mardi 9 octobre 2007

La police turque tire sur des distributeurs de journaux...

La Turquie vient encore de dévoiler timidement son visage de pays pluraliste et de prouver une fois de plus sa progression constante vers la démocratie comme chacun sait... enfin, il paraît...

Plus concrètement, ce dimanche à İstanbul dans le quartier de Yenibosna, la police turque a ouvert le feu sur des adolescents de HÖC qui distribuaient des revues du magazine Yürüyüş. Parmi eux, le jeune Ferhat (16 ans) qui se trouve en ce moment entre la vie et la mort après avoir reçu une balle dans le dos. Les membres de HÖC vendaient ces revues comme ils le font assez souvent ; parmi eux une quinzaine de personnes ont été placées en garde à vue. (HalkınSesi.tv)


La haine pour les médias critiques

HÖC (Haklar ve Özgürlükler Cephesi - Front des Droits et des Libertés) est une plate-forme de gauche (non-nationaliste) en Turquie qui rassemble plusieurs associations progressistes, des organes de presse et un groupe de musique. L'Association des Droits Fondamentaux, le journal en ligne HalkınSesi.tv, la revue Yürüyüş, l'agence de presse Özgürlük, l'association de solidarité des familles des prisonniers politiques TAYAD et le groupe de musique GrupYorum en sont tous membres et subissent régulièrement les intimidations de la police turque quand ce n'est pas pire.

Yürüyüş (La Marche) est quant à elle une revue distribuée légalement en Turquie mais dont le siège se trouve aux Pays-Bas, hors frontières pour éviter de tomber sous le coup de la censure comme cela était arrivé à d'autres médias progressistes il y a tout juste un an et dont les sièges étaient situés, eux, en Turquie (voir à ce sujet la campagne "We want freedom" en faveur des prisonniers du 10 septembre). Toutefois, Yürüyüş possède également un siège à İstanbul.

Distribuer, diffuser en Turquie à partir d'une maison d'édition ou d'une antenne installées à l'étranger, sont devenus des secondes natures pour bon nombre de médias anatoliens qui dérangent l'appareil d'État. C'est aussi le cas du quotidien Yeni Özgür Politika (pro-kurde) installé en Allemagne et de la chaîne Roj TV (également pro-kurde) dont l'administration est en Belgique mais qui émet depuis le Danemark. Ce pays subit d'ailleurs les pressions constantes de la Turquie notamment via la diplomatie états-unienne pour faire fermer la chaîne kurde... Fort heureusement, le Danemark n'a jamais cédé jusqu'à maintenant. Info-Türk (de gauche) est aussi abonné à cette mode du média en exil. Les exemples ne manquent bien sûr pas.

Outre les médias de gauche plus épars, certaines revues à grand tirage et à la critique acerbe ne sont pas épargnées non plus par la censure. Ainsi, le magazine Nokta (Le point) a du cesser toute activité après que son directeur, Alper Görmüş, a été traîné devant les tribunaux pour "diffamation" suite à des révélations retentissantes sur les généraux turcs. Pendant près de 6 mois, on pouvait lire sur leur page d'accueil "Avec l'espoir de vivre dans une Turquie plus démocratique". Le procès intenté contre le directeur de Nokta est toujours en cours.

Alors que beaucoup de journaux turcs à grand tirage sont en général abrutissants, que ces derniers consacrent surtout leur attention à mettre une bonne quantité de photos de dames dévêtues plutôt qu'à l'actualité elle-même - un coup d'oeil sur les pages d'accueil de Milliyet ou de Hürriyet à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit suffit à s'en convaincre... - et qu'ils sont largement acquis aux thèses nationalistes en vigueur, la presse critique, elle, fait face quotidiennement à la censure, à l'emprisonnement des journalistes, et aux intimidations qui sont autant de réalités banalisées en Turquie.

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