mardi 30 octobre 2007

Le nouveau procès «DHKP-C» devant la Cour d'Appel d'Anvers

Lors de la dernière audience préliminaire, les juges ont refusé de se prononcer immédiatement sur plusieurs entorses au Droit soulevées par les avocats de la défense.

Le 19 avril dernier, la Cour de Cassation prononçait un Arrêt que l’on peut qualifier – à raison – d’«exceptionnel» dans les annales judiciaires de ce pays. Coup sur coup était en effet annulé le jugement rendu en première instance contre sept membres présumés de l'organisation révolutionnaire DHKP-C, et fustigée l’attitude servile des juges de la Cour d’Appel. En cause ? La nomination, entachée de suspicion, du juge Freddy Troch à la tête du tribunal correctionnel du premier degré – une manœuvre organisée par le Procureur fédéral Delmulle et que les juges d’Appel avaient, «à tort», accepté d’avaliser. De ce fait, la Cour de Cassation exigeait que toutes les incriminations soient rejugées devant une autre Cour d’Appel.

C’est ainsi que les 27 et 28 septembre s’étaient tenues, à Anvers cette fois, une audience préliminaire (avant le début des débats officiels, le 8 novembre prochain). Au cours de cette session préalable, les avocats de la défense avaient contesté (comme à Bruges puis à Gand) une série d’incidents et d’abus de pouvoir qui avaient déjà dévoyé les deux verdicts antérieurs : des manœuvres qui, au final, avaient contribué à restreindre (voire à anéantir) une série de droits auxquels les prévenus auraient dû normalement prétendre. Ces éléments préjudiciels se sont notamment cristallisés à travers...

• une instruction judiciaire manipulée, afin qu’elle reste un manifeste uniquement «à charge» des prévenus ;

• un procès correctionnalisé d’office, dont les juges n’ont jamais voulu convenir du caractère indéniablement politique (alors que les délits de nature politique relèvent de la Cour d’Assises) ;

• la désignation de l’État turc au titre de partie civile au procès, alors que cette qualification était et reste parfaitement illégitime.

Sur ces trois points, ainsi que sur la conclusion à tirer du verdict de Cassation lui-même (un verdict radical, laissant supposer que le procès se devait d’être recommencé depuis le tout début, et non «sauter» la première instance), les décisions que devaient prendre les trois juges de la Cour d’Appel d’Anvers – le vendredi 26 octobre – étaient donc extrêmement importantes. Car c’est l’allure générale imprimée à ce nouveau procès qui s’en trouverait ainsi dévoilée. De même que l’appréciation, portée par les trois juges anversois, sur les actes reprochés à des inculpés qui ne sont ni des malfaiteurs, ni des criminels, ni des terroristes.


Les quatre questions préjudicielles


Au lieu de renvoyer l’affaire devant une autre Cour d’Appel, la conclusion logique de l’Arrêt édicté par la Cour de Cassation devait – selon la défense – être tout autre : rejuger les prévenus en recommençant leur procès depuis le début, c’est-à-dire d’abord en première instance.

Dans les attendus de l'Arrêt rendu par la Cour de Cassation le 19 avril 2007, on pouvait lire en effet :

En vertu de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (…). L’article 14.1 de la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques stipule que – pour établir le bien-fondé d’une accusation pénale dirigée contre elle ou pour établir ses droits et obligations dans une procédure – toute personne a droit à ce que sa cause soit traitée équitablement et impartialement par une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale instituée par la loi. Les deux articles précités exigent non seulement que l’instance judiciaire soit indépendante et impartiale, mais également qu’il n’existe aucune apparence de dépendance ou de partialité (…).

