Coup de projo sur YeniHaber

Les émeutes dans les quartiers habités par les communautés originaires de Turquie semblent avoir jeté la stupeur. Jean Demannez tombe des nues, il ne comprend pas pourquoi cette violence soudaine [Télé Bruxelles]. Toutefois, lui et d'autres, ont caressé dans le sens du poil cette fibre nationaliste. Ils ne méconnaissaient pas l'existence de toute une série d'institutions, de magazines servant de relais à l'État turc vis-à-vis de sa communauté expatriée et ont su les utiliser à l'approche des élections communales.

YeniHaber, par exemple, se défend d’attiser la haine ou d’inciter à la violence. Pourtant, son site web appelle chaque membre de la communauté turque à se reconnaître comme “un soldat”.


Naturellement, pareille phrase (ci-dessus) ne signifie pas quelque chose du style « nous souhaitons tous nous appeler Mehmet » et encore moins « comme Mehmet Köksal » dans le cas plus particulier de Yusuf Cinal, propriétaire de YeniHaber, qui exècre le journaliste indépendant.

Chaque Turc sait en fait que Mehmet réfère au nom générique des soldats, particulièrement ceux que l’État turc charge de sa politique d’occupation au Kurdistan. Ceci est similaire à l’appellation Bidasse, un prénom français à la base, servant à désigner n’importe quel troupier sans grade. On dit aussi Mehmetçik qui est la forme diminutive du prénom pour jouer sur la valeur affective.

Cette phrase réfère donc au dicton qui dit que tout Turc naît soldat (her Türk asker doğar) et est donc indéniablement marqué par le militarisme et le nationalisme.

En cliquant sur l’image, on trouve toutes les informations sur la campagne orchestrée par l’entraîneur de l’équipe de football turque visant à lever des fonds “pour les familles des soldats”, enfin, plus précisément pour l’état-major turc qui les reversera selon son bon plaisir. Une pratique que les autres fondations de vétérans indépendantes de l’armée critiquent fortement (voir l’article du Monde).

Plus généralement, YeniHaber reprend la dialectique habituelle que l’on a entendue mille fois dans la bouche des partisans d’un État kémaliste, centraliste, unitariste et monolithique. On a pas le droit de dire "Kurdistan", dire "Kurde" est même du racisme puisqu'on les divise de leur vraie nation dans laquelle ils doivent être amalgamés, le Turc qui critique la Turquie est un traître à la patrie (vatan haini), le non-Turc qui critique la Turquie est un ennemi de la Turquie (Türk düşmanı) ainsi que d'autres arguments suivant la même logique "imparable". En cela, il ne se distingue pas de plusieurs autres magazines locaux, en ligne ou pas, de la communauté turque comme Anadolu, Binfikir ou BelTürk qui prennent tous très à cœur leur mission d’indiquer l’opinion juste chez leurs compatriotes.

Cet encadrement idéologique est unique. On ne trouve absolument rien de similaire dans les autres communautés installées en Belgique ou en tous cas pas dans ces proportions-là, et de très loin.

Encore plus intéressant, l’ambassadeur turc, à qui il a été reproché plusieurs fois de sortir de sa réserve diplomatique pour souffler sur le feu du nationalisme au sein de la communauté turque (question orale du 23 octobre dernier par le sénateur Josy Dubié), que pense-t-il au juste d’un journal comme YeniHaber ?

Peu avare de mettre en avant la complicité qui le lie au diplomate, Yusuf Cinal fournit lui-même une réponse dans sa gazette en mai dernier :

Monsieur Cinal,

J'ai lu avec plaisir le dernier numéro de la revue YeniHaber.
Je crois que vous rendez un grand service dans le soin apporté à ce que la vie sociale, économique ou encore culturelle des membres de notre communauté vivant en Belgique puisse trouver une voix en son sein. Comme je le dis toujours, j'accueillerai avec estime et je soutiendrai toute sorte d'effort dépensé pour notre unité, pour que nous soyons ensemble. Dans ce contexte, je félicite YeniHaber et je souhaite la suite de son succès.

Fuat Tanlay
Ambassadeur de la République de Turquie à Bruxelles

Cette volonté d’unité est une énième référence au jacobinisme kémaliste turc, à son intolérance par rapport aux autres communautés anatoliennes (kurdes, arabes, assyriennes, arméniennes…) pourtant elles aussi présentes en Belgique, à la volonté affichée de leur dénier toute reconnaissance officielle voire à en combattre l’expression culturelle. Et ce n'est pas faire de l'extrapolation abusive que de dire cela, surtout si on ne méconnaît pas le passif de l'homme.

Le même Fuat Tanlay est en effet coutumier d'un interventionnisme chauvin particulièrement actif dans la sphère politique belge. On se souvient de ses lettres de protestation contre la parution de l'opinion de Bahar Kimyongür dans De Standaard en avril, de ses plaintes le même mois à des organes de presse car ceux-ci avaient directement évoqué des crimes nationalistes turcs contre l'institut kurde et contre des membres de la communauté kurde ainsi que de ses insultes directement dirigées contre Jean Demannez lui-même dans cette affaire et publiées par... Yusuf Cinal (voir la photocopie en ligne de la page de Hürriyet sur le blog "humeur allochtone").

1/2KL