lundi 31 décembre 2007

Symposium contre l'Isolement à l'ULB

Enfin un peu de temps pour rendre compte du dernier Symposium International contre l'Isolement qui s'est déroulé le week-end du 14 au 16 décembre dernier sur l'Université libre de Bruxelles. L'activité à la sortie du Symposium dont j'aurais sans doute l'occasion de reparler ainsi que les fêtes n'ont pas rendu cette tâche très aisée jusqu'ici.

Les premières conférences auront été consacrées à la presse dissidente, à la liberté d'expression ainsi qu'à la diabolisation des États sur la scène internationale : traitements médiatiques différenciés selon les pays, embargos internationaux et boycotts diplomatiques pour les États qui n'acceptent pas les lois de l'Empire.
Chose troublante durant ce premier jour, à des heures chevauchant notre horaire, le cercle "Turquoise" de l'ULB organisait une activité "sur la culture turque" comme relayé sur le très nationaliste site BelTürk. À leur programme : personnels diplomatiques ad hoc invités et venus faire la promotion d'un pays de cocagne où les gens sont heureux de faire bombance de mezes et de lokums.
Que du prévisible en somme mais surtout le contraste le plus parfait avec le discours plus terrien, quelques heures plus tôt, de Doğan Özgüden (Info-Türk), le plus célèbre opposant turc en Belgique, venu parler quant à lui du coup d'État et de ses conséquences encore aujourd'hui sur la liberté d'expression dans le même pays... Pour tout dire, nombreux sont ceux qui ne croient pas vraiment à un pur hasard de calendrier. Intéressants aussi, les dessins nationalistes (loups, trois croissants, MHP-philie...) laissés de bon coeur sur quelques affiches ce jour-là...

Le second jour aura été orienté sur les méthodes spéciales d'emprisonnement, la mise en quarantaine qui touchent les opposants politiques et les militants aussi bien en Europe, qu'en Turquie ou en Palestine. Ces méthodes y sont d'ailleurs sensiblement apparentées : les États ont font des parias, des intouchables dans le secret espoir que leurs idées le soient tout autant. Notable la présence de Behiç Aşçı, l'avocat turc qui a mené une grève de la faim de 10 mois (!) afin d'obtenir un assouplissement des mesures de détention des prisonniers politiques, changement toujours pas appliqué à ce jour malgré la circulaire relâchée par le ministère turc de la Justice qui le prévoit pourtant noir sur blanc. Benoît Van der Meerschen de la Ligue des Droits de l'Homme et Delphine Paci de l'Observatoire International des Prisons - section Belgique ont également apporté leurs contributions et leurs éclairages sur la question.

Une partie de l'après-midi et la soirée furent réservées pour les prestations du groupe Crystal, celle du duo Nuray & Taner et bien sûr pour GrupYorum venu tout spécialement pour l'occasion. Bonne ambiance au sein de l'auditoire Janson, le plus grand de l'université. Désolé, pas de photos de Yorum, fotoğrafları değil halayı çekmek lazım oldu... comprendra qui pourra... ;-)


Enfin, dimanche, la matinée aura été vouée aux juristes avec les interventions de l'avocat Mario Joseph qui a rendu compte de la situation en Haïti, un avocat qui continue d'ailleurs à subir des menaces de morts pour le combat qu'il mène contre la junte ; Jan Fermon, l'un des avocats du « procès du DHKC » que le Clea suit évidemment de près ; Flavio Rossi Albertini, l'avocat d'Avni Er qui risque en ce moment l'extradition vers la Turquie à partir de l'Italie pour des raisons éminemment politiques ; l'avocat Selçuk Kozaağaçlı qui est revenu sur la situation en Turquie ; l'avocate Sahar Madhi de la ville d'Erbil au Kurdistan irakien ainsi que celle de l'avocat Eberhard Schultz.

