lundi 12 novembre 2007

L'argument d'autorité des “listes noires”

Récemment, les “listes noires” ont été montrées du doigt par Dick Marty, rapporteur pour le Conseil de l'Europe, qui en dénonce les atteintes aux droits fondamentaux (Le Monde ; La Libre Belgique).

L'argument suprême, pour ne pas dire l'unique argument, qui détermine aujourd'hui pourquoi le DHKP/C ou d'autres sont des organisations terroristes réfère à ces fameuses listes noires établies par plusieurs administrations d'État. De cette manière, à la fin d'un article de la presse à grand tirage, il n'est pas rare de lire une ritournelle comme : "l'organisation x, y ou z est considérée comme une organisation terroriste par la Turquie, par l'Union européenne et par les États-unis". Qu'il s'agisse du PKK ou du DHKP/C par exemple. Le journaliste plaçant cette mantra dans son article le fait sans doute pour gagner le sentiment d'une certaine objectivité. En réalité, il parle des fameuses listes noires contre lesquelles de plus en plus de critiques se font entendre.

Aux yeux d'un libre-exaministe, on appelle cela un «argument d'autorité», c-à-d le désaveu de la critique. Ces listes ne sont en effet rien d'autre que des instruments créés par le pouvoir exécutif. Ce pouvoir décrète ce qui fait office de vérité, distingue le bien du mal, déclare les uns terroristes et, de fait, les autres non-terroristes. C'est ce qu'on appelle un dogme, un opinion qui s'impose du haut vers le bas. Et comme tout dogme, il est indiscutable.

Il est aussi important de rappeler qu'il n'y a aucun contrôle démocratique sur ces listes, qu'elles n'ont pas été votées par des parlements nationaux ou supranationaux, qu'elles s'imposent de facto a partir du moment où elles ont été rédigées par une administration.

Si l'on porte un zoom sur le cas plus particulier du DHKP/C, ce n'est pas seulement ce mouvement (Parti/Front Révolutionnaire de Libération du Peuple) qui a été inscrit sur cette liste, c'est aussi le Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire) classifié comme une seule et même variable. En d'autres termes, c'est tout le mouvement de lutte sociale opposé aux militaires, au coup d'État et à l'extrême-droite que l'on diabolise dans cette liste par le qualificatif «terroriste» et ce depuis son origine. Le DHKP/C est en effet la continuation du Devrimci Sol dont des dizaines de milliers de sympathisants et membres ont été arrêtés, torturés, assassinés ou conduits à l'exil par la junte militaire au pouvoir au début des années 80. [Voir le numéro 24 des groupes et entités classés comme terroriste sur la liste du Conseil des ministres de l'Union européenne]

Il faut savoir que ce genre de liste ne propose aucune définition du terrorisme et qu'on y retrouve de façon aléatoire des organisations aux idéologies radicalement différentes, c-à-d pêle-mêle : des islamistes ainsi que des mouvements d'opposition de gauche et régionalistes.

À cela, il faut ajouter que les organisations d'extrême-droite y brillent par leur absence. Ces mêmes organisations ne sont pourtant pas économes de nombreux crimes tels que pogroms, incendies criminels, lynchages, trafic de drogue, assassinats politiques et j'en passe et des meilleurs. La terreur qu'elles jettent au sein de la population, des minorités est tout à fait réelle. Rien que l'année 2007, par exemple, a égrené une formidable collection de méfaits commis par l'extrême-droite turque. Depuis l'assassinat de Hrant Dink jusqu'aux récentes émeutes et attaques contres les associations kurdes et celles de la gauche non-nationaliste. Personne n'est en mesure de dire aujourd'hui qu'il l'ignore.

Par conséquent, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cette liste et ses cousines du département d'État états-unien ou du conseil de l'Europe sont éminemment idéologiques. Et qu'elles visent l'obligation d'épouser une certaine vision du monde.

1/2KL

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