Rappelons succinctement le contexte.
Pour être sûr que le tribunal de première instance aboutisse à l’affirmation d’une vérité judiciaire implacable, une partie de la haute magistrature flamande (à l’instigation du Procureur fédéral Delmulle) s’était faite complice d’un véritable coup de force : transformer la quatorzième Chambre du Tribunal correctionnel de Bruges en hall d’entrée de la justice d’exception. C’est ce qu’accomplira, par son ordonnance datée du 4 novembre 2005, le premier Président de la Cour d’Appel de Gand (Jean-Paul De Graeve) en désignant Freddy Troch, juge à Termonde, pour présider «le temps du procès» l’affaire Erdal, y faire primer la tournure dévolue et lui imprimer la tension voulue. Certes, il était de la prérogative du Premier Président de la Cour d’Appel de Gand de désigner un juge à détacher à Bruges pour renforcer les diverses chambres du Tribunal correctionnel en cas de «manque d’effectifs». Termonde faisant partie du ressort «couvert» par Gand, il était sans doute normal qu’on s’adresse aussi à Troch. Pour autant, dans l’avis de transfert (tel que formulé par le premier Président), le Parquet avait indiqué par avance dans quelle Chambre du tribunal de Bruges Troch devait être spécialement affecté et pour quelle affaire. C’est contraire à la loi et à son Article 98. Seul le Président du tribunal de Bruges dispose de ce pouvoir. Il lui revenait donc de désigner, lui-même, la Chambre où aurait dû être affecté Freddy Troch. En l’occurrence, la quatorzième ne pâtissait pas de l’absence de son Président titulaire (madame D’Hooghe) mais de l’un de ses deux juges assesseurs... Conséquemment, une fois Troch installé, tout pourra copieusement se dérouler – même si, en la circonstance, c’est la Justice qui se sera fait pieusement rouler. Cela va sans dire : en degré d’Appel, le 12 septembre à Gand, le juge Logghe – sollicité par la défense unanime – n’osera pas remettre en question la composition indue du tribunal de Bruges – car un aveu de nullité aurait accablé le comportement coupable de son propre supérieur hiérarchique, J.P. De Graeve...

Que disait justement l’Arrêt de Cassation à propos du transfert et de l’affectation du juge Troch ?

Que la délégation d’un juge d’un tribunal dans un autre tribunal concerne par définition un juge particulier, que l’ordonnance en la matière s’effectue sur les réquisitions du procureur général ou sur avis de celui-ci..., ces circonstances ne peuvent susciter une suspicion de partialité dans le chef d’un juge délégué. Il revient au premier président de veiller à ce que la délégation du juge ne vise pas d’autre objectif que celui des nécessités du service. Jusqu’à preuve du contraire, le premier président doit être présumé n’avoir visé en la matière que le bon fonctionnement du service et tous les juges sont également présumés juger de manière impartiale.
En revanche, la désignation d’un juge en application de l’article 98 du Code judiciaire ne peut pas servir de moyen pour influencer la composition du tribunal en vue de l’instruction d’une affaire particulière. Et les circonstances, dans lesquelles les délégations s’opèrent, ne peuvent pas davantage être de nature à susciter auprès des parties et de tiers une apparence de partialité ou de dépendance.
Afin de justifier sa demande d’avis pour la délégation d’un juge d’un autre tribunal de son ressort, le premier président de la Cour d’appel de Gand (Jean-Paul De Graeve, NDLR) déclare dans son courrier du 31 octobre 2006 au procureur général de Gand: «Le procureur fédéral (Johan Delmulle, NDLR) a laissé entendre qu’il s’agit d’un procès très "chargé" et que Madame D’Hooghe se sent mieux soutenue par un juge pénal masculin expérimenté».
Cette justification peut susciter l’impression, dans le chef des justiciables, que la composition du tribunal qui devait instruire l’affaire a été influencée. La désignation du juge Troch qui a suivi, même si chaque juge est présumé être indépendant et impartial, peut dès lors susciter une apparence de partialité et de dépendance. Le fait que le procureur général (Frank Schins, NDLR) a donné un avis négatif le 2 novembre 2005 sur la désignation du juge d’un autre tribunal (...) peut encore renforcer cette impression (...).

Or, de cette série de constats particulièrement sévères, la Cour de Cassation tirait la seule conséquence logique : annuler l’ensemble des jugements rendus par le tribunal correctionnel de Bruges (parce que sa composition pouvait «susciter une apparence de partialité») :

Par ces motifs, la Cour (...) casse les jugements du tribunal correctionnel de Bruges des 6 décembre 2005, 24 janvier 2006 et 28 février 2006; ainsi que les décisions du 28 février 2006 de la Chambre correctionnelle de Bruges ordonnant l’arrestation immédiate des demandeurs.