L'antiterreur, - lire, la tendance liberticide qui s'est accrue ces dernières années dans les pays réputés "démocratiques" par le biais d'un arsenal légal spécial - ne préoccupe pas que le Clea et ne concerne pas que la Belgique, loin s'en faut. Le phénomène est global, on ne le dira jamais assez. Ainsi, dans d'autres pays, d'autres associations ont, elles aussi, commencé à dénoncer sensiblement la même chose. Le droit de ne pas épouser l'opinion selon laquelle l'État colombien, Israël, les États-unis ou la Turquie (et d'autres) seraient "par défaut" des démocraties en état de légitime défense et selon laquelle les organisations militantes qui résistent à l'oppression militaire déployée par les premiers seraient résumables à des "terroristes" qui commettent "des attentats" quand ils prennent des cibles militaires, ce droit donc de ne pas penser comme cela n'est pas acquis ; le faire c'est même s'exposer à des sanctions pénales. Après le discours introductif de Jean Bricmont, furent donc bienvenus en cette première partie d'après-midi les témoignages de l'OPROR (Danemark), du CAMPACC, de Cageprisoners (Grande-Bretagne) et du Tayad Committee (Allemagne) qui à l'instar du Clea se battent contre ces fausses évidences.

La dernière conférence qui portait sur la lutte syndicale et sa criminalisation fut particulièrement touchante lors de l'exposé plein d'humour de Silvio Mara, ancien délégué des Forges de Clabecq. Là aussi, les pouvoirs publics n'ont pas hésité à monter un dossier à charge particulièrement sévère contre ceux qui ont su soulever ce qui fut probablement l'une des dernières grandes contestations syndicales de Belgique dans les années 90. Soit le même couplage entre revendications sociales et criminalisation auquel nous assistons aujourd'hui dans les luttes militantes en général. Un syndicaliste grec nous a fait aussi l'honneur d'apporter son témoignage ainsi que des amis italiens de l'Associazione di Solidarietà Proletaria. Le tout superbement orchestré par notre ami Thierry Delforge qui vient de connaître une fin heureuse dans ses récents demêlés judiciaires... pour "militance excessive".

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vendredi 7 décembre 2007

Le Clea coorganise la 6ème édition du Forum International contre l'Isolement

Le Clea coorganisera le prochain Forum International contre l'Isolement qui se déroulera à Bruxelles du 14 au 17 décembre prochains. L'autre organisateur est l'IPAI - International Platform Against Isolation - qui coordonne l'évènement depuis maintenant 6 ans. Le Bureau des Étudiants Administrateurs de l'Université Libre de Bruxelles le soutient aussi.

5ème Symposium International contre l'Isolement
Athènes, décembre 2006

L'isolement est avant tout une tactique politique qui consiste à diaboliser des individus, des organisations politiques ou même des États pour les décrédibiliser a priori comme interlocuteurs sur la scène publique. On peut le voir comme l'économie des luttes démocratiques et politiques et aussi comme une dérive franchement autoritaire.

Le but d'un tel symposium est de dénoncer l'isolement et les atteintes aux droits démocratiques qui s'accélèrent ces dernières années notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. Si la notion d'isolement est moins claire mais néanmoins présente dans le cadre de la semi-anarchie qui régit la scène des relations internationales, celui qui est pratiqué contre des organisations politiques ou des individus à l'intérieur des États eux-mêmes prend toute sa dimension à travers le refoulement dans la clandestinité d'une idée politique ou via les mesures d'incarcérations spéciales contre ceux qui sympathisent avec celle-ci.

Pour une organisation, cette tactique consiste donc à la rejeter vers la clandestinité et à la priver de sa légitimité démocratique. Ensuite, par rapport à des individus, l'isolement est un mode de détention particulier qui les différencie complètement des autres détenus de droit commun.

On observe que l'incarcération des personnes condamnées pour des raisons éminemment politiques, que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, se fait dans des conditions exactement similaires. En Turquie, par exemple, un prisonnier subit une qualification spéciale en fonction de sa condamnation, ce qui peut le conduire dans les prisons de "type-F" qui sont des établissements spécialement conçus pour l'isolement (privation sensorielle, interdiction des contacts, restrictions fortes des activités hors cellule, destruction psychologique, etc...). Inutile de préciser que certains articles du code pénal turc ont été tout spécialement élaborés à des fins politiques et que ce sont essentiellement ceux-là qui conduisent en "type-F".

Condamnés en première instance et en appel en Belgique, les prisonniers du « procès du DHKC » ont aussi subi des conditions d'isolement éprouvantes : lampes constamment allumées, interdiction des activités communes avec les autres détenus, réveil régulier pendant la nuit, humiliations et transports hors cellules déshumanisants,... Une torture blanche qui sied mieux aux États réputés démocrates.

