lundi 22 octobre 2007

Le fascisme turc sous son vrai jour

En quelques jours, la guérilla kurde vient d'éliminer une vingtaine de soldats turcs au Kurdistan à la frontière irakienne. Une occasion en or saisie par les nationalistes turcs pour révéler leur vrai visage durant ce week-end.

Tout d'abord en Turquie où certains sièges du Parti du Rassemblement Démocratique pro-kurde viennent d'être incendiés pour la seconde fois en l'espace d'une semaine. Parfois, des assauts ont eu lieu à l'arme à feu à l'encontre des bâtiments du parti.
Mais les boucs émissaires dépassent en réalité ce qui ressemble, même de loin, au seul mouvement pro-kurde. Les brigades nationalistes se sont donné permission de frapper bien plus largement. Ainsi, les locaux de la Temel Haklar Federasyonu (Fédération des Droits Fondamentaux) issue de la gauche non-nationaliste ont été à leur tour saccagés. Ces mises à sacs et parfois lynchages ont eu lieu dans les villes de Bursa, d'Elaziğ, d'Erzurum, de Malatya et de Samsun. Idem avec le Parti Communiste de Turquie qui a été pris pour cible sur la place de Taksim et dans le quartier de Tuzla à İstanbul. De plus, on a appris qu'un jeune de gauche, Erkan Bayar, a été tué dans le quartier de Gazi par des bandes d'extrêmes-droite. Ces violences ont été rapportées par l'agence de presse HalkınSesi.tv et le quotidien Radikal (qui a fait un résumé).

En Belgique aussi, les Loups Gris sont sortis de leur tanière. Ils ont détruit un négoce arménien et se sont ensuite dirigés vers l'ambassade états-unienne pour y déverser leur frustration. Le journaliste Mehmet Köksal connu pour sa verve pinçante a du faire les frais d'une agression physique, les nationalistes ne lui pardonnant pas son esprit "trop critique" à leurs égards.

Plus que la pseudo-spontanéité de ces démonstrations à laquelle personne ne croit vraiment, c'est le laxisme des autorités et leur complicité passive qui étonnent. Comme par exemple cette facilité avec laquelle une manifestation essentiellement violente a pu s'approcher d'un périmètre qui fait l'objet de mesures de sécurité exceptionnelles d'habitude à Bruxelles.

Les Loups Gris, les Ülkücü et les autres factions d'extrême-droite ainsi que leurs partis respectifs sont considérés non-terroristes par la Turquie, les États-unis et l'Union européenne.

Culture du lynchage

Le lynchage des militants de gauche, des militants pro-kurdes, des objecteurs de conscience, des homosexuels, des Alévis, bref de tous ceux qui refusent de se mettre au garde-à-vous devant le drapeau turc est loin d'être un phénomène isolé en Turquie. Au point que les sociologues turcs ont adopté un terme pour le désigner : la culture du lynchage.

Le scénario est toujours le même. Chaque fois qu'un évènement susceptible d'heurter la passion nationaliste turque se produit, la presse à grand tirage et les chaînes de télévision nationalistes s'en emparent. L'institution militaire, "la Grande Bavarde", deuxième tête pensante de l'État, qui ne se prive pas de commenter régulièrement la scène politique, ou les associations kémalistes telles que l'Association de la Pensée d'Atatürk peuvent alors compter sur ces medias pour relayer leurs messages. Ce savant mélange de désinformation et d'attisement de sentiments naïfs donnera inévitablement lieu à des débordements, surtout de la part des mouvances d'extrême-droite. Ces débordements peuvent ensuite être utilisés comme preuves du bien-fondé des revendications avancées.




La première video au-dessus reprend la partie consacrée aux lynchages de l'émission Un Oeil sur la Planète de France 2 (voir le topic concerné). La seconde video (nécessite RealPlayer sinon cliquer ici) a été tournée par Indymedia İstanbul en mai 2006. Il s'agit d'un étudiant de gauche de l'Université Technique d'İstanbul que des nationalistes ont tiré hors d'un bus pour le lyncher. Le quotidien à grand tirage Radikal évoquera cette brutalité dans un article dont le titre réfère directement à cette fameuse "culture du lynchage". On y reconnaît facilement la victime de la video sur la photo illustrative.

Ces pratiques ne sont pas sans rappeler des moments terribles de l'histoire occidentale tels que les pogroms ou la Nuit de Cristal dirigés spécialement contre les Juifs par les brigades fascistes.

C'est aussi l'avis de la plate-forme des associations issues de l'exil politique en Belgique, le collectif 1971, qui a déjà mis en garde les autorités belges plus d'une fois des dérives qu'entraînent inévitablement la tolérance de l'extrême-droite.

Tolérance et complicité des politiques belges

En Belgique, les autorités tolèrent les bandes d'extrême-droite turques, ou pire, leur permettent de jouer un rôle dans la société civile qu'on ne donnerait jamais à un parti tel que le Vlaams Belang par exemple. Le fameux "cordon sanitaire" n'est tout simplement pas appliqué dès lors qu'il s'agit de candidats turcs se présentant aux élections.

On se souvient de Laurette Onkelinx qui avait bataillé avec une rare conviction pour maintenir Murat Denizli, Loup Gris avéré contrairement à ce qui en est dit, à la treizième place de sa liste à Schaerbeek lors des élections communales, au grand damne des militants socialistes d'ailleurs, sous prétexte que le nationalisme turc n'était qu'un "nationalisme romantique" [Le Soir] et qu'il fallait faire fi de ces questions de détails.

Jean Demannez, bourgmestre de Saint-Josse et également du Parti Socialiste, craignant un effritement de son électorat potentiel, a rejeté d'emblée la possibilité que l'incendie criminel qui a touché l'institut kurde en avril dernier soit d'origine politique [La Libre Belgique], comprendre qu'il soit imputable aux membres des associations d'extrême-droite qui ont pignon sur rue à Bruxelles. Ceci contre le bon sens commun : l'institut kurde a déjà été attaqué plusieurs fois et la presse turque nationaliste de Belgique a diffusé elle-même les photos des rassemblements Loups Gris devant l'institut...

La Türk Dernekleri Federasyonu dont on sait pertinemment qu'elle est un foyer de Loups Gris et d'extrêmistes turcs n'a jamais été perquisitionnée et continue à étendre son emprise sur les jeunes turcs des quartiers de Bruxelles.

Alors que l'on voit le procureur fédéral s'acharner à faire condamner des militants de la gauche non-nationaliste turque en s'appuyant sur des "caractères qui montrent que", des "crimes d'appartenance à", des "nécessités de mesures pro-actives", les enquêtes touchant aux faits criminels concrets et vérifiables des nationalistes turcs piétinent lamentablement comme l'a rappelé le sénateur Josy Dubié l'année passé au Sénat.

Le fossé entre le zèle du Parquet à poursuivre des militants, qui utilisent les libertés fondamentales dont ils ne pourraient jamais jouir pleinement dans leur pays, et le manque de motivation à poursuivre et à inculper les têtes de l'extrême-droite turque est criant.

Aujourd'hui, il y a suffisamment d'éléments pour en arriver à croire à une véritable complicité au sein même de l'institution.

1/2KL

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