Dans ses attendus, la Cour de Cassation précisait toutefois :

Il résulte de ce qui précède que les juges de la Cour d’Appel de Gand ont jugé à tort que la composition du tribunal (de Bruges, NDLR) était régulière. C’est dès lors à tort qu’ils n’ont pas expressément infirmé le jugement de première instance. Ceci peut susciter dans le chef des accusés une apparence de partialité et de dépendance des juges d’Appel eux-mêmes.

Selon la défense, dans ces conditions (jugement de Bruges cassé et verdict de Gand fracassé), il était donc fondé, juste et non-discriminatoire de recommander la seule issue garante des droits des inculpés: recommencer leur procès depuis le début – en permettant aux prévenus de concrétiser ce qui est légalement reconnu à tout accusé (pouvoir bénéficier d’un procès avec une instance du premier degré et une instance d’Appel).
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer sur cette résolution. Argument essentiel : lorsque, dans une affaire, les deux jugements ont été cassés (comme c’est le cas ici), il est d’habitude de la renvoyer devant le degré de l’instance contestée – qui, la dernière, a rendu jugement. Est-ce que cette règle, renvoyant automatiquement vers le degré d’Appel, est discriminatoire ? Selon son Président Stephaan Libert, ce n’est pas à la Cour d’Appel d’Anvers de le dire. A la limite, au terme de ce nouveau procès, les avocats devraient à nouveau se pourvoir pour exiger de la Cour de Cassation qu’elle dénoue cette contradiction et ce vide constitutionnel (quitte à en saisir la Cour d’Arbitrage [désormais dénommée «Cour constitutionnelle» NDLR]) au profit des inculpés.


Dès 1999, l’instruction judiciaire a été manipulée par la gendarmerie et le Parquet fédéral. Dans le dossier monté contre 11 membres présumés du DHKP-C n’ont été respectées ni la loi ni la jurisprudence. Celles-ci recommandent pourtant que l’ensemble des faits allégués soient l’objet d’une instruction à charge mais aussi «à décharge»… Ce qui n’a pas été le cas. Elle doit donc être reprise, en brisant son caractère unilatéral.

Rappel du contexte.
Suite à l’arrestation de «Neşe Yıldırım», Musa Aşoğlu et Kaya Saz le 26 septembre 1999, l’instruction conduite par le juge Buysse portait sur des faits circonscrits et limités territorialement : à travers l’association de malfaiteurs étaient visés «la possession d’armes; le vol, le recel de matériel électronique et de documents d’identité; les faux et l’usage de faux», toutes choses retrouvées à Knokke. C’est tout. Mais, lorsque «Neşe Yıldırım» sera identifiée sous son vrai nom, l’affaire va prendre – de fait – un tour ouvertement politique : selon la Turquie, Fehriye Erdal avait prêté son concours à l’assassinat d’Özdemir Sabancı – un mandat d’arrêt international étant lancé contre elle pour «tentative de renverser l’ordre constitutionnel». Néanmoins, le juge chargé de l’enquête ne changera pas la géographie des préventions initiales : les incriminations pénales ne concerneront pas d’actes éventuellement commis en Turquie.
Progressivement cependant, l’instruction judiciaire va totalement échapper au juge brugeois : non seulement elle sera réorientée par la gendarmerie et le Parquet fédéral (d’abord sous la pression de Michèle Coninsx puis de son successeur : Johan Delmulle), mais d’autres personnes – soupçonnées d’avoir également des liens avec le DHKP-C, tel B. Kimyongür – vont également faire l’objet de poursuites dans le même dossier. Cette mise sous tutelle va aussi se concrétiser lors de la clôture de l’instruction, alors que tous les devoirs d’enquête ont été accomplis par le juge Buysse. Juste avant d’être transmis à la Chambre du Conseil, le dossier est alors remis aux parties et au Ministère public, ce dernier ayant le droit d’y ajouter ses propres réquisitions – ce que ne manquera pas de faire J. Delmulle. Le magistrat fédéral va, en effet, requalifier la prévention concernant l’accusation d’association de malfaiteurs, en la complétant par huit mots: «(...) en vue de commettre des attentats en Turquie». Cette reformulation de dernière minute (qui va servir de brèche à l’État turc pour se constituer partie civile) a une conséquence immédiate : elle induit une malversation dans la procédure, manifestement attentatoire à la régularité du procès. Comme l’instruction n’a pas inclus d’investigations en Turquie (qui auraient pu utilement démontrer l’emprise militaire qui a écrasé ce pays depuis 1981), elle est partiale parce que partielle.