Mais le lieu le plus connu où se pratique actuellement cet isolement qui échappe à toutes les règles élémentaires attenantes aux Droits de l'Homme demeure sans aucun doute le camp d'internement états-unien de Guantánamo.

Pour en parler, de multiples invités de tous horizons.

Pêle-mêle, viendront ; Maître Behiç Aşçı qui a mené une grève de la faim de 10 mois (prolongée par la prise de glucose) afin de demander l'assouplissement de la détention des prisonniers politiques en Turquie ; Doğan Özgüden, journaliste de la fondation Info-Türk et célèbre opposant en exil ; Maître Mario Joseph, un avocat impliqué dans la lutte des Droits de l'Homme en Haïti ; As’ad Ali Hassan Hussein et Hisham Bustani respectivement journaliste et écrivain de Jordanie qui soutiennent la résistance palestinienne ; Maître Flavio Rossi Albertini, l'avocat d'Avni Er, prisonnier politique en Italie et menacé d'extradition vers la Turquie ; Salah Nazzal, le ministre palestinien aux affaires des prisonniers ; Benoît Van der Meerschen, président de la Ligue des Droits de l'Homme en Belgique ; des représentants de plusieurs associations syndicales et de lutte pour les droits humains ainsi que des juristes de plusieurs pays, des intellectuels et professeurs engagés comme Jean Bricmont et encore bien d'autres... Très certainement, il y aura aussi le témoignage d'un ancien prisonnier de Guantánamo.

Ce lien permet de consulter le programme et ici on trouvera aisément la localisation de l'évènement.

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jeudi 6 décembre 2007

Routine de l'État policier en Turquie...

Sarıgazi est un quartier stambouliote situé aux abords de l’arrondissement d’Ümraniye. Il est l’un de ces nombreux faubourgs dissidents où la gauche radicale est traditionnellement fort implantée.

Sarıgazi est aussi la chasse gardée de la gendarmerie (sorte de police militaire appelée « jandarma » en turc) qui se livre quotidiennement à des actes d’intimidation, des arrestations et des tortures. La terreur militaire et policière s’est à ce point multipliée dans l’ensemble du pays, ces derniers mois, grâce notamment à l’extension de la « loi sur les fonctions et la compétence de police » que le ministre de l’intérieur Beşir Atalay a dû se raviser en adoptant une circulaire qui appelle la police à agir avec une marge « d’erreur zéro ».

"Le terrorisme policier se poursuit
à Sarıgazi" (HalkınSesi.tv)

Cette recommandation n’a pas empêché la gendarmerie (qui dépend certes de l’armée et non de la police) de mener une énième rafle ce mercredi matin à 5h à Sarıgazi durant laquelle 36 personnes ont été arrêtées de manière brutale et injustifiée.

Parmi ces 36 personnes interpellées, seuls les noms des personnes suivantes ont été communiquées à la presse: Uğur Çelik, Kemal Avcı, Hüseyin Avcı, Mahir Boz, Deniz Külek, Sercan Sarıtaş et Cem Nacar. La plupart d’entre elles sont des membres actifs de la section locale de la Fédération pour les Droits et les Libertés Fondamentaux (Temel Haklar ve Özgürlükler Federasyonu). On compte aussi le fils du maire de Sarıgazi parmi les personnes interpellées.

Aux familles qui se sont rendues à la caserne de la gendarmerie pour exiger la libération de leurs proches, on a répondu sèchement que les personnes arrêtées formaient une liste de 85 personnes recherchées et que les perquisitions allaient se poursuivre.

Sitôt dit sitôt fait : à 16h, les gendarmes ont investi le local de la Fédération pour les Droits et les Libertés de Sarıgazi en espérant pouvoir y trouver le reste des 85 personnes recherchées.

D’autres quartiers d’İstanbul, notamment ceux du « 1er mai » (1 Mayıs) et de Karabayır ont été le théâtre de perquisitions similaires perpétrées cette fois par la police. Yetiş Kırman, sympathisant de la section anatolienne de la Fédération pour les Droits et les Libertés Fondamentaux et Emre İskender, membre de la locale située à İkitelli ont été arrêtés sans le moindre motif. La circulaire ministérielle semble avoir été suivie par les forces de sécurité à la lettre : la terreur d’État continue avec « erreur zéro ».

D'après HalkınSesi.tv