lundi 26 novembre 2007

Autres militants, autres cadres mais même logique criminalisante

À peine la dernière audience du «procès du DHKC» venait-elle de se terminer la veille que déjà deux autres procès s'ouvraient le lendemain et se poursuivaient. Des affaires où la militance et la revendication sociale en sont les principales accusées. C'est comme si nous étions témoins d'une espèce de déformation de l'espace-temps qui eût voulu concentrer la criminalisation des mouvements sociaux en un point précis de sa courbe, le tout dans une fourchette de moins de 24 heures.

L'une de ces affaires concerne notre ami Thierry Delforge, membre très actif au Clea. Rendez-vous a donc été donné à la 50ème chambre correctionnelle de Bruxelles mercredi passé afin de le soutenir. Les tenants et aboutissants de ce procès sont résumés quatre billets en amont.

La seconde qui n'est pas une mince histoire se déroule à Paris. Qu'il me soit donné la possibilité d'en retracer les grandes lignes à défaut d'avoir pu le faire jusqu'ici.

Tout commence en 2003, où un juge d'instruction français, Gilbert Thiel, lance une procédure à la demande des autorités italiennes contre trois communistes italiens installés à Paris : Angelo D’Arcangeli, Giuseppe Maj et Giuseppe Czeppel. Ils sont suspectés d'appartenir au (n)PCI [pour (nuovo) Partito Comunista Italiano] un parti considéré illégal sur le territoire italien et dès lors rejeté dans la clandestinité, un parti qui tire son origine des mouvements de gauche particulièrement réprimés durant les années noires en Italie du temps des Brigades Rouges (fin des années 70 et début 80). Jusque là, leurs activités militantes étaient tout ce qu'il y a de plus légal et ne dérangaient personne. Dans les faits, aucun acte criminel n'a jamais été commis et il n'y a eu pareille intention.

Malgré tout, l'italie a demandé l'extradition de ces militants en la motivant via la qualification de “terrorisme” c-à-d via les articles 270 et surtout 270 bis du code pénal italien qui n'est autre que l'équivalent de l'article 137 du code pénal belge, soit l'héritage partiel de la fameuse loi-cadre de l'Union européenne votée quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001.

Depuis plusieurs années déjà, les sympathisants du (n)PCI étaient l'objet de poursuites en Italie qui se sont toutes soldées jusqu'ici par des non-lieux. En outre, ces poursuites ont violé le principe du non bis in idem qui consacre le fait qu'un personne ne puisse être jugée plusieurs fois pour la même chose.

Matériellement, il n'y a donc rien contre eux sauf une chose : la possession de faux papiers. Les personnes concernées reconnaissent avoir été en détention de faux documents et s'expliquent par le fait qu'elles ne souhaitaient évidemment pas tomber entre les mains de la justice italienne pour leurs activités militantes préjugées illégales. Il faut dire que cette politique répressive avait connu un renouveau avec l'administration Berlusconi.

L'époque où la France offrait un asile aux militants de gauche semble bel et bien révolue. Que l'on pense à Oreste Scalzone de Potere Operaio et d'Autonomia Operaia qui a pu revenir en Italie récemment grâce à la prescription ou mieux à Cesare Battisti qui a du fuir la persécution politique en se rendant lui aussi dans le pays voisin. Du moins, pendant un temps, avant que le révisionnisme politique ne fasse des ravages et que les faucons italiens, sociaux démocrates de "gauche" compris, ne crient en choeur leur joie de mettre la main sur les néo-"terroristes". Cesare Battisti attend une éventuelle extradition depuis le Brésil où il a du trouver refuge après avoir été lâché par les autorités françaises.

Toujours est-il que dans le cas des sympathisants du (n)PCI de Paris, on demeure encore très loin de quelque chose qui ressemblerait à un crime au sens pénal du terme à tel point que le chef d'accusation retenu à du être redéfini en abandonnant la fameuse qualification de "terrorisme" dans les poursuites.

La justice française n'en démord pas pour autant et va se raccrocher au seul élément délictueux concret qu'elle a entre les mains : les faux papiers. Les peines octroyées ont été effroyablement lourdes, a fortiori pour des personnes qui possédaient un casier judiciaire vierge.

Pour résumer, Giuseppe Maj et Giuseppe Czeppel ont été condamnés à trois ans ferme et deux avec sursis (5 ans en tout) pour «association de malfaiteurs pour la fabrication et l’utilisation de faux papiers» et surtout l'interdiction de séjour sur le sol français les exposant à d'autres peines, factices bien évidemment, en cas d'expulsion. Le cas le plus surprenant est celui d'Angelo D'Arcangeli, condamné également (à un an ferme et un avec sursis, 2 ans en tout), mais en possession de papiers tout ce qu'il y a de plus officiels. Dès lors, personne n'a vraiment compris ce qui lui était exactement reproché. Cette condamnation sent trop la revanche de n'avoir pu mettre en exercice la qualification de terrorisme. Il est criant qu'elle est tout entière marquée d'une volonté répressive politique contre des militants.

Angelo D'Arcangeli

Un comité de soutien s'est créé autour de leur cas et la presse, en particulier le quotidien français Libération, et plusieurs personnalités médiatiques ont suivi attentivement le déroulement de ce procès. Tous trois se sont d'ailleurs pourvus en appel ; un appel dont les audiences se sont déroulées les 21 et 22 novembre derniers.

Dans les prochaines semaines, hasard du calendrier (enfin plus ou moins), un autre jugement sera rendu, en France cette fois, et constituera à n'en pas douter un indicateur supplémentaire sur la progression ou non des crimes d'opinion en Europe.

1/2KL

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