Pour la défense, il s’agit là clairement d’une nouvelle atteinte aux droits des prévenus – l’instruction devant être reprise et complétée par des devoirs d’enquête supplémentaires qui en briseraient le caractère foncièrement unilatéral.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer sur cette requête, renvoyant l’examen des arguments évoqués pour la justifier lors des débats sur le fond.


On peut la prendre par n’importe quel bout : toute cette affaire est politique. En s’appuyant sur une jurisprudence ridée et anachronique, les juges ont préféré en faire une histoire de délinquance crapuleuse et de criminalité abjecte. En y ajoutant l’accusation infamante de terrorisme.

On le sait : chaque fois interpellés, les juges ont décrété que les faits reprochés aux prévenus ne pouvaient faire l’objet d’un procès politique relevant de la Cour d’Assises.
Mais qu’est-ce qu’un délit politique ? Que ce soit en première ou en seconde instance, les juges ont fait chorus en se référant à des jurisprudences anachroniques datant de… 1900, 1913 ou 1923 (alors que ces 20 dernières années, les lois pénales essentielles ont toutes été «modernisées» et profondément remaniées).
Ainsi dans le verdict posé par la Cour d’Appel, les juges justifient le bien-fondé de cet «a-politisme» en notifiant : «Le fait [pour le DHKP-C, NDLR] de commettre des attentats sur des personnes (principalement des officiers de police, des juges, des industriels (...)) et des bâtiments (bureaux de police, tribunaux, centres commerciaux, etc…) n’est pas en soi de nature à atteindre l’action et l’organisation des institutions politiques législatives ou de menacer l’organisation de l’Etat» (page 35)... Par contre, page 127, le jugement affirmera juste l’opposé : «Il est on ne peut plus clair que la commission systématique et successive d’attentats à l’encontre d’hommes politiques turcs, de personnalités militaires, de magistrats et d’hommes d’affaires, et contre des bâtiments publics, a eu de graves conséquences pour l’organisation et l’administration du pays (...). L’exercice de la lutte armée est de nature à porter gravement atteinte et à désorganiser la structure constitutionnelle fondamentale du pays». Ce qui renvoie à la notion de crime politique, tel que le définit la jurisprudence – fût-elle la plus restrictive.
La défense avait également invoqué un «état de nécessité», arguant que les accusés et leur mouvement politique en Turquie menaient une lutte violente en réaction à une violence d’État : celle d’un régime dominé par l’armée. Depuis la Seconde Guerre mondiale en effet, la Turquie a subi trois coups d’État militaires (le dernier a instauré une dictature épouvantable qui, dans les années 80, a entraîné l’arrestation de 650.000 personnes). En réalité, derrière un façadisme démocratique, les militaires tiennent encore et toujours les rênes du pouvoir. La Turquie détient le record des violations de la Convention européenne des droits de l’Homme (75% des plaintes que doit juger la Cour de Justice de Strasbourg concernent la Turquie) et compte encore des milliers de détenus politiques dans ses prisons. Les juges de Gand n’ont pas voulu en convenir : «Que certaines autorités turques utiliseraient manifestement des moyens illégaux pour se venger (…) ne sont pas non plus à relever pour le jugement des faits qui sont actuellement à charge des accusés» (page 44).
Or, le refus de reconnaître cet état de nécessité, et les justifications qui en sont données, est sans doute l’élément le plus révoltant figurant dans l’arrêt de la Cour d’Appel (page 127) : «Le coup d’État fasciste (…), la répression de l’État turc constituent une réaction à la démonstration de force du parti ouvrier au sens large». Ainsi, selon la Cour (qui ne fait pas de politique), la répression fasciste serait une réaction (légitime en elle-même) à la lutte du mouvement ouvrier. Et puisque tous les désordres devraient être imputés au mouvement ouvrier (en quelque sorte, coupable de vouloir faire triompher ses droits), l’évocation d’un prétendu «état de nécessité» en devient inconvenant, incongru. Historiquement, il faut cependant constater que c’est avec les mêmes arguments qu’ont été justifiés et honorés tous les putsch fascistes – de Mussolini à Pinochet. Dans la même logique scandaleuse, la Cour avait également rejeté toutes les requêtes formulées par la défense pour prendre en considération la situation en Turquie durant la période 1997-2004 (période des faits incriminés) : «Il n’est pas utile d’aller plus loin dans les éventuels méfaits accomplis par les pouvoirs turcs, ni dans les violations des droits de l’Homme en Turquie» (page 42).
D’un côté, on a donc fait totale abstraction du contexte politique réel en Turquie. Mais de l’autre, la Cour s’est néanmoins permis de juger les actions revendiquées par une organisation politique agissant dans un pays situé à plus de 3.000 kilomètres de la Belgique.

Pour la défense, les choses sont donc des plus claires : les délits, si délits il y a, sont de nature politique. Ils doivent être renvoyés devant la Cour d’Assises, constituée de juges et d’un jury populaire.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a refusé de se prononcer immédiatement sur cette conviction, renvoyant l’examen des arguments évoqués pour la justifier lors des débats sur le fond.


Une nouvelle fois, l’État turc entend participer au procès alors qu’il n’en a pas la compétence.

Le jugement de première instance, tel qu’énoncé par la 14ème Chambre correctionnelle de Bruges, avait finalement dû en convenir.
«L’Article 3 du Code d’Instruction criminelle détermine que la réclamation judiciaire civile revient à ceux qui ont subi des dommages. Pour que la constitution comme partie civile soit recevable, la partie doit non seulement décrire son exigence de réparation des dommages, mais aussi relever qu’elle a été personnellement dommagée (Cassation, 4 avril 1987). Il doit, de ce fait, avoir été subi un dommage personnel par le délit. La réclamation d’une personne naturelle ou d’une personne de droit ne peut être acceptée si la partie civile n’a pas un intérêt personnel et direct. Ici, la partie civile [l’État turc, NDLR] ne prouve pas quel dommage direct matériel et/ou moral elle a subi à la suite de faits qui sont mis à charge des inculpés. Ceci est jugé par le tribunal d’une manière inattaquable (Cassation, 16 décembre 1992) (...). Le fait que l’État turc a probablement un intérêt dans la punition des inculpés ne suffit pas non plus à la recevabilité de son action civile (...) [d’autant] que l’intérêt dans la punition se mêle à l’intérêt de la communauté – l’État belge – qui a confié exclusivement l’exécution de l’action judiciaire au ministère public (Cassation, 24 janvier 1996). Attendu les principes précédents, la constitution de l’État turc comme partie civile à la suite de ces méfaits doit être considérée comme non recevable»...
Or, en degré d’Appel, le Président Logghe et ses deux assesseurs (dûment chapitrés par J. Delmulle) avaient récusé ce jugement indéniablement fondé – autorisant la partie turque à siéger, plaider et à se voir symboliquement dédommagée. Se faisant, ils avaient autorisé l’avocat d’Ankara à se comporter, au sein du tribunal, comme un second Procureur. Ce qui ne peut être.

Pour la défense, les arguments «évidents» déjà énoncés par le tribunal de Bruges (dans son jugement du 28 février 2006) sont implacables : la partie turque ne peut se constituer partie civile.
Vendredi 26 octobre, dans son Arrêt intermédiaire, la Cour d’Appel d’Anvers a non seulement refusé de se prononcer sur cette impossibilité mais a décidé d’y surseoir – autorisant d’ores et déjà l’avocat Vincke (porte-serviette de l’État turc, NDLR) de participer aux débats sur le fond et d’y plaider la cause d’Ankara. C’est seulement dans son jugement final que la Cour d’Appel fera savoir si la partie turque en avait bien la compétence...

Jean Flinker

0 commentaires: